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Les Aventuriers de DIEU

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Les Aventuriers de DIEU - Page 2 Empty Re: Les Aventuriers de DIEU

Message  Monique Jeu 3 Mai 2012 - 5:20



Ces vaincus étaient les indigènes, ceux qui habitaient le pays avant l'arrivée des « Conquistadores ». On les nommait Indiens, parce que les premiers navigateurs, en débarquant en Amérique, avaient cru toucher aux Indes. Bien loin d'être partout des sauvages, ces Indiens étaient, en divers endroits, parvenus à de hautes formes de civilisation.

Dans le Mexique actuel, le pays des Aztèques, les Espagnols avaient trouvé de très grandes villes, des monuments impressionnants : aux pays des Incas, le Pérou d'aujourd'hui, le système des routes, habilement agencé, les avait beaucoup surpris. Dans maints de ces Etats, existait une organisation politique et sociale bien ordonnée, qui annonçait même ce qu'aujourd'hui on nomme socialisme. Un art — cet art qu'on appelle « précolombien ». antérieur à Colomb — avait atteint à des chefs-d'œuvre grandioses. En retard, cependant, sur l'Europe en divers points, ces peuples ignoraient le travail des animaux de trait, les armes à feu, et les chevaux des Espagnols leur paraissaient des bêtes fantastiques, sorties droit des enfers. Dans l'ensemble, pacifiques, impressionné par la cavalerie et les fusils, ils n'opposèrent guère de résistance à ces étrangers qui envahissaient leurs terres, ce qui, d'ailleurs, ne devait pas les garantir contre la férocité des conquérants.

Le malheur de ces pauvres gens fut d'avoir de l'or, beaucoup d'or. Quand les marins revenus en Espagne racontaient que, là-bas, dans les terres nouvelles, le fabuleux métal servait à couvrir les temples et les palais, que, dans les arbres jardins en terrasse, on voyait briller des fruits d'or et de Pierres précieuses, que les rois avaient des salles et des salles pleines de lingots sans prix, quelles convoitises ne brûlaient-elles pas dans les yeux et dans le cœur! Pour arracher aux Indiens leur or, tout leur or, il n'y eut aucun moyen devant lequel on reculât. Ce fut une fièvre, un délire qui s'empara des conquérants. Réduits en esclavage, contraints à faire, des mois durant, des étapes de portage sous des chaleurs ou les pluies affreuses, réquisitionnés aussi pour travailler aux mines, tandis que les femmes cultivaient les champs, les Indiens mouraient comme mouches. Qu'importait ? Il suffisait d'un mot pour que d'autres vinssent remplacer les manquants.

Si l'on ajoute encore, à ces raisons de destruction, les massacres inutiles, les supplices infligés dans une sorte de démence sanguinaire, on comprend assez que, dans le demi-siècle qui suivit la découverte de leur pays par les Européens, les peuples indiens eussent diminué dans des proportions à peine croyable : à Cuba en vingt ans, la population tombait de 50.000 à 14.000 âmes; à Saint-Domingue, de 100.000 à 15.000; dans certaines régions du Mexique, il s'en fallait de peu qu'elle disparût tout entière. On a peine à se représenter des hommes, des Européens, accomplissant des forfaits semblables... Et des chrétien!

Car, et c'était bien là le plus douloureux de ce drame, ces conquérants prétendaient apporter à ces peuples la loi du Christ! Quand le Pape avait reconnu au roi d'Espagne des droits sur les terres nouvelles, n'avait-il pas formellement déclaré que c'était pour qu'elles fussent évangélisées ? Et la reine Isabelle, qui, elle, était une vraie catholique, ne rappelait-elle pas, fréquemment, ses lointains lieutenants à cette obligation ? Mais de convertir les Indiens, de leur donner une vie spirituelle, les Conquérants se préoccupaient bien ! Ces Indiens valaient-ils qu'on se donnât pour eux tant de peine ? Des païens, et, qui pis était, des sauvages qui faisaient encore des sacrifices humains sur les autels de leur dieux! Même s'ils avaient été baptisés par les prêtres qui avaient accompagné les troupes, n'en étaient-ils pas moins de misérables esclaves, bons pour toutes les corvées ? La honte de cette situation tachait de sang et de boue la grandiose aventure de la découverte du Nouveau Monde. Et il semblait que nul ne pût rien pour y remédier.



A suivre...
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Message  Monique Sam 19 Mai 2012 - 5:31

En l'année 1509, dans une église de Saint-Domingue, un religieux montait en chaire : c'était un Dominicain, le P. Montesinos. Quelques mois plus tôt, devant l'effrayante dépopulation, les autorités espagnoles avaient amené de force dans l'île 40.000 indigènes enlevés ailleurs, pour remplacer les morts. Cette cruauté, et bien d'autres, le Père dominicain, avec un courage exemplaire, les dénonça. Face à ces soldats, à ces conquérants qui ne rêvaient que rapines, il osa dénombrer les crimes de la conquête. De l'assistance, en dépit de la sainteté du lieu, des cris fusaient, des protestations, des injures : on menaça même l'orateur sacré. Mais il continua, impavide...

Ce n'était pas le premier prêtre qui se montrât vraiment digne de l'Evangile qu'il devait porter. On avait vu, au Mexique et aux Philippines, le bon P. Urdaneta accompagner les soldats, la croix en mains, et se faire l'avocat des vaincus. Au Mexique encore, au Pérou, des moines avaient essayé de créer des écoles pour les enfants indiens. A Saint-Domingue le couvent, fondé par Pedro de Cordoba, auquel appartenait le P. Montesinos, était connu pour le bien qu'il répandait autour de lui.

Maintes fois, un prêtre, un religieux avait eu le courage de protester auprès d'un des gouverneurs contre les atrocités qu'ils avaient apprises. Celte dénonciation publique des erreurs commises par les Espagnols était un acte d'une importance extrême : combien, dans l'assistance, rentrèrent en eux et se demandèrent si leur conduite était digne de baptisés ?

Un jeune homme, en tout cas, se le demanda, douloureusement. Il se nommait Bartolomé de las Casas et descendait d'un soldat français» qui avait quitté son Limousin natal pour venir combattre les musulmans sous le règne de Ferdinand le Saint, et avait été par lui anobli. Cet ancêtre avait légué à ses fils le goût des aventures, car le père de Bartolomé avait figuré sur le livre de rôle de Christophe Colomb, lors du premier voyage de découverte. Et c'est ainsi que le jeune homme, lui-même alors âgé de vingt-quatre ans et licencié de l'université de Séville, s'était embarqué sur un bateau du grand navigateur lors de son troisième voyage, en 1198.

Des années durant, il avait couru terres et mers, avec l'audace du conquistador et l'enthousiasme de la jeunesse. Et, comme les autres conquérants, il n'avait eu en vue que dt s'emparer de provinces nouvelles, de faire fortune par tous les moyens. Que les Indiens fussent massacrés par milliers, qu'on le dépouillât de leurs biens et de leurs terres, qu'on les contraignît au plus douloureux des esclavages, Bartolomé de las Casas ne se demandait guère si cela était légitime et permis par Dieu.



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Message  Monique Sam 19 Mai 2012 - 5:49

Le sermon du P. Montesinos changea toute sa vie. Les remords se gonflèrent dans son cœur et l'agitèrent. Il lui sembla tout à coup qu'il avait vécu en aveugle et que désormais il voyait clair. Les crimes que le Dominicain dénonçait, n'en avait-il pas commis ? En tout cas, n'en était-il pas complice ? Son âme était trop généreuse pour supporter cette honte : il décida de changer de vie. Il rendit la liberté à ses esclaves et annonça que, désormais, il consacrerait toutes ses forces à la défense des malheureux Indiens.

Il alla trouver les excellents prêtres qui avaient fait retentir à ses oreilles le jugement de la vérité et leur demanda de l'instruire. Sa foi, son désir de bien faire étaient si évidents qu'on l'accepta d'emblée et, comme le Nouveau Monde manquait alors terriblement de clergé, on le forma très vite, et, moins de deux ans après ce jour où la parole de Dieu, par la voix du P. Montesinos, avait frappé ses oreilles, il était ordonné. Sa première messe, célébrée en grande pompe, eut l'allure d'un triomphe : n'en était-ce pas un, en effet, que le fils d'un des premiers conquérants, un officier promis à toute la fortune d'une belle carrière, y renonçât pour se consacrer à l'œuvre de charité et d'évangélisation ? Et, tout de suite, devenu prêtre, Bartolomé de las Casas se lança dans une lutte qui devait durer autant que sa vie.

Car, bien vite, cela prit l'allure d'une lutte. Les propriétaires d'esclaves, accusés par les prêtres de ravager le Nouveau Monde et de le dépeupler, les chefs cruels qui s'entendaient dire du haut de la chaire, qu'ils déshonoraient l'Espagne, tous se liguèrent contre les porte-parole du Christ. Il y avait de grands propriétaires qui se faisaient prêter des milliers de travailleurs forcés, des exploitants de mines, qui, par le même moyen, obtenaient, presque gratuitement, des mineurs, et ces gens-là encore faisaient front contre Bartolomé de las Casas et ses amis. Ces prêtres n'allaient-ils pas, avec leurs belles paroles, ruiner le commerce et l'industrie des pays conquis ? Ne fallait-il pas craindre qu'en entendant leurs appels les Indiens fussent tentés de se soulever contre les Espagnols ?

Il y eut des endroits où les missionnaires furent molestés, écartés par la force de ceux qu'ils voulaient aider : mais ils avaient, trop ancré en eux, le désir de sauver les malheureux indigènes, de les arracher à leurs tortionnaires, pour hésiter. Et la lutte s'engagea.

Désormais, Bartolomé ne prit pas un jour de repos. Sans cesse par monts et par vaux, il n'avait qu'une volonté : protéger ses amis indiens. On le vit à Cuba, curé d'une paroisse très difficile où les Indiens soumis au travail forcé étaient nombreux et si misérables que la seule présence d'un Espagnol leur faisait horreur. Plus tard, on le vit accompagnant volontairement, l'expédition de Narvaez, un des conquérants les plus barbares, pour essayer de le retenir de faire du mal aux indigènes. On le vit au Nicaragua, où devenu moine, dominicain, il fut envoyé par son prieur pour aider un évêque dont la conversion des Indiens était le seul souci. On le vit, dans le pays difficile qui est devenu le Guatemala, se lançant avec quelques frères au milieu d'une population qui passait pour sanguinaire, et sans armes, réussir à les gagner au Christ.



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Message  Monique Ven 1 Juin 2012 - 2:09

Aujourd'hui au Pérou, demain au Mexique, après encore à Saint-Domingue, Bartholomé est partout où la Parole du Seigneur doit être entendue et où la charité doit être respectée. Il n'y a guère de pays de ce qui est aujourd'hui l'Amérique latine, qui n'ait vu passer sa noble silhouette, sa robe blanche et son grand manteau noir de fils de saint Dominique.

Bien vite sa réputation, parmi les indigènes, fut immense. On le surnommait « le Père des Indiens ». Ces malheureux, tout étonnés de voir un Espagnol prendre leur défense avec cette énergie et cette audace, l'avaient en si grande vénération qu'il suffisait de leur présenter un papier de la part du P. Bartholomé pour qu'aussitôt ils devinssent dociles.

Quand le terrible Narvaez faisait ses expéditions, la présence de las Casas à ses côtés rendaient douces et accueillantes les tribus les plus belliqueuses. Mêmes ceux, parmi les soldats et les propriétaires qui le détestaient, étaient obligés de reconnaître en lui une sainteté évidente. En l'entendant des villages entiers se convertissaient au christianisme. Là où il passait, les paroisses naissaient et il suffisait ensuite d'y envoyer un prêtre pour qu'un noyau chrétien fût constitué.

Une fois de plus, dans l'histoire de l'Eglise, la flamme qui brûle au cœur des missionnaires, la flamme de l'apostolat au service du Christ, éclairait des provinces entières de la terre. Ce que le jeune auditeur du P. Montesinos avait décidé en son cœur, il n'y eut pas un jour de sa vie qu'il ne le réalisât.

Il ne faudrait pas croire que toute cette œuvre admirable se réalisât sans difficultés. Ne parlons pas de celles que Bartholomé devait vaincre pour poursuivre son apostolat, à travers ces pays mal connus, aux routes rares, aux forêts impénétrables, où la menace des serpents, des fauves et des insectes se doublait de celle, insidieuse, des maladies : cela, c'est le lot commun de tous les missionnaires, qu'ils soient en Amérique du Sud, en Asie ou en Afrique, hier, aujourd'hui, demain. Ce n'était pas non plus des indigènes eux-mêmes que lui venaient les plus grandes peines; il arrivait bien, parfois, que les efforts du saint prêtre fussent vains, qu'une tribu exaspérée par les exactions et les tortures, se révoltât, massacrât quelques Espagnols et provoquât contre elle une expédition punitive où les villages étaient brûlés, les femmes et les enfants emmenés en esclavage, les hommes massacrés jusqu'au dernier. Et Bartholomé, désolé, ne pouvait rien...

Mais les vraies, les pires difficultés lui vinrent des Espagnols eux-mêmes, des gouverneurs, des propriétaires d'esclaves, des exploitants de mines dont nous avons vu qu'ils avaient fort mal accueilli l'action des religieux. Bartholomé les connaissait bien; n'avait-il pas été lui-même un des conquérants, ne comptait-il point parmi eux nombre d'anciens camarades ? Il connaissait leurs ruses : il savait combien ils étaient peu disposés à obéir aux ordres du Roi en faveur des indigènes; il n'ignorait pas qu'ils étaient capables de tout pour l'écarter.



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Message  Monique Ven 1 Juin 2012 - 2:23

Il y eut parfois des épisodes douloureux. Un jour, dans un canton de l'île de Saint-Domingue, des indigènes, amenés d'ailleurs, avaient été retenus sans motifs et réduits en esclavage; la population indienne se souleva alors tout entière contre les Espagnols et, dans sa fureur, massacra deux religieux dominicains qui se trouvaient en mission dans la contrée. Il s'ensuivit une expédition punitive abominable où non seulement furent massacrés tous les habitants des villages révoltés, mais ceux de toute une vaste région d'alentour, qui n'avaient point participé à la rébellion.

Quand Bartholomé apprit ces événements, il accourut et reprocha vivement aux chefs leur conduite : le meurtre de ces deux religieux était assurément chose affreuse, mais il n'autorisait pas les Espagnols à anéantir la population d'une province entière, innocente du crime. A peine eut-il commencé à parler ainsi que Bartholomé fut insulté, menacé. Des religieux hiéronymites lui crièrent qu'il se faisait complice des assassins; les officiers excitaient la foule contre le courageux missionnaire et bientôt il se trouva seul, devant des centaines de furieux qui parlaient de le tuer lui-même : il dut se sauver et se réfugier dans un couvent.

Ce ne fut pas seulement dans les terres du Nouveau Monde que les difficultés attendaient le « Père des Indiens ». Bartholomé et ses collaborateurs, comme ils en avaient le devoir, envoyaient au gouvernement royal, en Espagne, et aux autorités religieuses, des rapports sur les horreurs dont ils étaient les témoins. Ces renseignements étaient transmis au « Conseil des Indes » spécialement chargé des affaires du Nouveau Monde, lequel envoyait des instructions rappelant les gouverneurs, les fonctionnaires, les officiers, à leurs devoirs de chrétiens; mais l'Amérique était loin de l'Espagne, et les conquérants tortionnaires se moquaient bien de ce qu'on disait à Madrid!

Le seul moyen d'agir efficacement était de s'embarquer, d'aller au palais, de parler au Souverain. Bartholomé s'y résolut plusieurs fois. Auprès du roi Ferdinand, puis auprès de Charles-Quint, il osa porter les plaintes des malheureux Indiens. Et, dans ce dessein, il ne fit pas moins de cinq voyages à travers l'Atlantique. Mais si l'idée était bonne, elle n'était point aisée à réaliser. Car les Conquérants avaient des amis, des parents, dans maints hauts postes : tel gouverneur des colonies avait son frère ministre, tel général était cousin d'un évêque. Bien pis encore : beaucoup de très grands personnages du gouvernement et de la Cour — et même des évêques — avaient placé de l'argent dans des affaires en Amérique, surtout dans des mines, d'où ils recevaient de gros intérêts : on imagine de quel œil ils virent arriver ce missionnaire exalté qui venait demander au Roi de supprimer l'esclavage et de faire surveiller le travail dans les mines!

En apparence, ils ne pouvaient pas lui faire mauvais accueil, de peur de se montrer chrétiens détestables, mais ils s'appliquèrent à l'écarter du Souverain, à le discréditer, à le faire passer pour une manière de fou. Ils allèrent jusqu'à faire venir d'Amérique un autre religieux, qui n'aimait pas Bartholomé, pour qu'il déclarât que l'œuvre du missionnaire était dangereuse pour l'Espagne et contraire aux intérêts de l'évangélisation!

De tels obstacles ne pouvaient arrêter un homme qui avait affronté les périls de la forêt vierge et les tribus les plus sauvages. Il réussit à voir l'Empereur plusieurs fois, et à lui parler. Il l'adjura de protéger les malheureux Indiens contre les iniquités intolérables. Devant le Souverain il traça les tableaux des atrocités de la conquête, et, à force d'éloquence, il obtint que des lois fussent promulguées pour la protection des indigènes. Hélas! ces lois seraient-elles appliquées ? Comment les conquérants, les gouverneurs s'y soumettraient-ils eux-mêmes, dès lors qu'elles allaient contre tous leurs intérêts ? On peut dire que sa vie durant, Bartholomé eut ainsainsi à lutter, sans cesse désolé de voir la méchanceté des hommes faire échec à la bonne volonté certaine des souverains, sans cesse obstiné à répéter ses protestations, ses cris d'alarme, sans cesse combattu en secret par des adversaires haineux.



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Message  Monique Jeu 7 Juin 2012 - 1:19

C'est pour éclairer son Roi — et aussi le Pape, à qui les religieux adressaient en même temps leurs protestations — que Bartolomé de las Casas écrivit un livre où il résuma toute l'énorme documentation qu'il avait rassemblée sur les dévastations commises par les Conquérants : La Destruction des Indes. Il le compléta par un mémoire contre l'esclavage et un ouvrage sur les meilleures façons de répandre l'Evangile parmi les Indiens d'Amérique. Cette publication fit un effet énorme. Les adversaires de las Casas eurent beau susciter contre ses publications un misérable pamphlet qui prétendait les réfuter : en vain! L'opinion chrétienne s'émut de lire, sous la plume d'un religieux, des accusations aussi graves; l'idée qu'en Amérique on brûlait vivants des hommes « en l'honneur et révérence de notre Rédempteur » souleva l'indignation.

Charles-Quint lut les livres de Bartholomé et le chrétien convaincu qu'il était en fut bouleversé. En 1542, devant le Grand Conseil des Indes, il entendit le missionnaire en personne répéter ses accusations. Il l'écouta parler des Indiens, « simples, sans méchanceté, humbles, patients et fidèles », des conquérants « féroces comme loups, tigres et lions affamés. » Devant l'accumulation des détails précis, qui pouvait répondre ?

En même temps le Pape, éclairé par les rapports des religieux, venait de promulguer des bulles qui condamnaient les méthodes de terreur des conquérants. L'Empereur décida d'agir; des « lois nouvelles » furent édictées, plus fermes, plus précises que les précédentes, et des hommes de confiance furent envoyés en Amérique pour les faire appliquer.

Avant leur départ, le Roi tint à les voir lui-même et à leur donner ses instructions. Bartholomé de las Casas et son action généreuse paraissaient triompher.



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Message  Monique Jeu 7 Juin 2012 - 1:34

Bartholomé avait alors soixante-dix ans. Pourtant, il n'avait qu'un désir : retourner au Nouveau Monde, reprendre la grande œuvre missionnaire à laquelle il avait voué sa vie. Quand il lui fut annoncé qu'en témoignage d'admiration le Roi le faisait nommer évêque, il s'enquit de l'évêché qui lui était réservé. On lui dit que c'était celui de Cuzco, au Pérou, un des plus importants et des plus riches de toute l'Amérique. Mais justement, il était trop important et trop riche pour le P. Bartholomé. Il demanda, si le Souverain désirait vraiment qu'il reçût la dignité épiscopale, qu'un évêché très pauvre, très difficile, fût créé pour lui dans une région où la conversion ne fût pas encore poussée loin, où il y aurait encore beaucoup de travail à faire pour le Seigneur.

Ainsi fut-il nommé évêque de Chiapa, à près de mille kilomètres de Mexico, dans les montagnes de ce qui forme aujourd'hui le Guatemala : certaines parties en étaient bien exploitées pour la culture du cacao, des palmiers, du maïs et pour l'élevage, mais d'autres étaient couvertes de forêts si épaisses, si infestées de serpents et d'insectes que les Indiens eux-mêmes n'osaient pas s'y aventurer.

En fait, Bartholomé de las Casas ne devait pas rester longtemps dans son évêché. Bien vite il apprit que les « lois nouvelles » de Charles-Quint n'étaient pas beaucoup mieux observées que les anciennes, que des atrocités continuaient à se commettre. que l'esclavage, supprimé en théorie, était toujours pratiqué.

Il se remit donc en route. Il repartit à travers le Nouveau Monde pour défendre ses chers Indiens. C'est alors qu'il imagina un moyen d'agir sur les conquérants, moyen qu'il exposa dans un livre : il ordonnait aux prêtres qui confessaient des Espagnols d'interroger leurs pénitents sur leur comportement envers des indigènes, sur la provenance de leurs richesses, et de leur refuser l'absolution s'ils ne restituaient pas les biens volés, s'ils ne libéraient pas leurs esclaves.

La colère fut évidemment grande parmi les Espagnols devant de telles mesures, que la majorité du clergé appliqua avec beaucoup de fermeté et de courage. « Que les confesseurs prennent bien garde, disait le saint évêque, qu'en donnant l'absolution aux bourreaux des Indiens, aux pillards de leur or, ils se font leurs complices, et que, devant Dieu, ils auront à rendre compte de ces crimes qu'ils auront trop légèrement absous! »



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Message  Monique Mer 13 Juin 2012 - 5:38

Le coup était si terrible que les Conquérants tentèrent de se défendre. Une fois de plus, on expédia en Espagne des gens porteurs de rapports mensongers qui dénonçaient Las Casas comme un traître à l'Espagne et à la chrétienté. Restituer les biens aux Indiens ? Renoncer aux travailleurs forcés ?

Mais c'est la ruine de la colonisation! Cet évêque fou ne va-t-il pas jusqu'à demander qu'on supprime le portage, qu'on interdise la pêche aux perles ? Tous ceux qui avaient reçu des Conquérants des biens volés, sans oublier les marchands qui leur avaient vendu des produits, étaient atteints par les mesures des confesseurs. Dans certaines régions, cela avait même tourné à l'émeute; des prêtres qui avaient refusé d'absoudre en confession des hommes notoirement voleurs et brutaux, avaient été attaqués, menacés. Le responsable de ces troubles n'était-il pas ce P. Bartholomé, cet exalté, ce dangereux bavard ? On persuada au Roi de le convoquer à Madrid pour s'expliquer.

Une fois de plus, il traversa l'Océan. On croyait voir arriver un accusé repentant. Au lieu de s'excuser, Bartholomé accuse! Il a écrit un mémoire détaillé justifiant sa conduite et l'a fait approuver par les plus hautes autorités religieuses du temps. Il rappelle que c'est le Pape qui, jadis, a confié le Nouveau Monde au roi d'Espagne, afin qu'il veille à y faire pénétrer l'Evangile. Les seuls principes donc que doivent reconnaître les chrétiens qui vont au Nouveau Monde, ce sont ceux de Jésus-Christ. L'Eglise a le droit, par ses confesseurs, de veiller à ce que ses principes soient observés et de punir ceux qui refusent de s'y soumettre. « Il faut, dit saint Augustin, attirer les païens au Christ par la bonté, mais, chez les chrétiens, enlever par la force ce qui est pourri. » Lui, BartHolomé de las Casas, a-t-il rien fait d'autre ? Il rappelle alors que les rois d'Espagne ont promulgué des lois, que la reine Isabelle, avant de mourir, a demandé qu'on usât de bonté envers les pauvres Indiens : ces lois, ces conseils ne sont-ils pas restés trop souvent lettre morte ? Et si grande est l'éloquence de l'évêque, si vraies sont ses paroles, que Charles-Quint lui donne raison. Le débat se termine par le triomphe du missionnaire. Une fois de plus le Souverain édicté des mesures en faveur des Indiens, interdit l'esclavage, réprime les excès des exploitants de mines et de portage. Frère Bartolomé a vaincu.

Il a maintenant plus de quatre-vingts ans. Va-t-il prendre du repos ? Va-t-il considérer que son œuvre est achevée ? Il revoit les scènes d'horreur qu'il n'a que trop connues, tel enfants déchirés par les chiens, les femmes torturées, les hommes brûlés vifs. Il pense aux routes jalonnées de cadavres de porteurs morts d'épuisement, aux villages incendiés et pillés... Non, son œuvre n'est pas terminée. Il y a encore trop de Conquérants qui refusent de se soumettre et sont décidés à continuer leurs exactions. Les nouvelles que reçoit l'évêque sont mauvaises : au Guatemala, un moine francistcain ayant réprimandé un Espagnol à cause de ses cruautés, a été immédiatement chassé du pays, sous menace de mort. Au Pérou, le désespoir a poussé les indigènes à la rébellion et une véritable guerre a éclaté, affreuse, où les indigènes périssent par milliers. Le vieil évêque n'a qu'un désir au cœur : reprendre la mer, retourner dans cette terre d'Améri-que où il sait bien qu'il a encore tant à faire auprès de ces misérables Indiens pour le salut desquels il a donné sa vie. Mais il est presque paralysé.



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Message  Monique Mer 13 Juin 2012 - 5:52

Il ne partira pas. Il ne pourra pas non plus rejoindre le roi en Angleterre, pour lui explorer la véritable situation du Pérou, afin qu'il retienne les fureurs de la répression miIitaire. Il pourra seulement lui écrire une lettre, très émouvante, où il lui rappelle que si les Indiens se soulèvent, c'est qu'on leur a tué plus de vingt millions des leurs, qu'on a pillé leurs biens, qu'on a réduit en esclavage des millions d'hommes libres... Une fois de plus, il crie : « L'Espagne se déshonore si elle continue d'agir ainsi! Et la religion chrétienne est en péril si la méchanceté triomphe... » Installé dans un couvent non loin de Madrid le grand vieillard usait ainsi ce qui lui restait de forces à défendre ses « enfants ».

Il mourut, à l'âge de quatre-vingt-douze ans. Quand la nouvelle de sa mort parvint en Amérique, spontanément, dans tous les villages d'Indiens, des cérémonies funèbres furent faites, accompagnées de déchirantes plaintes. Les indigènes eurent le sentiment qu'ils avaient vraiment perdu un père, un homme qui avait su les aimer plus que sa vie.

Le jeune étudiant de vingt-quatre ans qui, bien longtemps plus tôt, avait pris la mer sur une caravelle de Christophe Colomb, rêvait peut-être alors de victoires militaires, de richesse vite gagnées et de terres conquises : n'était-elle pas plus belle, la gloire dont son nom rayonnait par le pouvoir de l'amour ? L' Espagne vénère en Bartholomé de las Casas une de ses plus nobles figures : intrépide et généreux, aventureux et chevaleresque comme on sait l'être en son pays, contre ceux de ses propres compatriotes qui oubliaient les leçons de l'Evangile, il a eu le courage de les redire; il est peu d'hommes qui, autant que lui, aient su se faire les témoins de la charité du Christ.


Fin


A suivre... L'ESCLAVE DES IROQUOIS SAINT ISAAC JOGUES
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Message  Monique Lun 25 Juin 2012 - 21:43

Les Aventuriers de DIEU - Page 2 Isaacj10


L'ESCLAVE DES IROQUOIS SAINT ISAAC JOGUES




Au début de septembre 1636, une imposante flottille de canoës remontait le fleuve Saint-Laurent, au Canada. Les sentinelles des tribus algonquines ne s'émouvaient pas de leur passage; les Hurons revenaient de chez les Visages Pâles, à qui ils avaient vendu leurs fourrures, rapportant en échange drogues et armes, vivres et pacotille. Soit : le tomahawk de guerre n'avait pas été jeté d'un territoire à l'autre des deux peuples; les Algonquins laissaient passer.

Cependant, leur curiosité était éveillée. Les pagayeurs n'étaient pas seuls. Parmi les corps de bronze, bariolés de dessins à la graisse multicolores, élincelant de bijoux de cuivre et de coquillages, il y avait un Blanc inconnu. Pas le minable petit vieux que les Hurons avaient amené, quelques semaines plus tôt; un jeune, vigoureux, au profil aigu, au teint de bonne santé, vêtu, bien entendu, comme l'autre : Pourquoi les Visages Pâles s'affublaient-ils presque tous, pour enir dans les tribus, de cette longue robe noire si mal commode ? Mais tout n'était-il pas étrange et incompréhensible chez les Blancs ?

Il y avait déjà bien des années que les « Robes noires » étaient installées dans les villages de la grande forêt. Ils y vivaient de la vie même des tribus, à ces détails près qu'ils ne tuaient pas, ne volaient pas et n'avaient pas de femmes. Les sorciers les détestaient, affirmant que leur seule présence attirait la colère des puissances invisibles, sous forme de cataclysmes et d'épidémies. Pourtant, de-ci de-là, il y avait des hommes à peau rouge qui avaient accepté la religion de ces prêtres étrangers, arrivés de si loin; mais les convertis étaient peu nombreux et mal vus.

Les « Robes noires » s'obstinaient pourtant. Qu'un tombât malade ou fût tué, un autre immédiatement prenait sa place. Ainsi, au lieu de cette sorte de spectre que les pirogues avaient descendu à Trois-Rivières, ce grand gars que rien ne semblait devoir étonner. Seize jours durant, accroupi sur ses talons au fond d'un canoë, immobile sous la grêle aiguë des moustiques, supportant le soleil de plomb comme le froid pénétrant du soir, il n'avait guère cessé de lire un livre noir, en remuant parfois les lèvres. Aux rapides, quand il fallait porter les pirogues, durant des milles et des milles, parmi les fouillis des roseaux, il avait donné son coup de main sans rechigner. Les Hurons en avaient eu bonne impression.

Ainsi le P. Isaac Jogues, de la Compagnie de Jésus, gagnait-il le poste que ses supérieurs de Trois-Rivières lui avaient assigné : Ihonatiria, « le hameau qui domine les pirogues chargées », humble groupe de cases au sommet d'une presqu'île du lac Huron. Il avait alors vingt-neuf ans et, dans toute la ferveur de sa jeunesse, lorsque l'ordre lui avait été donné de partir avec le convoi annuel des tribus, il avait remercié Dieu parce qu'il avait exaucé son vœu. Depuis bien des années n'avait-il pas résolu de se consacrer au Seigneur ?



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Les Aventuriers de DIEU - Page 2 Empty L'ESCLAVE DES IROQUOIS SAINT ISAAC JOGUES

Message  Monique Lun 25 Juin 2012 - 21:58


Il avait été cet enfant de ferveur exemplaire, de soumission parfaite que, dès l'âge de neuf ou dix ans, l'on avait admiré : quand son père ou quelque maître devait le punir, car il était vif, ardent et quelque peu sauvage, ne l'avait-on pas vu, souvent, baiser la main qui l'avait châtié ? Il avait été aussi, au collège des Pères, à Orléans, cet élève intelligent, tenace, appliqué à l'étude, mais aussi curieux de tout, sur lequel ses éducateurs avaient eu l'œil très vite. A l'école de ces hommes pour qui rien ne comptait, ni le souci d'argent, ni le désir des places, rien, hormis la gloire de Dieu et le salut des âmes, Isaac avait discerné tôt son avenir. Il serait jésuite et — François Xavier ne venait-il pas d'être canonisé en 1622, quand le jeune Jogues avait quelque seize ans ? — jésuite missionnaire comme lui.

C'était pourquoi il se trouvait là, en cet automne 1636, dépliant son grand corps du fond de la pirogue, sautant à terre, étirant ses membres gourds, regardant avec, malgré tout, quelque surprise, ses futurs catéchumènes. L'un d'eux avait les joues peintes en noir, le nez en rouge et le reste du visage en bleu vif. Un autre était mi-partie blanc et noir. Un autre encore, du front aux mollets, s'était bariolé de traits, de cercles et de zigzags multicolores. La plupart avaient découpé dans leurs chevelures des sillons parallèles et les touffes qui leur restaient étaient si raides, si noires, qu'elles faisaient penser aux poils qu'a le sanglier sur sa hure; d'où le nom que les Blancs leur donnaient : Hurons. Mais ce que le Seigneur propose est toujours adorable.

Frère Isaac, lui avait dit son vénéré Maître, le P. Louis Lallement, véritable homme de Dieu, Frère Isaac, vous ne mourrez pas ailleurs qu'au Canada! » Isaac Jogues, d'un Coeur Joyeux, acceptait ce destin.

Le Canada! sous l'impulsion du grand Cardinal, c'était devenu, depuis une dizaine d'années, un des rêves de la jeunesse française. Tandis que, depuis la mort du bon roi Henri IV, les efforts tentés par lui pour installer la France aux pays neufs d'Amérique avaient été bien mollement poursuivis, tandis que le valeureux Champlain s'était borné à s'installer solidement à Québec, et de défricher les terres avoisinantes, Richelieu, lui, avait pressenti clairement l'avenir.

La Compagnie des cent associés, fondée en 1627 sous son patronage, transportait des colons en leur assurant trois ans d'entretien. Le peuplement français se développait; ni la prise de Québec par les Anglais en 1629, ni la fin de Champlain en 1635, mort à la tâche, n'avaient ralenti les efforts. Le Canada!

A la Cour, dans le monde, dans les écoles et dans les cloîtres, maints cœurs brûlaient de la ferveur canadienne. Des hommes et des femmes, des prêtres et des soldats, voire des religieuses, rêvaient de partir pour ces solitudes merveilleuses, les uns mus par le désir de lucre, les autres poussés par la flamme de Dieu.



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Message  Monique Dim 14 Aoû 2016 - 1:24

Parmi ces derniers, la Compagnie de Jésus comptait beaucoup de ses fils. Il n'était année où, de ses noviciats, ne sortissent de jeunes Pères ardents à aller continuer, en ces terres lointaines, la grande histoire de la Mission chrétienne et y ajouter une page de gloire. C'était aux Jésuites que Montréal, un jour, devrait d'être la métropole immense telle qu'on la voit aujourd'hui.

Chez les Algonquins établis au nord du Saint-Laurent, entre l'Océan et les grands lacs, le P. Le Jeune travaillait avec ardeur. Chez les Hurons, fixés plus à l'Est, entre le lac qui porte leur nom et le lac Ontario, plusieurs missions étaient à l'oeuvre, que dirigeaient le P. de Brébeuf, un géant, et le frêle P. Garnier. Seuls les Iroquois, au sud de l'Ontario, qu'ils fussent Mohawks, Sénécas, Oncidas, Agniers, paraissaient impénétrables, les plus féroces, les plus hostiles aux Français, et que d'ailleurs Anglais et Hollandais excitaient en sous-main.

Son mince bagage porté par un indigène, le P. Isaac Jogues gravit le sentier qui, de la berge, montait au hameau de huttes. Un moment il regarda devant lui, au pied de la terrasse, l'immense  mer d'eau douce grise et bleue, vaporeuse aux lointains et, de droite et de gauche, la forêt infinie, pressée sur les rives, rousse et noire. Dans les marais, les crapauds-buffles mugissaient d'une voix forte et triste. Le lieu où le Seigneur l'appelait ...

Ce qu'était la vie d'un missionnaire au Canada en ces débuts du XVIIe siècle s'imagine à peine, la vie et l’héroïsme quotidien. Toute existence de porte-parole du Christ est évidemment  difficile et périlleuse, mais du moins, de nos jours, dans les postes les plus éloignés, au coeur de l'Afrique ou  dans les îles du Pacifique, un minimum de confort, si modeste soit-il, la protection des pouvoirs publics, la possession d'un  poste de radio et celle de médicaments, sont des atouts non négligeables. Il y a trois siècles, en Amérique, rien de  tout cela. Pour le missionnaire, c'est sans cesse l'aventure.

En été, c'est, à travers les forêts, par les lacs et les fleuves, les navigations interminables, dangereuses, coupées des harassants portages, sous la menace des loups et des ours, sous celle aussi, plus insidieuse, des insectes à fièvres. En hiver, c'est la course en traîneau, par des froids terribles, sous les grands vents auxquels rien ne résiste, et la halte de nuit dans quelque trou de neige, avec le risque, si le guide est stupide ou perfide, de se perdre et d'être retrouvé, comme le P. Anne de Noüe,   ''à genoux, la tête découverte, les bras croisés sur la poitrine et les yeux ouverts regardant le ciel mort gelé.''


(Désolée, pour tout ce temps d'oublie. ) pale

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Message  Monique Lun 15 Aoû 2016 - 2:03

Les séjours qu'on fait dans les villages sont-ils moins périlleux et plus satisfaisants? Pour demeure, une hutte indigène, faite d'écorces et de peaux tendues sur des perches, piètre abri. Un morceau sert de chapelle; le reste, pièce unique est tout à la fois cuisine et dortoir, salle à manger et atelier. Pour dormir, des copeaux d'écorce recouverts d'une natte. Le foyer primitif dégage une fumée âcre, qui ne s'en va jamais. Pas de linge ni de vêtements, ou si peu que tout rechange est impossible.

Quant à la nourriture quotidienne, c'est la sagamité des tribus indiennes, la bouillie de maïs écrasé entre deux pierres, assaisonnée de morceaux de poissons séché, ou encore le boucan, la viande de cerf qu'on a foulée a terre (avec les pieds sales : la poussière, les plumes, les débris innommables s'y incorporent du coup) et qu'on a fait sécher ensuite au point de la transformer en une sorte de bois ou de corne ... Les instructions de la Compagnie aux missionnaires jésuites spécifient bien qu'il faut « manger la nourriture des indigènes sans marquer dégoût ou répugnance » : oh! sainte vertu d'obéissance!

Encore ces conditions matérielles ne sont-elles rien, au prix des difficultés que rencontre le missionnaire dans son apostolat. Que les Hurons vous accablent de leur sans-gêne, de leur vermine, soit; ce qui est affreux, décourageant, leur méfiance sournoise, leur cruauté toujours prête à se déchaîner, le brusque mouvement de colère passionné peut déterminer chez ceux qu'on tient pour les plus fidèles la parole d'un sorcier exploitant quelque épidémie ou quelque accident fâcheux. Un des plus héroïques missionnaires du temps, le P. Jérôme Lallement, n'écrivait-il pas :  « On aimerait mieux recevoir un coup de hache sur la tête que de mener, des années durant, la vie qu'il faut mener ici tous les jours, travaillant à la conversion des barbares... » ?

Cette vie, le P. Isaac Jogues devait la mener près de sept ans. Obéissant au précepte de celui qui fut le prince des missionnaires, saint Paul, il se fit « huron parmi les Hurons », pour essayer de les amener au Christ. Il passa des heures et il dormit dans les huttes à l'odeur abjecte, où pourceaux et molosses vivaient en liberté avec les humains. Il partagea ces repas où le chef de famille, pour honorer un hôte, lui jetait un quartier de boucan, détrempé dans la marmite, brûlant, au vol, comme à un chien. Il apprit parfaitement la langue huronne, si difficile, qui ne connaissait que huit consonnes ce qui, ramenait les mots à des sortes de grognements inarticulés. Encore, au début, à Ihonatiria, la vie était-elle supportable, parce que la petite communauté de Saint-Joseph comprenait onze Blancs, dont six Pères.

Mais les évènements et  les nécessités de l'apostolat ne devaient pas laisser longtemps intacte la petite troupe. Le Supérieur, le P. de Bréboeuf, créa un nouveau poste, auquel Isaac Jogues fut avec trois Pères. Puis on l'envoya, loin de là, vers l'extrême ouest - le Far-West - essayer de pénétrer, au delà des lacs, chez les Pétuns, qu'on connaissait à peine, et ce fut pendant sept ans d'efforts ininterrompus, héroïques, une vie de grande aventure et de dévouement obscur. Les épisodes dramatiques n'y manquèrent pas.


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Message  Monique Mar 16 Aoû 2016 - 18:08

A vivre de  cette vie, Isaac Jognes était devenu presque semblable à ceux qu'il évangélisait. Sa force, sa souplesse, son endurance émerveillait les Peaux-Rouges. Il mania son habilement qu'eux la pagaie; il était imbattable à la  course. Son visage s'était coloré et son masque s'était creusé, durci: Ondessonk « Oiseau de proie »,  l'appelaient les Indiens. Était-il satisfait?  En sept années d'efforts, quels résultats obtenus?  

En apparence peu : cent vingt baptisés  vraiment digne de ce nom, maigre troupe ... Sans doute, parmi eux y avait-il des chrétiens véritables, qui avaient qui avaient  entendus le message du  Sauveur et seraient ses témoins parmi leurs frères.

Mais à côté des résultats obtenus, quelle immensité de tâches demeurait! Ces âmes huronnes qu'il avait à sauver, comme elles étaient encore obscurcies et souillées! Malgré toutes les paroles des missionnaires, la vie de ces malheureux n'était trop souvent que luxure, violence et rapine. Les pires superstitions continuaient à avoir prise sur eux et tous les préceptes évangéliques demeura vains contre leurs croyances  aux « Manitous », les esprits mauvais, auxquels ils faisaient des sacrifices sanglants, Pire encore; les missionnaires n'ignoraient pas que leurs leurs Peaux-Rouges pratiquaient encore parfois l'anthropophagie, arrachant le coeur d'un ennemi courageux et le dévorant pour s'assimiler sa bravoure.

Comment vaincre de telles acculturations d'erreurs ? Semblable à tous les hommes qui poursuivent un grand dessein, le Père Jogues tenait pour peu de choses ce qu'il avait déjà réalisé et ne songeait qu'à ce qui restait à faire. Et ce reste était immense, accablant ...

Dans les longues heures qu'il passait en prières, devant le petit tabernacle de sa misérable chapelle, il s'adressait à Dieu pour le supplier de le guider. Puisqu'il est d'expérience sûre que seul le sang des martyrs sème le bon grain de l’Évangile dans les terres les plus ingrates, il demanda au Tout-Puissant d'accepter le sien, qu'il offrait de tout coeur pour la conversion de ses chers sauvages. Un soir, il eut une extase : ce n'était pas la première fois. A plusieurs reprises déjà, le Christ lui avait parlé. La voix du Maître retentit mystérieusement à ses oreilles : « Ta prière est exaucée qu'il soit fait selon ta demande. Prends courage! sois vaillant. »


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Message  Monique Mer 17 Aoû 2016 - 20:25

Les progrès que le christianisme avait faits parmi les Hurons avaient accru la haine traditionnelle que leur portaient les  iroquois. Au cours de l'été 1642, entre les deux peuples la guerre  éclata; on dansa autour de feux de camp en chantant des hymnes de mort et en brandissant des tomahawks. Plusieurs villages flambèrent sous l'assaut foudroyant des  Mohawks. Le pays entier, des lacs à l'Océan, s'agita.

Fallait-il en de telles circonstances, faire le voyage annuel pour aller à la ville vendre les fourrures? Sept cents kilomètre en pays hostile ... Mais sans les produits européens et les munitions qu'on rapportait, comment vivre, comment se battre ? L'expédition fut donc décidée. Le P. Isaac Jogues la dirigerait,  accompagné du P. Raymbault dont la santé exigeait qu,on le  ramenât à la ville, de trois Français, laïcs, qui servaient les Pères de la Mission, et d'une vingtaine de Hurons choisis, tous  chrétiens, sous la conduite du chef Eustache. On fuma une dernière fois avec ceux qui restaient le calumet de l'amitié, qu'on passe de bouche, puis les canoés filèrent, aux coups cadencés des pagaie.

Le voyage d'aller se passa bien, hormis les fatigues coutumières  que la présence du P. Raymbault aggrava, car il était si faible qu'au cours des « portages », il fallait l'aider.  Après une halte à Trois-Rivières, on atteignit Québec. On fête la  Saint-Ignace à Trois-Rivières, puis on reprit l'eau; la caravane avait doublé d'importance car une vingtaine d'autres Hurons voulurent se  joindre à elle; un autre Français, René Goupil, un jeune homme au grand coeur, expert en médecine, avait  demandé à partir aussi.

Les douze  pirogues  glissent sur l'eau verte du fleuve. On fait cinquante kilomètres le premier jour. Le lendemain, à l'aube, peu après le départ, les yeux perçants des Hurons discernent sur vase les traces fraîches de pieds nus et de canoés: les Iroquois! Et tout de suite, c'est le drame. Le cri de guerre  retentit, le cri des Mohawks, la pire nation. Ils surgissent à travers les fourrés, affreusement tatoués de rouge - de rouge, couleur de guerre. Les mousquets fournis par les Hollandais crépitent. Les six pirogues  de tête sont balayées par le feu. Les Hurons des six autres se jettent à la berge, essaient de fuir. Que vont faire les Blancs? Goupil est tombé aussi; les autres ont disparu; P. Isaac Jogues a réussi à se cacher dans les hauts roseaux. Sauvé!


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Message  Monique Jeu 18 Aoû 2016 - 23:24

Non. Un autre que lui eût loué Dieu de l'avoir protégé, et aurait attendu le départ de ennemis pour s'enfuir. Pas lui, la fuite me semblait horrible, devait-il écrire. Pourrais-je, me disais-je, abandonner mes Français et ces pauvres sauvages sans leur donner les secours que l'Eglise de mon Dieu m'a confiés? Il faut que mon corps meure d'une mort passagère pour leur procurer une vie éternelle. Et sortant de sa cachette, il se livra aux Iroquois.

Aussitôt l'horreur commence. Un des Français laïcs, nommé Couture, revient sur le lieu du combat; mis en joue par un Mohawk, il épaule plus vite et le tue. Les Iroquois se ruent alors sur lui et sur le P. Isaac Jogues. Ils sont ramenés à terre, roués de coups. On les relève, on les maintient debout; des sauvages leur prennent les mains, leur arrache les ongles, puis, l'un après l'autre, les mordant de leurs incisives aiguisées, leur broient l'extrémité des index, jusqu'à ce que l'os apparaisse. Cette scène abominable interrompue par crainte d'un retour des adversaires, les Mohawk rembarquent : dix-neuf Hurons et trois Français sont prisonniers. Jeté, comme un paquet, au fond d'une pirogue, le P. Jogue médite et prie : l'heure du martyre est-elle proche?

Ce que va être l'existence de ces malheureux, durant des jours et des jours, peut à peine se dire. Chaque fois que les Mohawks traversent un village de leur nation, ils le régalent du plus beau spectacle qui soit : la torture des missionnaires. Rangés sur deux files, ils font passer leurs victimes entre eux, en les frappant chacun à leur tour de verges souples. Puis on les hisse sur une sorte d'estrade à pilori; on les suspend par les bras à des potences. Si l'un d'eux - tel Isaac Jogues  s'évanouit, on le ranime en lui brûlant les cuisses avec des tisons ou en lui grillant un doigt. Quand les plaies semblent se refermer, on les met à vif en les grattant avec les ongles.

Au milieu de ces tortures abominables, le courage des chrétiens -Blancs ou Peaux-Rouges - est surhumain. Le P. Jogues supporte tout sans desserrer les lèvres. Une seule fois il cède à une faiblesse, quand on l'oblige à assister au supplice de son ami indien le chef Eustache, et quel supplice: par la plaie des deux pouces amputés, on lui enfonce lentement une baguette pointue jusqu'à ce qu'elle ressorte au coude! On se demande comment ces martyrs purent survivre à de tels traitements, comment aussi leur courage put se maintenir intact. Aucun ne fléchit. Un jour que les trois Blancs se trouvaient à la traîne du convoi, mal gardés: Fuyez avec Couture! dit le Père à Goupil, moi, je resterai. Non, votre destin sera le mien, répondit le jeune homme. Et si nous survivons, je fais voeu d'entrer moi-même dans la Compagnie de Jésus.


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Message  Monique Ven 19 Aoû 2016 - 18:51

Quatre fois,, cinq fois, six fois, la sinistre parade de la torture recommença. Avec des variantes affreuses, selon l'imagination féroce des bourreaux. Après un quart d'heure de suspension par les aisselles, un jour le Père crut mourir, et on entendit  murmurer, dans sa détresse, les mots de Jésus en croix: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné »?

Une autre fois, pour s'amuser, les Mohawks contraignirent une prisonnière algonquine, chrétienne, à couper un doigt au religieux : épouvantée, elle s'y reprit à deux fois; quand le morceau de sa propre chair tomba à terre, le Père le ramassa et le lança au loin, pour qu'on ne lui fît pas manger. Le mois d'avril se passa en ces affres. Enfin on annonça aux prisonniers qu'ils seraient brûlés vifs la nuit suivante; ils considérèrent cet arrêt comme une délivrance.

En fait, l'exécution n'eut pas lieu. Chez les Iroquois, i y avait un parti - le clan des « loups » - qui, contre le clan des « ours », préconisait la paix avec les Blancs, à cause des avantages du commerce. Brûler trois d'entre eux, ne serait-ce point s'attirer des représailles? Le bruit courait que le gouverneur français préparait une expédition. Jogues et ses compagnons furent laissés en vie, mais donnés comme esclaves à des chefs mohawks. Seuls les trois principaux Hurons chrétiens capturés, Eustache, Etienne et Paul moururent sur le bûcher - héroïquement.

Et ce fut, des mois et des mois, une captivité lugubre, où chaque jour renouvelait pour les Français humiliation et tourments. Exténués, débilités par la faim, malades, ces esclaves blancs étaient vraiment de piètres serviteurs. On s'en fût débarrassé si l'on n'avait appris, dans les cases iroquoises, que les Blancs des postes et des villes étaient maintenant au courant. De commerçants hollandais avaient averti les autorités, et, de la Nouvelle Amsterdam - la future New York - un commissaire était venu s'enquérir sur place. En même temps, un coup de main des Iroquois contre le nouveau poste des Français, Fort-Richelieu, avait échoué, non sans lourdes pertes. Un Hollandais put s'entretenir avec les esclaves et, bouleversé, offrit six cents florins pour leur rançon.

Tout cela accroissait la fureur des « Ours ». Un jour quelques-uns de ces fanatiques se ruèrent sur le malheureux Goupil, qu'on avait vu apprenant le signe de la croix à un enfant peau-rouge. Sous les yeux du Père, il fut massacré à coup de tomahawks. Isaac Jogues crut son heure suprême: non; Dieu avait encore besoin de lui. On se borna à le livrer au pire ennemi des chrétiens, le chef qui lui avait fait couper un doigt. Mais, même dans cette situation terrible, le calme, la sérénité du Père en imposèrent aux sauvages. La soeur du Chef, fort respectée dans la tribu, le prit sous sa protection et l'appela « mon neveu ». Le risque de mort était moins immédiat: restaient l'humiliation, les travaux harassants, la solitude totale. Le Christ lui demeurait qui, à plusieurs reprises, distinctement lui prodigua des mots de consolation.


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Message  Monique Dim 21 Aoû 2016 - 17:51

L'hiver commença puis s'écoula, sans lueur d'espérance. Peu à peu les plus féroces sauvages s'accoutumaient à voir l'esclave blanc parmi eux. On l'écoutait parler de tout ce qu'il savait, la lune, les étoiles, les saisons, les mystères du monde. Il en vint à pouvoir aller de case en case, librement, ce qui lui permit de  baptiser des enfants, des malades, puis même quelques adultes. Un de ses anciens bourreaux, qui lui avaient arraché deux ongles, touché par la façon dont il l'avait soigné durant une maladie, s'était fait son protecteur.

Mieux: il put faire parvenir aux autres missionnaires, qui le croyaient mort, de ses nouvelles et, au Gouverneur, une lettre pressante, lui expliquant comment une expédition pourrait être entreprise, les moyens à employer, les périls à éviter; lui, il ne songeait qu'à demeurer, esclave parmi ses bourreaux, pour leur parler du Christ autant qu'il le pouvait, et pour aider les autres prisonniers hurons, dont beaucoup étaient chrétiens. Cette vie étrange et sublime dura un an.

Le 31 juillet 1643, un an jour pour jour après son départ de Trois-Rivières, la Providence offrait au missionnaire une chance nouvelle. Venus pour quelque négoce à un poste Hollandais des bords de l'Hudson, les Mohawks avaient imaginé d'emmener avec eux leur esclave, pour bien manifester aux Blancs leur puissance. Un pasteur protestant qui se trouvait là, se montra fraternel, demanda à le loger chez lui et lui proposa de le faire fuir. Isaac Jogues refusa. Il venait d'apprendre que des Hurons captifs allaient être brûlés vifs et décida de retourner pour leur porter les suprêmes secours. A ce moment, un grand tumulte se fit parmi les sauvages qui l'entouraient : la haine déferla contre lui. Les Français venaient, à deux endroits de briser une expédition iroquoise : on savait que c'était le résultat de la lettre que l'esclave blanc avait écrite.  On ne pouvait rien contre lui tant qu'il était chez les Hollandais, aussitôt repartis, les Mohawks sauraient bien tirer vengeance...

Que faire? Des nuits et des nuits Isaac réfléchit et pria. II avait trente·sept ans : bien des années encore peut-être à vivre, à travailler pour Dieu. Fallait-il courir  délibérément à une mort certaine? Son évasion ne pourrait pas nuire à  beaucoup : parmi les captifs, maints étaient morts et quelques-uns avaient pu s'enfuir. II lui parut que Dieu voulait qu'il s'enfuit...

Au milieu de l'Hudson, très large en en cet endroit, un bateau était prêt à appareiller pour l'Europe. Le capitaine, prévenu, avait donné sa parole de marin qu'il ramènerait le Français en France. Il suffisait d'une barque, la nuit... En fait, cela ne fut pas si simple. Une première tentative d'évasion échoua, par la faute des chiens qui aboyèrent. Une autre faillit manquer aussi, la barque étant envasée et les forces défaillantes du Père ne suffisant plus à la remettre à flot. Enfin il fut à bord. Sauvé! Non, car les Iroquois furieux, se ruent sur les Hollandais, menaçant des pires représailles. Le bateau n'a pu encore lever l'ancre: Le P. Jogues apprend ce qui se passe. Il ne sera pas dit que ceux qui ont voulu l'aider pâtiront par sa faute: il redescend à terre, d'ailleurs malade, une jambe menacée de gangrène, épuisé, mais toujours intrépide jusqu'à la mort.



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Message  Monique Lun 22 Aoû 2016 - 18:17

Cette mort, maintenant est Sûre. Comment les Hollandais pourraient-ils refuser de le livrer ? En ce moment décisif, une fois de plus la  Providence se réserve le Saint. Tandis que clan des Ours et clan des Loups se disputent derechef sur l'opportunité de brûler vif l'esclave fugitif, l'ordre arrive des Pays-Bas de sauver le missionnaire : la reine de France, Anne d'Autriche, mise au courant de l'aventure de ce héros, a négocié avec la Hollande sa libération.

Septembre. L'île de Manhattan et le port de Nouvelle-Amsterdam, sur le quai la foule badaude accourue pour voir le Jésuite: Jogues ne se serait jamais cru si célèbre !

Novembre. L'Atlantique sur un méchant rafiot, infesté de vermine, tenant mal la mer, et dont l'équipage, protestant, déteste en lui le prêtre. En rade de Falmouth, tandis que le Père, seul, resté à bord, le navire est attaqué par des bandits qui manquent de le tuer d'un coup de pistolet. Et c'est enfin la France.

Le soir de Noël 1643, le recteur de Saint-Pol-de-Léon, en Bretagne, s’apprêtait  à célébrer les trois messes nocturnes, quand un loqueteux vin s'agenouiller devant lui, le priant de l'entendre en confession, afin qu'il pût communier tout à l'heure. Quand le pénitent évoqua sa vie, puis se nomma, la stupeur du prêtre fut immense. La France entière savait, en gros, que des missionnaires avaient été martyrisés au Canada. Un riche marchand emmena le P. Jogues à Rennes, où il s'en vint frapper à la porte d'un collège jésuite, sans se faire reconnaitre, par humilité. « Vous arrivez de Nouvelle-France ? demande le Supérieur. Connaissez-vous les Pères qui s'y trouvent ? - Très bien, mon Père. - Le Père de Brébeuf ? En bonne santé. - Et le P. Jogues ? Nous savons qu'il a été torturé, retenu prisonnier. Est-il en vie ? - Oui mon mon Père, dit Isaac en se baissant doucement : c'est moi...»

Du coup, c'est la gloire. Les journaux du temps racontent ses aventures, ses souffrances, son héroïsme. Caché au collège de Clermont - l'actuel lycée Louis-le-Grand, à Paris, - le P- Jogues a toutes les difficultés possibles à échapper à la curiosité. Anne d'Autriche le reçoit, entourée de ses deux fils Louis XIV et Philippe, et de toute une cour de princes et princesses. Le cardinal Mazarin veut aussi le voir, s'enquérir auprès de lui de la situation en Nouvelle-France.

L'opinion unanime, la reine la résume : « On fait tous les jours des romans qui ne sont que des mensonges; en voici un qui est une réalité et où le merveilleux se mêle à l'héroïsme. » Et comme on demande au Pape une permission spéciale pour que le P. Jogues puisse dire la messe à sa façon, sans faire tous les gestes liturgiques, ce que ses mains mutilées ne lui permettaient plus, Urbain VII s'écrie: « Il serait bien injuste de refuser à un martyr du Christ de boire le sang du Christ » !



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Message  Monique Mar 23 Aoû 2016 - 20:00

Cependant, au milieu de toute cette gloire, le P. Jogues se sentait inquiet. Sans cesse, il pensait au Canada, à ses hurons chrétiens, à ses amis que sa fuite devait décourager. Il alla revoir ses supérieurs et les supplia de le laisser repartir. A la fin d'avril 1644, il s'embarquait à La Rochelle: son vrai destin n'était pas de terminer en France une vie sans risque. Aventurier du Christ, il avait à reprendre la lutte: il la reprit.

La situation au Canada était toujours pénible. La guerre continuait avec ses massacres. Hurons et Algonquins tombaient sous les coups des Iroquois. Un Père Jésuite italien venait d'être mis à la torture. Isaac Jogues demanda le poste le plus difficile, le plus périlleux, en bordure même des territoires des Mohawks et aussitôt commença à essayer d'établir de relations avec eux. Il connaissait maints d'entre eux et savait ce qu'il fallait dire au clan des Loups pour l'amener à la paix.

Une conférence s'ouvrit, où Iroquois et Blancs s’entretinrent,  tandis que, dans des centaines de pirogues, se pressaient des hommes des trois peuples, tous également peinturlurés de blanc, couleur de paix. Les palabres durèrent des mois; des envois d'ambassadeurs d'un peuple  à l'autre, des remises d'otages furent décidés. La hache de guerre fut enterrée. Tout  semblait apaisé et la grande aventure paraissait close.

Mais le  P. Jogues. Puisqu'on envoyait des ambassadeurs chez les Iroquois, il serait l'un d'eux; il irait chez les plus féroces, chez ses anciens tortionnaires Mohawks. En attendant que ses Supérieurs lui en donnassent l'ordre, il fit une sévère retraite, comme s'il avait su que le martyre était pour lui bien proche. Au printemps, il partit plein d'une joie surnaturelle. « Une mission parmi les Iroquois, écrivait-il, cela me parait être un rêve... »

Ce fut, après le long et pénible voyage, l'arrivée chez les Mohawks, étonnés, comme frappés de stupeur par le courage du Visage Pâle. La vieille femme qui l'avait protégé accueillit son neveu avec tendresse. Il semblait que tout devait être désormais assez facile et que les missionnaires pussent semer à pleines mains le grain de l'Evangile. Après plusieurs mois de tranquillité,  de conversations amicales avec le P. Jogues revint rendre compte de sa mission. La paix rétablie, l'apostat devenu possible... Hélas!



A suivre...
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Message  Monique Jeu 25 Aoû 2016 - 22:56

Fin de septembre 1646, à Trois-Rivières. Un lourd brouillard noie le paysage du fleuve. A la résidence des Pères jésuites, Isaac Jogues a dit la messe. Les bagages sont amarrés sur les pirogues. Il repart vers le pays mohawk. A peine un jour passé, il semble au missionnaire qu'une menace indéfinissable pèse; les Iroquois d'escorte disparaissent sans rien dire. Le lendemain les Ambassadeurs hurons, après de mystérieux conciliabules, s'éloignent, retournant chez eux.

Le Jésuite et son compagnon français, Jean de la Lande, continuent, escortés d'un seul Peau-Ronge fidèle. Ils sortent du fleuve, entrent dans le lac Champlain, contournent les rapides, débarquent. Soudain une file de Peaux-Rouges; le Père les appelle, les salue. Ne le reconnaissent-ils pas? Il est Ondessonk; leur ami. Mais, au premier coup d'oeil, il a compris : les Mohawks sont de nouveau barbouillés de rouge et sont armés jusqu’aux dents.  Avant qu'il ait pu faire un geste. les sauvages se ruent sur lui et ses amis, les jettent à terre : la hache de guerre a été déterrée.

C'est de nouveau la captivité, la fatigue, les coups. On n'ose pas torturer le Père, mais cela viendra. Que s'est-il donc passé? Une sécheresse et une épidémie s'étant produites, le clan des violents, des « Ours » a crié que ce sont les Blancs qui, par leurs maléfices, en sont responsables, qu'on doit les sacrifier tous, qu'il faut reprendre la guerre. Les hommes du clan des « Loups », ne savent trop que répondre. Les palabres commencent, s'éternisent. Faut-il risquer d'indisposer les Puissances redoutables ou irriter les Blancs ? Les « Loups »  proposent de garder les Français en otages. Les « Ours » veulent, les immoler sur-le-champ. Et Jogues, qui ne perd rien de ces discussions, se prépare à la mort.

Un soir, un « Ours »  vient l'inviter à souper dans sa case, Refuser ? Il n'y songe pas un instant. Ses amis essaient de le retenir et sa « vieille tante », quand il part, l'accompagne. Il suit l'homme en silence. La brume tombe et il fait triste et froid. A l'entrée de la case, le Mohawk fait signe au missionnaire d'entrer. A peine soulevée la peau qui sert de porte, Isaac Jogues voit, dans l'ombre, un homme qui brandit un tomahawk. Le bras levé s'abaisse : le missionnaire est frappé à la nuque. Un second coup lui brise le crâne. Une minute après, son cadavre, traîné dehors, était décapité, et sa tête scalpée, fichée au sommet d'un pieu, était brandie comme un trophée par une horde en délire. Saint Isaac Jogues avait eu la fin qu'il avait souhaitée : pour le Christ, il avait versé son sang.


Fin


A suivre... « UN GRAND HOMME »  LA MÈRE JAVOUHEY
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Message  Monique Ven 26 Aoû 2016 - 20:47

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« UN GRAND HOMME »
LA MÈRE JAVOUHEY



En route pour Paris où il allait sacrer empereur Napoléon Bonaparte - c'était en l'année 1804 - le pape Pie VII fit halte à Chalon afin de célébrer Pâques dans cette ville. La Bourgogne entière y était accourue pour acclamer le Souverain Pontife, dont le bon sourire et le regard de lumière touchaient tout les coeurs. Quatre jeunes paysannes, quatre soeurs ainsi venues de leur village de Chamblanc, au sud-est de Dijon, par la route qui suit la Saône, pour s'agenouiller devant  le Saint-Père; mais elles, elles n'avaient d'autres raisons pour faire ce déplacement que la curiosité, fût-elle pieuse. Elles assistèrent à la messe du Pape, communièrent de sa main  puis attendirent, un grand espoir au coeur. N'avaient-elles pas eu l'audace de demander une audience privée ? Celui qu'elles avaient chargé de servir d'intermédiaire serait-assez persuasif et éloquent ? Miracle! Prévenu de leurs oeuvres et de leurs projets, l'illustre voyageur accepta de les recevoir. il les interrogea, les encouragea, les bénit avec cette bonté qui lui était coutumière, et dont il ne se départait pas plus dans les petits détails de la vie qu dans les grands remous de l 'histoire. Puis les quatre jeune filles reprirent la route des bords de Saône, bien sûres, cette fois, que leur oeuvre était voulue par Dieu.

C'étaient les quatre filles de Maître Balthazar Javouhey, solide paysan bourguignon, bien établi sur d'excellentes terres, bon chrétien, mais aussi bon vivant, comme on l'est volontiers en sa province. L'aînée, qui avait emmené à Chalon le petit troupeau, était une saine fille au teint frais, gaie comme une fauvette, intelligente et courageuse, qui en imposait à chacun; à son baptême elle avait reçu les prénoms d'Anne-Marie, mais toute la contrée l'appelait Nanette et la connaissait bien. Pierrette, la placide et mesurée Pierrette  l'humble Marie-Françoise que tout semblait effarer et la dernière, Claudine, vive, mutine, alerte, ne juraient que par leur grande soeur et n'obéissaient guère qu'à elle. Il n'y avait aventure qu'elles n'eussent accepté de courir pour peu que Nanette le leur ordonnât, et, de fait, c'était bien dans une aventure qu'elle était en train de les jeter.

Une fille de feu, cette Nanette! et qui, au service de Dieu, ne songeait point à mettre des timidités d'oiselle ou des bigoteries de de vieille fille! Durant les années noires de la Révolution, alors que, née en 1779, elle n'était encore qu'une petite fille, elle n'avait pas eu sa pareille pour cacher les prêtres traqués et les aider à échapper au « Sans-culottes », On l'avait vue, guidant quelque vieux curé au passage de la Saône, ou organisant elle-même des messes clandestines pour des fidèles courageux. Les révolutionnaires soupçonnaient bien que, si leur gibier leur échappait, la faute en était à la futée gamine, mais comment une enfant de treize ans? Et Nanette, librement, avait continué ses exploits.

Un jour qu'une horde avait envahi le château de Chamblanc et y avait mi, le feu, une petite silhouette était apparue, avait couru jusqu'à la chapelle en flammes et en était ressortie, serrant sur sa poitrine les vases sacrés et l'Ostensoir: encore un coup de la petite Javouhey!

Avec un tel caractère, il était logique qu'Anne-Marie choisit un destin hors série. Peut-être pas, évidemment, celui qu'eût souhaité son brave homme de père! Lui présentait-on un honnête garçon dans l'espoir qu'elle en ferait son mari et avec lui irait gérer quelques-unes des fermes paternelles, elle parlait si bien  à son soupirant d'amour de Dieu et de vocation religieuse qu'au lieu de se marier, il entrait à la Trappe! Quant à elle, il y avait beau temps qu'elle était résolue! Au seuil de l'enfance, dans, un de ces moments , de profonde prière comme elle en passait tant et tant à l’église, il lui avait  semblé entendre une voix intérieure lui dire : « Tu m'appartiendra, tu me sera consacrée, tu serviras les pauvres et élèveras les orphelins. »


A suivre...


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Message  Monique Ven 26 Aoû 2016 - 20:51

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« UN GRAND HOMME »
LA MÈRE JAVOUHEY



En route pour Paris où il allait sacrer empereur Napoléon Bonaparte - c'était en l'année 1804 - le pape Pie VII fit halte à Chalon afin de célébrer Pâques dans cette ville. La Bourgogne entière y était accourue pour acclamer le Souverain Pontife, dont le bon sourire et le regard de lumière touchaient tout les coeurs. Quatre jeunes paysannes, quatre soeurs ainsi venues de leur village de Chamblanc, au sud-est de Dijon, par la route qui suit la Saône, pour s'agenouiller devant  le Saint-Père; mais elles, elles n'avaient d'autres raisons pour faire ce déplacement que la curiosité, fût-elle pieuse. Elles assistèrent à la messe du Pape, communièrent de sa main  puis attendirent, un grand espoir au coeur. N'avaient-elles pas eu l'audace de demander une audience privée ? Celui qu'elles avaient chargé de servir d'intermédiaire serait-assez persuasif et éloquent ? Miracle! Prévenu de leurs oeuvres et de leurs projets, l'illustre voyageur accepta de les recevoir. il les interrogea, les encouragea, les bénit avec cette bonté qui lui était coutumière, et dont il ne se départait pas plus dans les petits détails de la vie qu dans les grands remous de l'histoire. Puis les quatre jeune filles reprirent la route des bords de Saône, bien sûres, cette fois, que leur oeuvre était voulue par Dieu.

C'étaient les quatre filles de Maître Balthazar Javouhey, solide paysan bourguignon, bien établi sur d'excellentes terres, bon chrétien, mais aussi bon vivant, comme on l'est volontiers en sa province. L'aînée, qui avait emmené à Chalon le petit troupeau, était une saine fille au teint frais, gaie comme une fauvette, intelligente et courageuse, qui en imposait à chacun; à son baptême elle avait reçu les prénoms d'Anne-Marie, mais toute la contrée l'appelait Nanette et la connaissait bien. Pierrette, la placide et mesurée Pierrette  l'humble Marie-Françoise que tout semblait effarer et la dernière, Claudine, vive, mutine, alerte, ne juraient que par leur grande soeur et n'obéissaient guère qu'à elle. Il n'y avait aventure qu'elles n'eussent accepté de courir pour peu que Nanette le leur ordonnât, et, de fait, c'était bien dans une aventure qu'elle était en train de les jeter.

Une fille de feu, cette Nanette! et qui, au service de Dieu, ne songeait point à mettre des timidités d'oiselle ou des bigoteries de de vieille fille! Durant les années noires de la Révolution, alors que, née en 1779, elle n'était encore qu'une petite fille, elle n'avait pas eu sa pareille pour cacher les prêtres traqués et les aider à échapper au « Sans-culottes », On l'avait vue, guidant quelque vieux curé au passage de la Saône, ou organisant elle-même des messes clandestines pour des fidèles courageux. Les révolutionnaires soupçonnaient bien que, si leur gibier leur échappait, la faute en était à la futée gamine, mais comment une enfant de treize ans? Et Nanette, librement, avait continué ses exploits.

Un jour qu'une horde avait envahi le château de Chamblanc et y avait mi, le feu, une petite silhouette était apparue, avait couru jusqu'à la chapelle en flammes et en était ressortie, serrant sur sa poitrine les vases sacrés et l'Ostensoir: encore un coup de la petite Javouhey!

Avec un tel caractère, il était logique qu'Anne-Marie choisit un destin hors série. Peut-être pas, évidemment, celui qu'eût souhaité son brave homme de père! Lui présentait-on un honnête garçon dans l'espoir qu'elle en ferait son mari et avec lui irait gérer quelques-unes des fermes paternelles, elle parlait si bien  à son soupirant d'amour de Dieu et de vocation religieuse qu'au lieu de se marier, il entrait à la Trappe! Quant à elle, il y avait beau temps qu'elle était résolue! Au seuil de l'enfance, dans, un de ces moments , de profonde prière comme elle en passait tant et tant à l’église, il lui avait  semblé entendre une voix intérieure lui dire : « Tu m'appartiendra, tu me sera consacrée, tu serviras les pauvres et élèveras les orphelins. »


A suivre...


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Message  Monique Lun 29 Aoû 2016 - 4:11

Elle avait dix·neuf ans, quand, avec ses trois, sœurs, elle décida de se donner tout entière à la tâche de faire le catéchisme aux enfants du village et d'aider les miséreux. De vrais vœux ! solennellement prononcés dans une chambre de ferme improvisée chapelle. Religieuse ! ce n'était point du goût de Maître Balthasar. Aucun de ses deux fils ne valait Nanette, et puis elle était très capable de leur tourner à eux aussi la tête et d'en faire des curés (ce qui, par parenthèses, devait, en effet, arriver... ). Mais à tous les arguments, à toutes les pressions, Nanette résistait avec une gentillesse calme et désarmante. Religieuse elle voulait être, religieuse elle serait.

A la vérité, il ne lui fut pas très commode de trouver exactement la voie qui  la mènerait vers Dieu. ll1ui fallut pas mal d'années de tâtonnement  avant de pouvoir se formuler  à soi-même la tâche qui lui était proposée, le rôle où elle pourrait occuper une place encore vide. Tantôt on la vit avec ses trois sœurs installées seules dans une maison villageoise de la contrée pour y continuer son oeuvre de catéchisme et charité. tantôt, elle fut sollicitée par le désir d'être trappistine, c'est-à-dire religieuse cloîtrée, ce qui était, pour une telle lame de feu, une assez étonnante idée!

Tantôt près de Dôle, ou à Souvans dans le Jura, elle essaya encore de créer de petites communautés paysannes, au milieu de difficultés d'argent inextricables. La vocation qui la portait était si puissamment originale qu'il ne faut pas s'étonner qu'elle ait mis si longtemps à sortir de sa chrysalide; mais une fois ses ailes dépliées, le papillon volerait loin.

Des entretiens avec un saint prêtre, les conseils éclairés d'un grand moine, Dom de Lestrange, Abbé de la Trappe de la Val-Sainte en suisse, des méditations profondes où souvent la lumière du Christ illuminait son âme, tout pourtant la persuadait que, malgré les crochets de la route et les cahots, elle marchait vers son véritable but.



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Message  Monique Lun 29 Aoû 2016 - 23:19

Le curé de Chamblanc, revenu dans sa paroisse après la tourmente révolutionnaire, s’était émerveillé du bien qu’y avaient fait les quatre jeunes filles des Javouhey; Anne-Marie lui parut tout de suite un être d’exception, promis aux grandes choses, mais il se trompa en conseillant à son père de la mettre dans une congrégation déjà existante. Au couvent des Soeurs de la Charité, à Besançon, tandis qu’elle méditait profondément et suppliait Dieu de l’éclairer sur la route qu’elle devait suivre, elle eut une vision : de même saint François Xavier, au moment de choisir son destin définitif, s’était vu lui-même portant sur le dos un esclave éthiopien... Ce qu’aperçut Anne-Marie la combla de stupeur; une foule d’hommes à peau noire se tenaient devant elle et tous lui tendaient les bras.

Or, les études des filles campagnardes en ce temps n’étant pas très soignées, elle ignorait qu’il existât des nègres! Mais avant qu’elle fût remise de sa stupeur, une voix lui disait, fermement : « Ce sont les enfants que Dieu te donne. Je suis sainte Thérèse, et je serai la protectrice de ton ordre... » La vocation missionnaire d’Anne-Marie Javouhey était née.

Après les années d’hésitations et de tâtonnements, brusquement tout marcha bien et parut simple. L’évêque de Chalon, Mgr de Fontanges, à qui Anne-Marie expliqua ses grands desseins, les comprit, les approuva et donna aux quatre soeurs l’aile d’un ancien couvent de Bénédictins. Il n’était encore question que de travailler à l’éducation chrétienne des petites filles; entre-temps, Anne-Marie avait décidé son frère Pierre à recruter des volontaires qui éduqueraient les garçons. En 1807, trois ans après ce jour où le pape Pie VII les avait bénies, les quatre paysannes fondaient l’Association religieuse Saint-Joseph, et le 12 mai, en l’église Saint-Pierre, prononçaient leurs voeux définitifs et prenaient l’habit de la nouvelle congrégation. La robe bleue couleur de mai, couleur aussi des vendangeuses de Bourgogne, la grande coiffe retombant sur les épaules et le large plastron blanc commençaient leur carrière, et bientôt, la jeune communauté s’étant transportée à Cluny, où un meilleur local avait été trouvé, le nom sous lequel on désigna les nouvelles religieuses devint populaire, les Soeurs de Saint-Joseph de Cluny.

Enseigner des enfants en France, en faire de bons chrétiens, c’était bien, aux yeux de la Mère Javouhey, un des buts qu’elle visait; mais ce n’était pas le seul. Cluny, maison mère et noviciat de la Congrégation, école florissante pour les classes moyennes; Paris où, dans le quartier du Marais, les Soeurs de Saint-Joseph ouvraient une école où l’on essayait de nouvelles méthodes de pédagogie; ce n’étaient là que des étapes. Le but définitif que se proposait la ferme fondatrice était d’aller enseigner aussi le christianisme aux enfants de couleur et de créer des hôpitaux où les nègres seraient soignés. Educatrice, hospitalière et missionnaire, telle elle voyait sa congrégation. En somme, le Christ et son message porté au monde de toutes les façons...



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