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Les Aventuriers de DIEU

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Message  Monique Mer 31 Aoû 2016 - 0:35

L’occasion attendue vint; elle vient toujours pour ceux que la Providence s’est réservée à son service. On parlait beau coup (le la religieuse du Pont de Lodi, de son école et de ses audaces, quand l’intendant de l’île Bourbon — la Réunion actuelle — arriva à Paris. Il venait mettre au courant le gouvernement de la situation dans l’île, matériellement prospère, mais où les indigènes croupissaient dans l’ignorance et le pire laisser-aller. « J’ai ce qu’il vous faut! », lui dit le vicomte Laîné, ministre de l’Intérieur. La Mère Javouhey fut convoquée et, sans montrer de surprise — Dieu n’était-il pas avec elle ? — s’entendit proposer de prendre en mains l’éducation et les oeuvres charitables dans l’île. Ce qu’elle accepta instantanément. Et, quelques mois plus tard, quatre religieuses de Saint-Joseph en robes bleues s’embarquaient pour le long voyage : la première pierre d’un grand édifice missionnaire était posée.

La Mère Javouhey n’était point partie elle-même : ce n’était pas que l’envie lui en manquât! Mais outre qu’il lui paraissait difficile de quitter si tôt son oeuvre en France, elle se réservait pour un autre dessein. Son rêve ne lui avait-il point appris que ses « enfants » seraient les nègres ? C’était au continent noir qu’elle pensait, à l’Afrique, où elle voulait implanter la croix. La France était bien loin alors de posséder les immenses domaines qui, de la Méditerranée au Congo, composeraient son empire africain, mais elle avait déjà une porte d’entrée sur le monde noir, le Sénégal. Peu de choses encore, malheureusement : une colonie mal administrée, livrée aux mercantis les plus suspects; une population nègre qui n’avait guère pris des Blancs que leurs mauvaises habitudes; une capitale délabrée, Saint-Louis, encerclée par la brousse, où tout semblait à l’abandon, où l’hôpital tombait en ruines. Bien entendu les âmes étaient dans le même état, un si triste état que le Préfet apostolique quittait les lieux, découragé. Mais on ne décourageait pas aussi facilement la Mère Javouhey et ses Soeurs!

Un premier peloton de six religieuses s’embarqua, sous la direction de la plus jeune des filles Javouhey, Claudine, devenue, en religion, Mère Rosalie. Pierre Javouhey partit aussi, mais de caractère faible, réussit mal et rentra en France. Les religieuses, elles, tinrent bon. Tracasseries de l’administration, manque d’argent, épidémie de dysenterie rien ne les fit lâcher pied. Pendant ce temps à Paris, la Mère Javouhey se démenait pour qu’on envoyât au Sénégal un nouveau Préfet apostolique et des secours en vivres et en médicaments. Elle était en passe de devenir un personnage, la chère Mère! Le duc Decazes aimait à s’entretenir avec elle et il n’était ministre qui ne l’eût en considération. Les vocations affluaient à Cluny, tant et tant qu’elle pouvait renforcer ses communautés de la Réunion et du Séné gal, tout en faisant des fondations non seulement en divers coins de France, mais en Guyane, à la Guadeloupe. On pouvait lui demander n’importe quoi pour le Christ elle répondait toujours : « Présente!

Tout cela était bien beau, mais ce n’était pas encore son rêve. Son rêve, c’était d’aller elle-même en Afrique, de travailler elle-même pour ses « enfants ». Soigneusement elle prépara son départ, pour que la Congrégation ne souffrît pas de son absence, et un beau matin elle en avisa ses Soeurs. Elles n’eurent même pas le temps de soulever une objection que l’énergique fondatrice voguait déjà à bord de La Panthère, en direction de Saint-Louis au Sénégal. C’était le 1er février 1822


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Message  Monique Mer 31 Aoû 2016 - 18:56

Le temps d’Afrique devait être pour la Mère Javouhey, malgré les difficultés et les peines innombrables, un temps de bonheur et de plénitude. Elle éprouvait le sentiment d’être vraiment là où Dieu voulait qu’elle fût. Elle avait aussitôt appris à connaître les indigènes.  
« J’aime beaucoup les Noirs, avouait-elle, ils sont bons, simples; ils n’ont le malice que celle qu’ils tiennent de nous; il ne serait pas difficile de les convaincre par l’exemple; ils imitent facilement ce qu’ils voient faire aux Blancs. » C’était fort bien juger. Donner l’exemple aux nègres; faire d’eux des chrétiens tel allait désormais être son but, son seul but, et pour y atteindre, les aimer d’un grand amour.

Ce que devait faire cette femme, ce qu’elle devait inventer, préludant aux réalisations de l’avenir, est tout simplement incroyable. Alors qu’il advient que de très grands missionnaires un saint François Xavier par exemple — soient uniquement des défricheurs, des pionniers, la Mère Javouhey était en même temps une constructrice, une bâtisseuse. Elle savait, affronter tous les obstacles et les vaincre; elle savait se donner entière aux grands desseins; « Ayons l’âme grande et généreuse, disait-elle, ne nous arrêtons jamais aux petitesses. » Mais elle était aussi loin que possible des chimères, les pieds bien sur le sol, en paysanne de Bourgogne, à qui l’on ne fait pas prendre vessies pour lanternes.

L’hôpital était délabré ? Elle le remonta. Les Noirs souffraient du mépris des Blancs ? Malgré tout ce qu’on put lui dire, la Mère Javouhey décida que chez elle tous les hommes seraient également traités, sans distinction de couleur de peau. Les moeurs à la colonie sont déplorables ? Elle créerait, elle, une exploitation agricole morale, en pleine brousse, où tous les cultivateurs vivraient fraternellement dans l’honnêteté et la morale, le respect de la loi du Christ, partageant les produits des terrains exploités.

Cette femme de génie alla jusqu’à découvrir toute seule une idée que saint François Xavier avait eue aux Indes, mais à laquelle il n’avait pu donner suite : l’idée du clergé indigène, qui ferait de l’apostolat parmi ses frères de race, et, dans ce dessein, elle créa, même en France, un séminaire, où furent envoyés de jeunes hommes de couleur qui deviendraient prêtres. Tout le monde la connaissait en Afrique; les administrateurs anglais de la Sierra
Leone lui demandaient de venir chez eux prolonger son oeuvre. Cela dura deux ans.


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Message  Monique Jeu 1 Sep 2016 - 18:04

Mais la Franco la réclamait, où la croissance rapide de la Congrégation exigeait sa poigne solide. Mère Javouhey dut accepter de rentrer. Quand elle se rembarqua à Saint-Louis, plus d’un millier de nègres l’accompagnèrent au port, dans un cortège tumultueux où les sanglots se mêlaient aux cris d’enthousiasme. Certains baisaient la trace de ses pas sur la route. Et tant que le navire fut visible à l’horizon, ils restèrent tous là, douloureux et pleurant.

Ce que fut, tout le temps qu’elle vécut, l’activité de cette femme, semble dépasser l’imagination. On dirait un semeur qui, à pleines poignées, jette le grain autour de lui, nuit et jour, sans relâche, en tous sens. Que la terre le reçoive et qu’il lève! Les Soeurs de Saint-Joseph, leur robe bleue et leur plastron blanc sont partout où du bien est à faire. Les voici à Cayenne, à la Martinique, à la Guadeloupe, tout de suite après aux îles Saint-Pierre et Miquelon. Regardent-elles donc seulement vers l’ouest du monde? Que non, car Pondichéry dans l’Inde les voit débarquer en 1817 sur sa jetée.

La métropole n’est pas oubliée pour autant : c’est l’asile de fous de Rouen qu’elles reprennent en mains, ce sont les maisons de Carcassonne, de Chalabre dans l’Aude, de Li moux, de Fontainebleau, de Brest qui sortent de terre. Quant au cher village natal, Chamblanc, le voici doté de deux bonnes Soeurs qui, tout en faisant l’école, soignèrent le père de la fondatrice, Maître Balthazar, devenu vieux et fort fatigué.

La part que prit personnellement la Mère Javouhey dans cette oeuvre ne saurait se mesurer, mais elle fut immense. Sans cesse prête à partir aux quatre coins du monde, cette terrienne née dans un vignoble bourguignon n’était heureuse que sur les océans. Ce n’était point qu’elle y fût à l’aise, car elle avait toujours le mal de mer. Mais, assurait-elle entre deux crises où elle souffrait mort et passion, de la mer et son mal ne me font pas plus peur que la terre !

C’est mon plus vieux matelot! » s’écriait l’amiral Tréhouart, sur le vaisseau de qui elle se trouvait quelque jour embarquée, en la voyant si ferme au milieu des tempêtes. Guadeloupe, Martinique, Saint-Pierre et Miquelon, l’Inde, Madagascar, les îles Mayotte et Nossi-Bé, l’Océanie, voilà quelques-unes de ses étapes. La planète semblait bien petite pour cette femme infatigable. Soixante mille kilomètres par terre, cinquante mille par mer, tels furent ses records !


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Message  Monique Sam 3 Sep 2016 - 18:42

Dans ce palmarès étonnant de succès, s’il fallait en choisir un, celui qui s’imposerait à l’esprit serait l’extraordinaire travail qu’elle réalisa sur la Mana. La Mana est une des rivières de la Guyane française, qui débouche dans l’Atlantique un peu au sud du Maroni. Le pays, mal connu, malfamé, n’a rien de très plaisant; une température chaude et lourde de 26 à 28° toute l’année débilite la santé; des pluies énormes déversent trois mètres d’eau en six mois; dans la savane aux hautes herbes, insectes et serpents pullulent. La gomme et le bois de rose, le manioc et les bananes, sont les principales ressources, en dehors de l’or que vont chercher dans le sable des rivières des aventuriers plus ou moins bandits. Tout cela ne paraît pas offrir un cadre bien facile aux oeuvres d’une congrégation de religieuses.

Mais la Mère Javouhey n’avait pas coutume de se laisser arrêter par les obstacles. Le pays était difficile tant mieux, il y aurait plus à faire, les hommes ne semblaient pas très accueillants, un ramassis d’Indiens, de Nègres et d’Européens sans foi ni loi tant mieux encore, puisque le Christ a dit que c’était aux brebis perdues qu’il fallait donner ses meilleurs soins. Et quand le gouvernement lui demanda de faire une fondation en Guyane, tout simplement la courageuse femme accepta.

Aussitôt elle se mit au travail, réfléchit, médita, rédigea une sorte de rapport, où elle expliquait ses projets fonder comme au Sénégal, mais en mieux encore, une colonie modèle où des cultivateurs et des artisans venus de France vivraient en une communauté fraternelle, où des orphelins, recueillis et élevés avec soin, seraient les futurs colons destinés à renouveler la population du pays. Ceux qui voudraient tenter avec elle la grande aventure s’engageraient pour trois ans, seraient, pendant ce temps, nourris, logés, vêtus, soignés par l’entre prise qui leur allouerait, en plus, trois cents francs par an (c’étaient des francs-or, environ deux cent mille francs de notre monnaie). Cette femme de tête prévoyait tout, organisait tout. Et le 26 juin 1828, du port de Brest s’éloignait, à bord de la Bretonne et de la Ménagère, une expédition for- niée de neuf Soeurs, vingt-sept religieuses converses, trente. neuf collaborateurs, dont cinq chefs de famille et cinq femmes, Onze enfants, douze ouvriers, au total une centaine de personnes que la Mère Javouhey commandait en personne.


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Message  Monique Lun 5 Sep 2016 - 16:51

Sur les rives de la Mana, où il lui était proposé de s’installer, rien ne restait, ou presque, de deux tentatives de colonisation faites antérieurement par l’administration les quinze colons demeurés étaient redevenus sauvages et la brousse avait reconquis la terre sur les cultures. Seules subsistaient quelque quinze maisons abandonnées. Voilà le point de départ : et l’oeuvre fut semée, elle germa, elle grandit!

Un an après, les alentours défrichés se couvraient de cultures de bananiers et de manioc; de grands troupeaux étaient parqués dans de vastes enclos; un port florissant, sur la rivière, avec chantier de construction et docks, voyait se développer une activité étonnante; une église, somptueusement nommée la cathédrale, se dressait au-dessus des maisons. Toute la communauté, encadrée par les religieuses, vivait dans une discipline et une joie qui stupéfiaient les visiteurs; tout le monde assistait à la messe le dimanche, tout le monde faisait, le soir, la prière en commun. Pas besoin de gendarmes ni d’agents de police; les fonctionnaires de Saint-Laurent du Maroni n’en croyaient ni leurs yeux ni leurs oreilles. Ce troupeau de travailleurs où, maintenant, il y avait de tout, des nègres, des Indiens et des Blancs, à qui il valait mieux ne pas trop demander leurs papiers, obéissait à la Mère Supérieure comme des enfants!

Cette situation paradisiaque ne dura pas très longtemps cependant. La Révolution de 1830 eut de fâcheuses conséquences pour Mana, car le nouveau gouvernement ne s’intéressa guère à cette admirable tentative. Des colons s’écartèrent pour essayer leur chance, seuls. La Mère Javouhey reporta tout son effort sur les orphelins, espoir de l’avenir, puis, quand la loi de 1831 supprima définitivement l’esclavage dans tout l’Empire français, elle accepta de faire de Mana une sorte d’asile, d’école, où les anciens esclaves qui le voudraient seraient recueillis, éduqués, dirigés pendant cinq ou six ans pour qu’ils pussent faire l’apprentissage de la liberté avant d’être livrés à eux-mêmes. Comme toujours, elle avait de grands projets, la Mère Javouhey! On ferait venir des femmes d’Afrique pour que ces esclaves libérés pus sent fonder des familles; on créerait des villages nouveaux, entièrement noirs, avec, dans chacun, un Blanc ou une Blanche pour les diriger et les protéger plan grandiose, qu’un homme travailla de toutes ses forces, enthousiaste, à faire accepter du gouvernement, Lamartine, alors ministre.

Et l’on vit, en effet, les Noirs arriver à Mana et les villages sortir de terre, et la règle de vie chrétienne s’appliquer comme toujours, et les cérémonies liturgiques rassembler dans un même élan les religieuses, les colons blancs, les anciens esclaves nègres. Lorsqu’on demandait à la Mère Javouhey comment elle avait fait pour réussir mille fois mieux que tous les administrateurs de Cayenne avec leurs gendarmes et leurs prisons, elle répondait avec son meilleur sourire « Je me suis placée comme une mère au milieu de ses enfants...»



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Message  Monique Mar 6 Sep 2016 - 16:19

Telle était cette femme de Dieu, digne émule des plus grands missionnaires. A la regarder travailler on ne sait ce qu’il faut admirer davantage de son audace, de son esprit de résolution, ou de ses qualités viriles d’organisation et de commandement. Lorsqu’elle revint en France, rappelée par le développement prodigieux de son Institut et la nécessité pour elle de voir de près toutes les fondations nouvelles qu’on réclamait aux quatre coins du monde, les journaux parlèrent d’elle, on se montra dans la rue cette forte religieuse vêtue de bleu, dont le visage rose et frais riait à l’ombre de la coiffe, et les passants la saluaient. « La Mère Javonhey ? C’est un grand homme! » devait dire d’elle le roi Louis-Philippe, qui avait très soigneusement étudié tout ce qu’elle avait accompli.

Durant les plus dures journées de 1848, lorsque l’émeute gronda puis éclata dans Paris, on put mesurer quelle était la popularité de cette femme. Accourue aux premières nouvelles de l’agitation, pour voir si elle ne pouvait pas faire du bien, calmer les esprits, soigner les blessés, elle trouva la capitale couverte de barricades sur lesquelles des hommes armés se tenaient prêts à faire feu. Tranquillement, sa coiffe flottant au vent et sa croix de supérieure battant sur son plastron blanc, elle alla de barricade en barricade. Les ouvriers insurgés la reconnurent; on avait entendu parler de Mana, et de la charité inépuisable de cette femme. « C’est la Mère Javouhey! » crièrent-ils, et ils l’acclamèrent. Un d’eux jeta même « C’est la générale Javouhey! » — Laissez passer! Et la Mère Javouhey passait, souriante, à travers ces mêmes barricades où allait tomber, sous les balles, Mgr Affre, archevêque de Paris.

Dans sa lointaine fondation, dans sa chère Mana, on ne l’oubliait pas davantage. On eût dit qu’invisible sa présence, celle de son souvenir, suffisait à maintenir l’ordre. Lorsque la République de 1848 eut décidé de faire de Mana un bourg libre, et que, du coup, il fallut ramener la chère communauté aux habitudes administratives des communes françaises, lr Noirs se révoltèrent ils voulaient comme chefs leurs religieuses et personne d’autre! Ce fut la Mère Isabelle, représentant la fondatrice, qui les apaisa. Et quand on leur dit d’élire un député, tous ceux de Mana votèrent en bloc pour la Mère Javouhey! On eut beau leur expliquer que les femmes n’étaient pas éligibles; ils répondirent aux pouvoirs publics qu’en ces conditions ils ne voteraient pas du tout!

Il ne faudrait cependant pas croire qu’une telle entreprise s’accomplît sans rencontrer des difficultés. C’est le propre de toutes les grandes oeuvres que de se heurter à l’incompréhension, à la méfiance, à la jalousie. La Mère Javouhey, qui d’ailleurs ne se faisait guère d’illusions sur les hommes, en sut quelque chose. A combien de reprises ne se heurta- t-elle pas à la sottise de quelques fonctionnaires, à la routine de l’administration, à la mauvaise volonté de ceux dont elle bousculait les sordides intérêts!



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Message  Monique Mer 7 Sep 2016 - 17:02

Mais la plus grave de ces épreuves lui vint de l’Eglise même qu’elle servait si magnifiquement, de cette Eglise qui, le 15 octobre 1950, devait la mettre sur les autels, mais dont un des représentants se montra pourtant aussi injuste et incompréhensif que possible. C’était l’évêque d’Autun, Mgr d’Héricourt, ancien officier entré tard dans les ordres, et qui avait gardé, sur le trône épiscopal, le ton de commandement du capitaine de cavalerie. Sous prétexte que la Mai son Mère des Soeurs de Saint-Joseph, Cluny, était dans son diocèse, il eut la prétention de tout contrôler dans la Congrégation.

La Mère Javouhey avait trop le sens des problèmes mondiaux et de ce qu’elle avait à faire pour accepter, les yeux fermés, d’être guidée par un prélat, du fond de son évêché morvandiau. Il s’ensuivit un terrible litige où, fort en colère contre ce qu’il appelait une « révoltée », l’évêque alla jusqu’à obtenir du Préfet apostolique de la Guyane qu’il privât la Mère Javouhey des sacrements, mesure exorbitante! On imagine ce que dut être une telle épreuve pour cette âme sainte, qui ne vivait qu’en Dieu, et quel déchirement elle devait connaître quand elle voyait ses filles, les autres religieuses, se diriger vers la table sainte et communier, alors qu’elle, elle en était écartée! Dans ce véritable calvaire, cette femme d’action se montra aussi une haute mystique, une âme pleine de lumière : « Je n’ai plus que vous, Seigneur, murmurait-elle, c’est pourquoi je viens me jeter dans vos bras et vous supplier de ne pas abandonner votre enfant. »

Ainsi, cette épreuve la grandit-elle encore. Pas un mot de colère ne s’échappa de ses lèvres contre l’évêque qui l'a méconnaissait. « Il faut prier pour lui comme pour un de nos bienfaiteurs, disait-elle, puisqu’il nous donne l’occasion de souffrir... » En 1851, Mgr d’Héricourt mourut; on avait fini par le réconcilier à peu près avec la religieuse, mais il continuait à se méfier beaucoup d’elle. En apprenant sa mort, la Mère Javouhey dit doucement, avec un brin de malice bourguignonne « Ce bon Monseigneur est passé avant moi; c’est bien juste; à tout Seigneur tout honneur. » Et elle ajouta qu’elle prierait chaque jour pour son âme.

Elle-même était malade. Elle n’avait pas pu partir pour Rome où le Pape désirait la voir et approuver solennellement son Institut. Une grande faiblesse la gagnait de jour en jour; le 15 juillet, elle mourut, simplement, décidément,  ainsi qu’elle avait toujours vécu, sans agonie, s’éteignant d’un seul coup.

Elle laissait, dispersées à travers le monde, neuf cents religieuses environ; elles sont aujourd’hui plus de trois mille cinq cents, réparties en deux cent soixante-neuf maisons, héritières fidèles de celle à qui la race noire a dû peut-être sa promotion à l’égalité avec les autres races, à qui l’histoire chrétienne a dû une de ses pages les plus vivantes, ce, « grand homme » de Mère Javouhey.


FIN


A suivre...L’ERMITE BLANC DU SAHARA LE PÈRE DE FOUCAULD
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Message  Monique Mar 13 Sep 2016 - 19:35

Les Aventuriers de DIEU - Page 3 Blesse10

LE PÈRE CHARLES DE FOUCAULD



L'ERMITE BLANC DU SAHARA
LE PÈRE DE FOUCAULD


A la fin de la matinée du 5 mars 1897, un inconnu se présenta à la porte des religieuses Clarisses de Nazareth et demanda à être
embauché comme jardinier. La Soeur tourière demeura un instant interdite. Avec sa longue blouse à capuchon, rayé bleu et blanc, son pantalon de cotonnade délavée, son turban maladroitement enroulé, ses sandales éculées et poussiéreuses, il paraissait plutôt un mendiant qu'un travailleur. Mais il s'exprimait en un français impeccable et, de toute la personne de ce petit homme brun, décharné, aux yeux enfoncés et brillants, émanaient, en dépit de sa tenue misérable, une dignité et une force sereine qui en imposaient. « Les Pères Franciscains de Jaffa m'ont dit que votre communauté cherchait un jardinier, ma Soeur, et je suis venus... Puis il ajouta encore : C'est la fête de sainte Colette aujourd'hui, n'est-ce pas? » La bonne Soeur sourit : un homme qui s'exprimait si bien et connaissait sainte Colette, la grande réformatrice des Clarisses, ne pouvait être qu'un homme de Dieu.

Homme de Dieu, d'ailleurs, l'étrange visiteur le parut encore davantage quand, ayant demandé la permission d'entrer dans la chapelle, il n'y resta pas moins de trois heures à adorer le Crucifix, dans la même position, sans même s'apercevoir que la bonne Soeur revenait de temps en temps le regarder, avec une admiration mêlée de stupeur inquiète. Elle était allée prévenir sa Supérieure, la Mère Saint-Michel, qui avait doucement souri, « Je sais, Laissez-le, avait-elle répondu. Quand il aura terminé ses oraisons, menez-le au logement du fond du jardin et installez-le avec soin, »

La Soeur tourière ne devait pas être au bout de ses surprises. Impossible d'installer le nouveau jardinier dans le petit logement propret qui lui est destiné : il ne veut qu'une pauvre cabane, dans un enclos solitaire en lisière de la bourgade. Il refuse tout lit, tout matelas, toute couvertures, et les nuits de printemps en Galilée sont fraîches. Quand on lui parle des repas et de la façon qu'on les lui donnera, il hoche la tête et répond avec un bon sourire, qu'une poignées de graines pilées dans de l'eau lui suffira simplement.

Bientôt, la communauté entière, et même la petite ville de Nazareth, parlent du jardinier mystérieux . Sa vie n'est-elle pas celle d'un ermite des premiers temps, des plus austère des moines? A quelque heure de la nuit qu'il s'éveille, il se met en prières. L'Angelus, sonnant aux cloches des nombreuses églises qui jalonnent la petite combe, de l'une à l'autre colline, on le voit se diriger, dans l'ombre pâle, vers le couvent de Saint-François où il récite son rosaire jusqu'à 6 heures. Puis il retourne chez les Clarisses, balaie la chapelle, prépare tout pour la messe. Et d'heure en heure, infatigablement, on le voit s'affairer à toutes les tâches : réparer un mur, bêcher le potager, aller à la poste prendre le courrier : quel merveilleux serviteur ont trouvé là les Clarisses! S'il a le moindre moment de repos, il accourt à la chapelle, où il prie, adore, médite, et si c'est loin de la ville arrête dans son travail, on voit remuer ses lèvres tandis qu'il contemple le paysage agreste, les noirs fuseaux des cyprès parmi les olivettes, les bougainvillées pourpres étalées sur les murs, « C'est un saint que nous avons dans notre maison, » commencent à dire les religieuses, et la Mère Supérieure, que les Franciscains de Jaffa ont enseignée, sourit encore sans répondre.


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Message  Monique Jeu 15 Sep 2016 - 1:18

Quant à savoir du jardinier qui il est, c'est peine perdue. Des bruits étranges et contradictoires circulent bien sur son compte, mais nul ne songerait à l'interroger, Les uns disent que c'est un ancien Père trappiste venu à Nazareth pour vivre dans une solitude plus complète encore; les autres, que c'est un officier français, Lui, ne parle à quiconque, sauf pour les stricts besoins de son travail.

Un jour qu'au bureau de poste un commerçant bavard et indiscret lui a demandé s'il était vrai qu'en France, il « avait la situation de comte », le bon sourire a reparu sur la face maigre et barbue du jardinier, qui s'est borné à répondre: « Je suis un ancien soldat. » On dirait que cet homme n'a aucun autre but dans la vie que de mettre en pratique la parole célèbre de l'Imitation de Jésus-Christ : « Aime à être inconnu et tenu pour rien » Et si l'on pouvait ouvrir les cahiers où, chaque jour, il consigne ses notes, on y lirait des phrases comme celles-ci : « C'est à l'heure du plus grand anéantissement que Jésus a sauvé le monde »; ou encore : « Jésus a tellement pris la dernière place que personne n'a pu la lui ravir. »

Qui, parmi tous ceux qui le voient ainsi vivre, pourrait deviner que, sous la tunique brune et le tablier du jardinier des Clarisses, se cache, connu de Dieu seul, un ancien lieutenant au 4° Régiment de Chasseurs d'Afrique, le vicomte Charles de  Foucauld ?

Si un homme fut jamais reconquis par le Seigneur de haute lutte, - comme l'avait été un saint Paul ou un Raymond Lulle - ce fut bien le gros garçon vantard, paresseux, dissipé, qui, sous-lieutenant de vingt-trois ans aux hussards de Pont-à-Mousson, s'amusait à étonner la petite ville par ses dépenses folles et ses extravagances.

Orphelin à huit ans, mal élevé par un grand-père trop faible, il n'avait fait d'études que déplorables, n'avait pu être reçu à l'école de Saint-Cyr qu'un des derniers, avait tôt perdu toute foi, toute piété, et même presque toute règle de morale. Jetant l'argent par les fenêtres, s'habillant avec une recherche ridicule, courant dès que possible à Paris y chercher de tristes a amusements, on eût dit qu'il s’appliquait à donner de lui la pire image.



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Message  Monique Ven 16 Sep 2016 - 16:29

En 1887, cependant - il avait alors vingt-trois ans une circonstance fortuite l'avait arraché à lui-même et avait fait pressentir en lui une meilleure étoffe que celle qu'il étalait. Son régiment, devenu le 4° Chasseurs d’Afrique, fut jeté au combat contre un Chef algérien qui, dans le Sud-Oranais, prêchait la guerre sainte contre les Français. Foucauld qui, alors, se trouvait en congé et en profitait pour continuer à Evan ses désordres, bondit à la nouvelle. Le descendant d'un soldat de saint Louis sentit bouillir en lui son sang. Casino, plage, jeux, quand ses camarades se battaient ? Il vola à Oran, reprit son uniforme et rejoignit son escadron.

Dans cette campagne, qui fut rude, il se révéla un chef: énergique et courageux, sachant supporter gaiement toutes les fatigues, s'occupant activement de ses hommes. Le soldat avait arraché en lui les guenilles du fêtard, et l'Afrique, la dure et austère Afrique avait commencé à exercer sur lui son impérieux attrait. Il ne devait plus se séparer d'elle.

Il y a, dans ce continent pour ceux qui le connaissent, un charme qui ne ressemble à nul autre. Ses vastes horizons, la nudité de ses paysages désertique, la splendeur jaillissante des oasis bleues de palmes et, étendu par-dessus des immensités inhumaines, son grand ciel bleu dur, criblé d'étoiles dans la nuit, tout cela prête au rêve et s'impose à l'âme avec une puissance irrésistible. Tous ceux qui ont pratiqué l'Afrique l'ont aimée.

Charles de Foucauld fut de ceux-là. L'insurrection matée, il décida de se consacrer tout entier à connaître, à faire connaître l'Afrique. A cette époque, une des parties les moins explorés était le Maroc, pays où l'Européen était si mal vu que s'aventurer en dehors de la route officielle, dite « chemin des embassades », par où les représentants des divers Etats décrédités devaient passer pour aller aux capitales du Sultan, était tout simplement risquer la mort. Charles de Foucauld décida d'aller explorer ce pays de mystère, et, pour cela, d'apprendre l'arabe et de se déguiser en commerçant juif  afin de passer inaperçu. Affublé d'un caftan grenat, long comme une soutane, la tête coiffée d'une calotte rouge entourée d'un turban, un authentique juif l'accompagnait, Mardoché, d'ailleurs poltron, geignard et pas très sûr; quant à lui, Foucauld, il s'était si bien déguisé d'une tunique syrienne, d'un gilet turc, d'une culotte de toile et d'un turban que ses anciens camarades de Sétif, le rencontrant, ne le reconnurent point.

Par Tétouan, entré au Maroc en juin 1883, il devait y rester jusqu'en mai 1884. Le jeune audacieux - il avait vingt-six ans alors -
s'enfonça sans trembler dans le Maroc hostile.Tantôt passant inaperçu, tantôt démasqué et menacé de mort et parfois, aidé par des chefs locaux, il réussît à faire un voyage de plus de trois mille kilomètres, parcourant le pays en tous sens, prenant des notes et des croquis, relevant des itinéraires, étudiant la géographie, les moeurs, les arts, émerveillé, de la beauté et de la richesse de ce pays encore neuf. En maints endroits des mots qu'il entendait lui révéla un état d'esprit favorable à la France: « Quand les Français entreront-ils? Quand viendront-ils rétablir l'ordre, supprimer les brigandages et les guerres entre les tribus? » Par Taza, Fez, Sefrou, Bou-el-Djad, le Tadla, puis Tikirt et Tisint, sa course zigzagante le ramena enfin, sale, hâve, éreinté, la bourse vide, à Mogador où le concierge du Consulat de France eut bien du mal à croire qu'il avait devant lui un officier de cavalerie français! La grande médaille que la Société Géographie décerna à l'explorateur pour les deux livres où il raconta son voyage fut assurément fort méritée... Certes, une telle vie d'action et d'aventure valait infiniment mieux que cette existence de dissipation et, d'indolence que Charles de Foucauld avait jusqu'alors menée.


A suivre...
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Message  Monique Dim 18 Sep 2016 - 21:22

L'Afrique l'avait rendu à sa dignité d'homme, lui avait appris cette discipline de l'effort qu'il n'avait pas su connaître dans sa jeunesse. Mais elle avait fait plus encore. Au Maroc, ce que le voyageur avait découvert, c'était la foi religieuse. S'il un type d'humain que le Musulman méprise et rejette, c'est celui qui ne croit à rien. Ne pas avoir de religion, pour pour lui, c'est être pire qu'un chien. L'Islam peut être une doctrine entachée d'erreur, bien inférieure à la Révélation chrétienne; le grand mérite de ceux qui lui sont fidèles est qu’ils mettent scrupuleusement en pratique les principes, qu'aucun ne se  permet de s'en moquer.

A voir tous les musulmans faire avec soin leurs prières rituelles trois fois par jour, rencontrer des marabouts et des maîtres ès Coran savants et respectables, Charles de Foucauld en était venu à se demander si lui, fils de chrétiens - un de ses parents avait été croisé, un autre avait servi sous les ordres de Jeanne d'Arc, un était mort, prêtre martyr, sous la Révolution  ne trahissait pas un grand idéal en vivant dans l'incrédulité et le refus de Dieu, Sous les tristes apparences de l'officier dissipé, sous celles, plus respectables, de l'explorateur audacieux, l'âme était demeurée généreuse, intacte, assoiffée de grandeur. Dieu avait fait déjà en lui un grand chemin.

Le voici revenu en France où il s'est trouvé dépaysé. Retourné en Afrique, il décide un nouveau voyage, cette fois en direction du Sahara, par Laghouat, les villes mystérieuses du Mzab groupées autour de Ghardaïa, El Goléa, et retour par les chotts de Tunisie et Gabès : pour la première fois, il a découvert les solitudes du grand désert, les lents cheminements sur la piste, le silence où seul le vent poursuit sa plainte monotone. Méditant, au pas rythmé de son chameau. il pense à Celui qui a ordonné le monde, à qui les autres obéissent dans leur course, et qui est plus immuable que ces immuables espaces, l'Éternel! Des voix intérieures parlent en lui une langue qu'il hésite à entendre ...

Quand il rentre à Paris, un hasard - dont il faut bien penser qu'il était le moyen de la Providence - le plaça en face d'un prêtre admirable, dont beaucoup de fidèles disaient qu'il était un saint. L'abbé Huvelin, vicaire à l'église Saint-Augustin, était un homme encore jeune, mais d'apparence frêle et  maladive, le visage ravagé de rides, les jambes gênées par le rhumatisme : mais, sur sa face souffreteuse, se voyait le reflet de la Lumière. Ancien élève de l'école Normale Supérieure, c'était, en même temps qu'une âme sainte, un esprit de premier ordre, une intelligence supérieurement armée. Une des parentes de Foucauld lui parla de ce  prêtre. Et, aussitôt, la voix intérieure de lui dire: « Va! il t'attend! »

Docile, il obéit. Monsieur l'abbé, murmura-t-il en se trouvant devant le vicaire, je n'ai pas la foi, mais je voudrais être instruit de la religion catholique. - « Mettez-vous à genoux, lui répondit le prêtre, et confessez vos péchés ... Je n'ai pas la foi, reprit, en balbutiant, l'ancien officier fracasseur. (L'autorité de cet homme de Dieu lui en imposait.) - Confessez-vous! » Ainsi fut fait. C'était un matin, peu avant Pâques 1888.  « Vous êtes à jeun? » demanda encore le prêtre. Et sur la réponse affirmative : « Allez immédiatement à l'église, une messe va commencer, vous vous approcherez de la Sainte Table. »  Ce fut ainsi qu'à trente ans, Charles de Foucauld fit ce qu'il devait appeler lui-même : « Sa seconde première communion » .


A suivre...
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Message  Monique Mar 20 Sep 2016 - 17:31

Et, quelque quinze mois plus tard, on pouvait voir arriver à l'abbaye de Notre-Dame des Neiges, dans ce coin sauvage des plateaux de l'Ardèche, battu par le mistral et tout criblé de neige, un homme dont désormais la vie avait trouvé son sens. Sous la coule blanche des fils de saint Bernard, vicomte Charles de Foucauld rejetterait loin de lui, pour toujours, le monde et sa jeunesse folle et, longuement, expierait ses péchés. Mais la discipline de la Trappe lui ferait-elle oublier l'Afrique, et ces hommes qu'il y avait connus, honnêtes, mais vivant dans l'ignorance de la vérité chrétienne ? Un autre destin ne l'appellerait-il donc pas?

Ce n'est pas une vie commode ni confortable que celle des Trappistes : réveil en pleine nuit, longs offices, dur travail manuel, jeûne sévère, et bien des grandes âmes la jugent suffisante pour mener à Dieu, dans le renoncement. Mais les saints ont des exigences particulières et ce qui convient de simples chrétiens, leur paraît, à eux, encore bien peu. Quittant la Trappe, s'enfonçant dans le total dénuement et l'absolue solitude où nous l'avons vu à Nazareth, Charles de Foucauld poursuit une route sur laquelle Dieu lui-même l'a engagé et qu'il continuera jusqu'à la fin, jusqu'au martyre.

Pourtant sa volonté d'être inconnu et tenu pour rien » va être mis à l'épreuve. La Mère Supérieure des Clarisses de Jérusalem, de qui dépendait la communauté de Nazareth, était une femme remarquable, d'une intelligence et d'une énergie peu communes. Elle avait voulu voir le jardinier ermite dont on lui parlait tant, et, l'ayant connu, en peu d'instants, avait reconnu en lui un être missionné par Dieu. Aussitôt elle avait pensé qu'un tel homme devait être prêtre, pour  pouvoir faire plus de bien aux âmes, pour être, vraiment un conquérant du Saint-Esprit. Mais aux paroles amicales de Mère Élisabeth, frère Charles répondit : Être prêtre, ce serait me montrer. Je suis fait pour la vie cachée.

Il fallut bien des exhortations, bien des remontrances pour venir à bout de cet obstiné de l'humilité. Heureusement, son ami, son cher guide, l'abbé Huvelin partageait le sentiment de la religieuse, et Foucauld se soumit. Il rentra en France, retourna à la Trappe, qui lui rappelait ses premiers pas à la trace du Christ, et s'y prépare à la prêtrise avec une ferveur, une austérité,qui firent l'admiration de tous les moines. En juin 1901, des mains de Mgr l'évêque de Viviers, il recevait l'ordination.

Qu'allait-il faire? Rester à la Trappe, non; ce n'était pour lui qu'un passage. Retourner à Nazareth? Les bonnes Soeurs Clarisses n'eussent pas accepté d'avoir pour domestique un prêtre. Mais, dans les retraites où il s'était préparé à être ordonné, Charles de Foucauld avait senti comme une force émanée de Dieu qui le poussait vers un nouveau destin. C'est aux mêmes malades, aux brebis délaissées que le Seigneur a réservé ses meilleurs soins. Ne connaissait-il pas, lui, des milliers d'âmes abandonnées loin de la vérité et qui, cependant, eussent mérité de la recevoir? Des milliers de musulmans du Maroc, ces sept ou huit millions de sahariens, c'est à eux qu'il ira, les mains tendues, leur offrant le Christ. Et, de préférence encore au Maroc, c'est le Sahara qu'il choisira, plus difficile. Son intention est arrêtée: il s'installera dans le désert, en quelque poste militaire dépourvu d'aumônier, et il y sera au milieu des indigènes, le témoin, le porte-parole du Christ.  Il y a dix-neuf-cent ans que cette terre, ces âmes attendent l’Évangile ... murmure-t-il, en considérant sur la carte les vastes espaces vides, jalonnés de quelques points, les oasis : c'est lui qui le leur donnera.



A suivre...
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Message  Monique Mer 21 Sep 2016 - 18:43

Sa méthode, telle qu'il l'a conçue et telle qu'il va le mettre en pratique, se différenciera de celle que les admirables Pères Blancs, fondés par le cardinal Lavigerie, utilisent.

Il s'inspirera des ermites qui, au Ve siècle, au VIe siècle de notre ère, dans les déserts d'Égypte et de Syrie, comme le célèbre saint Antoine, ont été de vivants exemples de sainteté chrétienne et, vers qui, peu à peu, les foules sont accourues. Lui aussi. il vivra dans une sorte d'ermitage, silencieux, comme un moine, montrant aux musulmans ce qu'est un vrai chrétien, les aimant et les servant dans L’humiliation, les douceurs de la pauvreté. Même les plus mauvais, les plus brutaux auront droit à sa pitié, car nul n'est exclu de la miséricorde du Christ, et sa maison sera ouverte à tous, ceux qui voudront entendre parler du Ciel et du Royaume de Dieu.

Ce programme, il se mit en devoir de le réaliser aussitôt. Les autorisations nécessaires obtenues, de ses supérieurs comme des autorités militaires, il partit. D'Oran, il s'enfonça vers le Sud, n'emportant avec lui dans quelques caisses que de quoi élever un oratoire. Les officiers des postes du Sud (beaucoup étaient ses camarades), regardèrent passer avec une admiration in peu étonnée, un ancien officier vêtu comme un pauvre Bédoin et qui se nourrissait d'une poignée de dattes arrosées d'eau. Ce fut à Béni-Abbès qu'il se fixa, loin après Figuig et Colomb-Béchar, en bordure du grand Erg, la mer de sable. Quatre compagnies tenaient la garnison, dans un petit fort perché au haut d'une falaise dominant l'oasis.

Le P. de Foucauld refusa de s'installer à l'abri des fusils. Il ne voulut pas non plus se mettre dans la palmeraie, parmi les beaux jardins frais, les vergers de pêchers et de figuiers. Non, à lui, un coin de sable suffirait, un mamelon parmi les dunes roses. L'eau pouvait y être trouvée, en creusant un puits. Avec des poutres, des pierres ramassées, de la terre mêlée d'eau et de paille, les murs de l'oratoire s'élèveraient vite. C'est ainsi que le P. de Foucauld s'installa.

Très vite, sa présence suscita parmi les indigènes - moitié Nègres, moitié Arabes - une grande curiosité. La nuit, on entendait sa voix, si fausse, si peu harmonieuse, mais si fervente, monter dans le silence, chantant les versets des psaumes, car, comme un trappiste, le P. de Foucauld se levait à minuit,  sonnait sa petite cloche et se mettait à psalmodier l'Office. Sa vie d'austérité forçait l'admiration. On savait qu'il mangeait à peine, priant sans cesse, ne dormant guère.



A suivre...
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Message  Monique Ven 23 Sep 2016 - 17:23

Un jour qu'un tirailleur lui faisait remarquer que, dans sa cellule, il ne pouvait même pas s'étendre pour dormir : Est-ce que Jésus, sur la croix, était étendu? » répondit-il d,un ton tout simple. Et les musulmans commençaient à se dire qu'on n'avait guère vu dans tout l'Islam de Marabout plus saint que ce « roumi ».

Sa charité était inépuisable. Tout ce qu'il avait, il le donnait. Sa coule blanche, souvenir de la Trappe, tombait en loques, il reçut, on ne sut de qui, une pièce de beau lainage blanc; mais au lieu de se faire un vêtement, il en habilla aussitôt un enfant nègre. Tout l'argent qui lui arrivait de sa famille était consacré à racheter des esclaves, pour leur rendre la liberté. Sans doute espérait-il que ses protégés deviendraient chrétiens, mais, bien souvent, il fut déçu ;ceux qu'il venait de libérer, loin de se bien conduire, d'imiter un peu son exemple, devenaient de pauvres garçons fainéants, de qui rien de bon ne pouvait s'attendre. Le Père ne se décourageait pas pour autant; qu'il fît son travail et à Dieu de faire le reste! Quelques baptêmes, d'enfants surtout, très peu d'adultes, pauvre résultat en apparence pour un si grand effort!

Sa véritable récompense c'étaient l'affection et le respect que lui portaient, à des centaines de kilomètres à la ronde, les indigènes, qu'ils fussent nomades ou paysans. De douar en douar, d'oasis en oasis, on se parlait du Marabout français de Béni-Abbès. On connaissait sa maigre silhouette engoncée dans une gandourah blanche que serrait à taille une ceinture de cuir et sur laquelle il avait cousu un coeur d'étoffe rouge surmonté d'une croix. Une fois qu'un rezzou des Marocains du Tafilelt venait de se jeter sur Taghit et que les Français étaient allés le repousser, le P. de Foucauld partit seul, à travers tout le pays soulevé, arriva jusqu'à  l'oasis, et, simplement, se mit à soigner les blessés. Le rayonnement de cet homme était si grand que le Bédouin le plus violent n'eût pas osé l'attaquer.

Pourtant l'ermite de Béni-Abbès n'était pas satisfait. Cette vie, à quelques centaines de mètres d'un poste français, lui paraissait trop protégée, trop confortable. Il se trouvait certes, dans le désert, mais pas au coeur même, pas dans la partie la plus abandonnée, la plus sauvage. Il faillait aller plus loin. « Quand je rêve, les horizons du désert me font signe. »  De grands projets s'édifiaient en lui. Pourquoi ne s'enfonceraient-il pas encore bien plus loin dans la vieille Afrique? Et pourquoi ne créerait-il pas une Communauté nouvelle, une Fraternité, un Ordre, des « Petits frères du Sacré-Coeur » qui comprendraient son dessein et le partageraient ? Ses frères et lui seraient l'avant-garde de Dieu. « L'heure de la prédication ouverte sonnera d'autant plus vite que cette avant-garde silencieuse sera plus fervente et
plus nombreuses ».


Une fois de plus, la Providence veillait, et décida de tout. Un jour, Charles de Foucauld reçut à son ermitage la visite de l'officier commandant en chef les oasis sahariennes, le commandant Laperrine. Le désert, personne ne le connaissait mieux et ne l'aimait davantage que cet homme qui l'avait parcouru en  tous sens et qui, d'ailleurs, plus tard, devait y  mourir de soif, après un accident d'avion, Avec son ancien camarade, l'ermite parla des immensités africaines, du Gouara, du Touat, du Tidikelt, et, plus loin, du Hoggar, où vivent les Touareg et où les Pères Blancs n'avaient pas encore pu envoyer des missionnaires. Pourquoi n'y irait-il pas lui ? Et c'est le grand projet, immédiatement la décision prise; non sans déchirement, car il lui en coûtera de quitter Béni-Abbès, ses amis, ses protégés, pour se lancer dans une autre aventure. Mais une voix profonde lui disait que là-bas, vers les solitudes, Dieu l'appelait.



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Message  Monique Sam 24 Sep 2016 - 17:11

C'est le départ, en janvier 1904. Quand son supérieur, le vicaire apostolique du Sahara, lui a demandé si vraiment il accepterait d'aller chez les Touareg, il a répondu qu'il était prêt à aller jusqu'au bout du monde et à vivre jusqu'au jugement dernier,  là où l’Évangile serait à prêcher, Le Hoggar son but: c'est vraiment le bout du monde l Un massif montagneux aux chaînes abruptes, aux vallées sauvages, dont la plupart n'ont jamais été pénétrés par un Européen.

Les hommes qui l'habitent, les Touareg, sont des Berbères blancs, aux yeux clairs, grands et beaux; guerriers terribles, ils sortent souvent de leurs montagnes, la longue lance et poing, le bouclier de l'autre bras, le sabre droit aux cotés sur leurs méhara de course pour aller attaquer, très loin, les caravanes. Le voile dont ils se couvrent le bas du visage pour se protéger du vent de sable donne plus de mystère encore à leur physionomie farouche. A plusieurs reprises des colonnes françaises ont été surprises par eux et décimées; à ce moment on dit qu'ils pensent à s'entendre avec la France et un des principaux chefs vient justement à In-Salah pour prendre contact avec les Français. Occasion unique! Le P. de Foucauld la saisit.

Par Adrar, Akabli, In-Salah, en longues étapes, infatiguable, le P. de Foucauld marche vers le nouveau pays qu'il veut gagner à Dieu. Son esprit bouillonne et sa curiosité toujours vive, note sans cesse des traits de la géographie des moeurs, de l'agriculture du pays. Son coeur exalte à la pensée de la tâche qui l'attend. Une seule ombre: il n'a pas réussi à fonder cette Fraternité dont il a rêvé; il n'y arrivera jamais : deux candidats qui se présenteront reculeront devant la sévérité de la règle et la dureté de la vie en perspective. Qu'importe? Ici encore, faire confiance à Dieu.

Des semaines durant, en compagnie d'un lieutenant et de quelques hommes, le Père visite le pays inconnu. Aucun incident. Les Touareg ne marquent pas de méfiance à cet humble visiteur vêtu comme un pauvre Bédouin. Il commence à les connaître, à parler un peu leur langue, distinguer entre les trois classes qui composent le peuple « Haratins », anciens esclaves affranchis, mâtinés de nègres, qui cultivent les champs dans les vallées; les bourgeois qui font du commerce, et les nobles, pasteurs et guerriers.



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Message  Monique Lun 26 Sep 2016 - 19:48

L'aménokal, chef suprême des tribus touareg, l'a reçu avec sympathie. Entre vingt points, il choisit un village au sud du massif,
à 1.500 mètres d'altitude, un humble village de cabanes, à l'écart de grandes routes, où, comme il l'écrit lui-même: « il n'y aura jamais garnison, télégraphe, Européen, ni de longtemps, de mission ... ». Eût-il pu soupçonner que sa présence allait faire de ce coin perdu un lieu célèbre pour tous les chrétiens du monde : Tamanrasset?

Solitude totale, impressionnante! Le peloton qui l'accompagnait est reparti. A 1500 kilomètres de Béni-Abbès, à 700 kilomètres d'In-Salah, l'ermite est absolument seul au milieu des indigènes, sans relation avec la France que le hasard de quelque caravane, sans possibilité d'aucun secours matériel ni spirituel. « Faire tout mon possible pour le salut des peuples infidèles de ces contrées, dans un oubli total de moi », écrit-il dans ses notes le jour de son arrivée.

L'oubli total de soi! Quoi de plus nécessaire pour qui veut essayer de témoigner du Christ parmi des hommes violents, cruels, pleins de convoitise de toute espèce, de vrais barbares encore! Lui, le saint, de quelles armes dispose-t-il ? Il l'avoue  lui-même : uniquement de la prière et de la pénitence. C'est par son exemple qu'il gagnera leur coeur.

Et le miracle se produit en effet. Comme à Béni-Abbès, il construit son ermitage avec les matériaux du pays, un petit groupe de cabanes misérables; comme à Béni-Abbès encore, il couche sur une claie de roseaux portée par deux murettes et il mange une triste bouillie de farine d'orge et de dattes écrasées, fade à vomir. Lever de nuit, longs offices, prières et visites de charité: ainsi se passent ses journées. Il a parlé aux cultivateurs; il a soigné des malades; aux femmes, il a appris à coudre avec des aiguilles au lieu des épines dont elles se servaient. Peu à peu, on vient le voir. On lui demande un conseil, un arbitrage, un remède. A tous il parle de Dieu, très simplement, et on l'écoute. Le rôle admirable qu'il a joué à Béni-Abbès, en plein coeur du Hoggar, il le joue de même et avec le même bonheur.



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Message  Monique Mer 28 Sep 2016 - 18:22

Neuf ans vont passer ainsi. Neuf années de silence de travail obscur. Peu d'incidents saillants au coeur de tant de journées de patience sainte. Le départ de son ancien baptisé Paul, qui l'avait suivi et dont la santé a chancelé, a failli l'empêcher de dire sa messe, mais l'autorisation est arrivée de célébrer le Sacrifice sans servant et le solitaire a pu continuer à avoir sa grande consolation. Une fois, il manque de  mourir d'une piqûre de vipère à cornes (elles pullulent tant qu'il faut surélever de 70 centimètres le seuil de l'ermitage pour leur interdire l'accès) et il a subi le terrible remède des Touareg, la cautérisation au fer rouge de la plaie. Une fois encore, la mort le frôle car il est si épuisé par les jeûnes et les fatigues qu'il a des défaillances : il faut que Laperrine, prévenu, lui envoie des vivres et l'ordre de, manger.

Trois fois, pour de brefs séjours, il revient en France; la dernière, en amenant un jeune chef de tribu, pour qu'il puisse parler à ses compatriotes de ce qu'il aura vu. Mais à peine débarqué, il a hâte de repartir. L'Afrique, la fascinante Afrique, voilà son horizon, et son vrai destin est parmi ceux qui, maintenant, l'aiment comme un des leurs.

1913. La France s'installe définitivement au Hoggar. Des forts se bâtissent, des postes militaires sont fondés. A tous les officiers qui les commandent, l'ordre est donné de demander des conseils à l'ermite de Tamanrasset, l'homme qui connaît le mieux au monde le massif sauvage. Le véritable chef spirituel de ce pays, n'est-ce pas lui, l'ermite désarmé ? De loin à la ronde, on vient le consulter. Son nom est sur toutes les lèvres, de tente en tente, de tribu en tribu. Des conversions au Christ, en a-t-il fait? Mais il n'a-t-il pas annoncer lui-même qu'il ne serait que l'avant-garde du Seigneur ? Il a donné son témoignage; il a appris à ces hommes, qui ignoraient tout du Christ, ce qu'est un serviteur de Sa parole. Il suffit. Le premier sillon est ouvert : le champ suivra.

1914, Le 7 septembre, le P. de Foucauld célébrera le neuvième anniversaire de la première messe qu'il a dite à Tamarasset. Les officiers et les soldats qui occupent, à quelque distance, le Fort Motylinski, y viendront. Tous l'aiment et  l'admirent. Le courrier qui, deux fois par mois, va à In-Salah, ne manque jamais d'arrêter ses chameaux au seuil de  l'ermitage, de la « Fraternité ». Les Touareg eux aussi célébreront cet anniversaire, car le grand Marabout chrétien est un objet de vénération chez eux, et leur aménokal ne fait rien sans le consulter. Tamanrasset - est-ce à cause de  sa présence ? - s'est développé; le village s'est rebâti, en maisons de briques; une route est commencée. Des expériences de télégraphie sans fil ont été faites et l'on a pu converser avec le poste de la Tour Eiffel. Lui, l'ermite ne change pas; toujours la robe blanche portant le coeur rouge surmonté de la croix; toujours les vieilles sandales et le couvre-chef fait d'une étoffe mal nouée ou d'un vieux képi sans visière.



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Message  Monique Ven 30 Sep 2016 - 19:29

Soudain, le 3 septembre, la terrible nouvelle arrive. La guerre; l'Europe en feu, la France envahie. L'officier Charles DE Foucauld, malgré son âge - cinquante-six ans - veut partir; l'ordre lui est donné de rester à sa place, au milieu de ces populations où sa seule présence est un gage de tranquillité. Lui-même, d'ailleurs, sait bien que là où il est, il est utile.

Ces tribus sahariennes qui ont fait soumission à la France, parce qu'elles ont reconnu sa force, lui demeureront-elles toutes fidèles si elle est vaincue, même momentanément, si elle doit retirer une partie de ses troupes ?

L'Allemagne le sait aussi et elle a agi. Elle a envoyé des agents et des armées parmi les peuplades les plus violentes, les plus hostiles, celles du Sud de la Tripolitaine, du Fezzan. Des bandes, qu'on nomme les fellagha, munis de fusils allemands, commencent à se faire menaçants durant l'hiver 1914-1915. La Tunisie du Sud repousse leurs assauts. Mais des précautions sont à prendre et à Tamanrasset, au début de de 1916, on bâtit un fortin avec des bastions crénelés en cas d'attaque, toute la population pourra s'y réfugier.

Le danger rôde. On a signalé des rezzou de fellagha en marche dans la région. Le P. de Foucauld accepte de s'installer au fortin, après avoir envoyé loin, en pleine montagne, les femmes, les vieillards, les enfants. Si une agression se pro duit, l'ancien lieutenant saura soutenir un siège, puisque tel est son devoir. Son devoir ... Car lui, au fond du coeur n'a qu'un désir: arroser de son sang ce coin de terre d'Afrique, s'offrir en holocauste pour que Dieu sauve les âmes de son peuple ...


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Message  Monique Lun 3 Oct 2016 - 20:17

Et c'est le drame, le martyre, la réponse de Dieu, Ier décembre. La nuit tombe. Le Père est seul au fortin ; son domestique en course à quelques centaines de mètres de là. Coups à la porte. L'ermite suit le long couloir étroit; par précaution on l'a fait de telle sorte qu'un seul homme y puisse passer de front. « Qui est là ? - Le courrier de Fort-Motylinski.  Il a reconnu la voix, celle d'un harratin du village. Il ouvre. Aussitôt une main saisit la sienne, l'attire dehors; et il se trouve au milieu d'une bande furieuse qui hurle victoire. Un traître a bien joué son coup.

Et tandis que les bandits envahissent le fortin, le pillant, mettant à sac les vases sacrés, les livres liturgiques, attaché dans un coin le Père attend la mort. En vain les fellagha le questionnent : « Quand doit arriver le convoi? Y a-t-il des soldats dans le pays? » Muet, il prie. Son regard déjà considère, par-delà la souffrance proche, le bonheur dont l'espérance irradie en son coeur.

Brusquement deux chameliers arrivent, le courrier véritable du fort; une salve et ils tombent. Le  P. de Foucauld ne peut résister à ce spectacle : il esquisse le geste de se lever pour aller porter secours à ces deux moribonds. Alors un des trois bandits qui le gardent dirige le canon de son fusil vers lui et fait feu : la balle entre derrière l'oreille droite et sort par l'oreille gauche. L'homme de Dieu s'abat sans un cri.

C'était le premier vendredi de décembre, jour consacré au Sacré-Coeur.



Fin


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Message  Monique Ven 7 Oct 2016 - 18:03

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MISSIONNAIRE DES MORTS VIVANTS

LE PÈRE DAMIEN



Au cœur du Pacifique, à des milliers de milles de toute terre, l'archipel des Hawaî égrène son chapelet d'îles, nonchalant, comme une guirlande de fleurs abandonnées aux flots.  L'air chaud, humide, tout saturé de pluie, y entretient une végétation de rêve où tabac, canne à sucre, ananas et coton poussent sans qu'on ait nul besoin de se donner de la peine. Les fleurs y sont plus éclatantes que nulle part au monde.

Les hommes et les femmes, aux corps harmonieux à la peau sombre, mais aux traits agréable, vivent à peu près dans de perpétuelles vacances, dansant, chantant, jouant de la guitare, et se parant de colliers de jasmin. Les vagues ondulantes qui brisent sur les blancs coraux portent de frêles pirogues à balanciers, si légères qu'elles semblent, elles aussi danser en s'amusant   sur les masses liquides. Perles du Pacifique où les noms des iles et des villes tintent comme des fils de coquillages: Maui, Cahu, Lehua, Honolulu... Un paradis, le paradis sur terre s'il n'y avait, épars à travers tout l'archipel, innombrables, ces volcans, bas et larges, aux gueules toujours béantes, dont la lave fluide peut, d'un instant à l'autre, incendier les champs de plantations, et dont le brusque réveil s'accompagne de si affreux sursauts du sol que les cases s'effondrent, que la terre se fend, que la nature et l'homme hurlent alors, en proie à la terreur panique: un paradis, mais sans cesse menacé par l'enfer.
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Message  Monique Mar 11 Oct 2016 - 20:10

Le 4 mai 1873, dans l'île de Mauï, au centre de l'archipel, sept prêtres étaient réunis; le plus âgé était Mgr Maigret, vicaire apostolique des Hawaï, vieux pionnier de la tâche évangélique qui, depuis trente ans, portait la Parole de Dieu a ces hommes de l'autre côté de la planète. Les six autres étaient des missionnaires placées sous ses ordres. Tous appartenaient à la Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie, qu'avait fondée, quatre-vingts ans plus tôt, en pleine terreur révolutionnaire, le P. Coudrin, et qu'on appelait ordinairement « Piepuciens » du nom de la rue de Piepus où se trouvait, à Paris, la Maison-Mère de l'Ordre. Réunis là pour une cérémonie --- la consécration d'une nouvelle église --- ils portaient tous, par exception, au lieux de leurs minables soutanes du travail quotidien, la robe de couleur blanche ornée des deux cœurs brodés, et le manteau imité de celui des Chevaliers du Saint-Sépulcre, que leur fondateur leur a donnés. La cérémonie achevée, durant le repas, ils parlaient.

La situation semblait bonne, au Pacifique, pour le catholique en général et pour les Piepuciens en particulier. Le temps était passé où un Père était poignardé au Touamotou; où, aux Marshall, un évêque, sept Pères et dix sœurs mouraient en martyr pour le Christ; où aux Hawaï, la persécution chassait les missions catholique.

Dans combien d'îles, maintenant, ne voyait-on pas s'élever des chapelles, parfois de grandes et belles églises ? Le nombre des baptisés ne croissait-il pas de jour en jour ? « Le champs est labouré; la moisson lèvera demain partout...» s'écrie l'Évêque. Le plus âgé des Pères souleva la main, secoua la tête, comme pour exprimer des réserves. « Pas d'accord, Père Raymond ? questionna le prélat. » --- Vous avez oublié une île, Monseigneur...»


A suivre...
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Message  Monique Lun 17 Oct 2016 - 21:17

Tous les regards étaient tournés vers lui. On attendait qu'il prononçât le nom.  » Molokai ! « Les fronts, immédiatement, se rembrunirent. » Oui, reprit le Père, Molokai. Ailleurs, c'est peut-être le paradis, mais là-bas, c'est sûrement l'enfer. J'y suis allé deux fois et j'ai encore dans les prunelles l'horreur de ce que j'ai vu. Oui, je sais bien, il y a aussi des catholiques; il y a même une église. Mais pas de prêtre. C'est à ceux qui en auraient le plus besoin que nous ne savons pas donner la consolation du Christ...

__ J'y ai souvent penser, dit Mgr Maigret, d'une voix lente, douloureuse. Mais envoyer l'un de vous, ou peut-être tous, par roulement, l'un après l'autre, dans cet enfer... Car vous avez raison, Père Raymond, j'y suis allé moi aussi, c'est bien l'enfer... Je n'en ai pas eu le courage jusqu'à cette heure.

- Nous sommes tous prêts à partir pour Molokai, dit un Père.

- Plusieurs de mes baptisés sont là-bas. Je demande à être désigné, Monseigneur, si vous me faites cette grâce, je partirai les rejoindre dans l'enfer des îles. Au jour de ma profession solennelle, n'a-t-on pas étendu sur moi le manteau noir des morts, pour montrer à tous que je mourrais volontairement à la vie des hommes ?s'il faut s'enterrer vivant avec ces misérables, je suis prêt. »


Tous les yeux étaient tournés vers celui qui venait de parler ainsi. C'était un homme jeune, vigoureux, de belle taille, au teint frais, au front ouvert. A sa façon de s'exprimer, lente, chantante en même temps qu'un peu rugueuse, on reconnaissait un gars des Flandres. C'était un Belge, en effet, un Belge du bas pays, un fils de gros cultivateurs flamands: de son nom de naissance, il s'appelait Joseph de Veuster; en religion: le P. Damien.



A suivre...
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Message  Monique Ven 21 Oct 2016 - 1:12

Mgr Maigret le regarda longuement, avec insistance. Sans nul doute, il réfléchissait, il préparait une décision. Bien qu'encore jeune, le P. Damien n'avait-il pas déjà une expérience missionnaire ? Dans les districts où il avait été placé, n'avait-il pas réussi à merveille ? Non seulement à Puna, où les habitants étaient accueillants, mais à Kohala, où nulle difficulté ne l'avait rebuté. L'Évêque connaissait maints traits où le jeune Flamand s'était révélé aussi courageux qu'habile, aussi vigoureux que zélé au service du Christ.

On lui avait raconté comment, par une nuit de tremblement de terre, le P. Damien s'était élancé, à cheval, pour rattraper un malheureux Canaque qui, épouvanté, repris par les vieilles superstitions, était parti, son enfant dans les bras, pour le jeter, vivant, en sacrifice, dans la gueule ardente du dieu volcan. Et encore comment, une autre fois, malgré la tempête, il s'était risqué sur une pirogue pour aller célébrer la messe en quelque village de la côte, avait coulé sur les récifs coralliens et s'était sauvé à la nage, évitant de justesse les requins, mais n'abandonnant pas flots le sac caoutchouté où il abritait son petit autel portatif ? Un tel garçon était capable, évidemment, d'assumer ce terrible rôle.

« Quel âge avez-vous, Père Damien ? demanda l'Évêque .
- Trente-trois ans.
- L'âge qu'avait Notre-Seigneur à l'heure de la Croix, reprit le Chef, pensivement. (Il se tut un instant, puis: ) Vous avez déjà vue des lépreux ?
- A Kohala, ce n'est pas ce qui manque ! répondit le jeune prêtre avec un sourire d'Ange .
- Si vous hésitiez à partir pour Molokai, je comprendrais bien, insista l'évêque. Vous êtes attaché à vos fidèles, à votre mission... Vous maintenez votre offre ?... Eh bien, allez donc, au nom du Seigneur! »

Sans répondre, le P. Damien s'était agenouillé devant le vieil Évêque, dont la main ornée de l'anneau se levait sur lui, en un geste de bénédiction.



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Message  Monique Ven 21 Oct 2016 - 19:03

Dans le bras de mer qui sépare Cahu de Molokai, le petit vapeur Kilauea talonnait l'eau verte de toutes ses forces. Aux bastingages, muets et résignés comme le bétail qu'on emmenait dans l'île, tout un lot d'hommes, de femmes et d'enfants, regardaient tout droit devant eux, regardaient en proie à un désespoir sans bornes. Tous avaient, plus ou moins, sur leur peau sombre, des sortes de tubercules soit d'un rouge foncé, soit d'une teinte livide : beaucoup présentaient des lèvres boursoufflées, des oreilles bourgeonnantes, d'énormes rides proéminentes qui dessinaient vaguement, sur leur face, des mufles d'animaux sauvages; quelques-uns avaient les mains emmaillotées dans d'énormes pansements qui suppuraient.

A l'avant du bateau, deux prêtres se tenaient, comme en faction. Ils ne parlaient pas, Mgr Maigret priait en silence : ses lèvres pâles de vieillard remuaient. Accoudé à la rambarde, le P. Damien, lui aussi, comme les lépreux, regardait droit devant lui. L'île montait lentement sur l'horizon, noire et rouge. » La terre des Précipices, » comme disaient les Canaques, tant les convulsions des volcans l'ont déchirée, ravinée, bouleversée. Il ne l'avait jamais vue; il savait seulement qu'elle ne ressemblait guère au paradis des autres îles, stérile, semée de blocs de rocher, hérissée de touffes d'herbes lisses et de cannes à longues feuilles. Et surtout il n'avait jamais visité le district réservé, cette presqu'île de de Kalawao où le gouvernement parquait les lépreux, ce promontoire de quelques vingt kilomètres carrés, isolé du reste de l'île par la falaise gigantesque des Pali, le pire endroit de Molokai, disait-on, où un cratère très bas, mais large comme un plaie, était sans cesse prêts à faire couler le sang noir de la lave brûlante.



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Message  Monique Mar 25 Oct 2016 - 19:53

Dans l'esprit du missionnaire, les images et les souvenirs se pressaient en désordres. Tantôt il revoyait son flamandes, ses six frères et sœurs, le cher bouc blanc qui, attelé a une légère voiture, avait tant amusé ses jeudis et ses dimanches, sa petite camarade Marieke, en robe vert prune dansant a la kermesse et lui disant, l'air précocement grave: Jef, je le sais moi: le Bon Dieu t'a appelé ? et tantôt c'étaient de bien autres représentations qui venaient harceler sa mémoire: cette vieille Canaque dont il avait, un jour, défait les pansements, pour ne plus trouver, a la place des doigts, que des moignons sanglants, purulents, d'où s'exhalait un odeur intolérable: cet enfant si doux qu'il avait soigné à Kohala, que peu à peu le mal avait transformé en une sorte de squelette de bois brun, aux mains recroquevillés, aux yeux vitreux, et qui avait fini par mourir d'une méningite, avec un long cris, ah? un si long cri de bête qui avait duré des heures ! Et dans l'âme du prêtre, une prière montait, fervente:

« Seigneur, n'est-ce point pour donner votre amour aux plus misérables des hommes, que j'ai quitté Trémeloo et ma ferme natale, que j'ai voulu frapper à la portes des Pères à Louvain ? N'est-ce point pour témoigner de Vous et pour porter Votre Parole que j'ai demandé a partir aux Missions ? Seigneur, le calice qui s'approche de moi, je sais bien qu'il est plein d'un breuvage d'amertume. Donnez-moi la force de le boire, Seigneur, comme vous avez voulu boire le vôtre. Jusqu'à la lie... jusqu'au bout ! »



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