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Le Pape Alexandre VI par J. CHANTREL

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Message  Diane Ven 19 Nov 2010 - 16:58

On en a fait un plus hideux. A l'occasion du mariage de Lucrèce Borgia avec le duc de Ferrare, Alexandre VI fit célébrer des fêtes magnifiques. « C'est à l'époque de ce mariage, dit M. La Rochelle 1, que, le jour de la Toussaint, eut lieu dans le sacré palais le fameux banquet des- cinquante courtisanes, après lequel Alexandre, César et Lucrèce se donnèrent le plaisir d'assister à une scène monstrueuse qui rappelle les abominations de Caprée.» Ce dernier mot, venu sous la plume de l'historien, n'eût-il pas dû être pour lui un trait de lumière? En effet, tout ce qu'on raconte d'Alexandre VI et de sa famille rappelle trait pour trait les plus monstrueuses infamies des Tibère, des Caligula et des Néron ;

est-il croyable, est-il vraisemblable que la chrétienté ait supporté de pareilles choses dans un Pape, que ce Pape ait pu rester en bons rapports avec la plupart des princes de l'Europe, qu'il ait été pris pour arbitre entre les couronnes d'Espagne et de Portugal à l'occasion des grandes découvertes géographiques faites à cette époque; qu'il ait pu régner paisiblement à Rome, entouré comme il l'était de cardinaux peu favorables à son autorité, si la centième partie des crimes et des hontes dont on l'accuse eût été vraie? Mais, à la fin du quinzième siècle et au commencement du seizième, la renaissance païenne était complète ; les écrits de Luther et des autres réformés, qui tinrent peu après, montrent jusqu'où allait la licence du langage et le dévergondage de l'imagination.

Engoués de la littérature païenne, de la philosophie païenne, des poètes, te écrivains qui avaient été baptisés, ne reculaient devant aucune expression, devant aucune imagination ; nourris et saturés de paganisme, connaissant mieux que l'Évangile les turpitudes des empereurs et les obscénités des auteurs les plus corrompus de la Grèce et de Rome, les érudits de ce temps ne voyaient plus que les abominations de Caprée et la littérature pourrie des anciens. Ceux d'entre eux qui étaient les ennemis ou aux gages des ennemis d'Alexandre VI, n'avaient donc qu'à transporter sur ce Pontife les immondices dont ils se nourrissaient tous les jours ; leur imagination n'avait pas de grands frais à faire, ils n'avaient qu'à se servir de leur mémoire. Alexandre VI était magnifique ; il aimait à donner des fêtes splendides dans les circonstances solennelles ;

on insinua que ces fêtes n'étaient que la répétition de celles de Néron et de Tibère ; — Lucrèce Borgia était belle, on la fit impudique, et tout ce que la malignité publique put imaginer alors, toutes les épigrammes, toutes les suppositions acquirent force de vérité historique, parce que la Papauté avait partout des ennemi?, parce que le protestantisme vint aussitôt pour se servir de ces armes qui lui convenaient si bien, parce que, enfin, la crédulité humaine est telle, que, toute de glace à la vérité, elle est de feu pour les mensonges, surtout pour les mensonges qui s'attaquent aux choses les plus saintes et les plus respectables.

Quand on songe à tout ce qui se dit de nos jours en Angleterre, en France et surtout en Italie contre l'un des plus saints et des plus vénérables Pontifes qui se soient jamais assis sur la chaire de saint Pierre ; quand on est condamné à lire les pages ordurières lancées à la face de Pie IX et de ses ministres par un Bianchi-Giovini et par ses pareils, on comprend les audaces de la calomnie, et malheureusement aussi sa puissance, que Voltaire, le maître de tous les calomniateurs, connaissait si bien, lorsqu'il disait : Mentez ! mentez! il en reste toujours quelque chose.



À suivre...


1 Les Droits du Saint-Siège Alexandre VI et Borgia.


PAR J. CHANTREL
TROISIÈME ÉDITION
TOME QUATRIÈME
PARIS C. DILLET, LIBRAIRE-ÉDITEUR
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1866.. pages 153, 154, 155
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Message  Diane Sam 20 Nov 2010 - 17:44

Quel était donc la vie de tous les jours de ce Pontife qu'on représente comme possédé du démon de la volupté et de l'infamie ? A quoi passait son temps ce vieillard qui paraît si occupé à rechercher les plus hideux raffinements du vice? Voici ce qui est constaté et avoué par les historiens mêmes qui font d'Alexandre VI ces affreuses peintures :

Alexandre VI avait soixante-et-un ans : ce n'est plus, dit l'abbé Rohrbacher, l'âge des folies scandaleuses; pour y croire, il faut d'autres garanties que des contes et des satires. Les habitudes de sobriété et de travail qu'il s'imposa malgré son grand âge, protestent contre la réputation de mollesse qu'on a voulu lui faire ;

les mesures énergiques qu'il prit contre les fonctionnaires prévaricateurs témoignent de son esprit de justice. Sous Alexandre VI, dit Audin d'après les auteurs contemporains, le pauvre comme le riche put trouver des juges à Rome ; peuples, soldats, citoyens se montrent attachés au Pontife, même après sa mort, parce qu'il avait des qualités vraiment royales. La nuit, Alexandre dormait à peine deux heures; il passait à table comme une ombre sans s'y arrêter; jamais il ne refusait d'ouïr la prière du pauvre, il payait les dettes du débiteur malheureux, et se montrait sans pitié pour la prévarication 1. »

Ce n'est point là la vie d'un débauché.

On n'a pas craint pourtant d'aller jusqu'aux accusations d'inceste : Alexandre et Lucrèce, le père et la fille, ont été accusés de cet horrible crime. Jean-Jovien Pontanus, secrétaire du roi Ferdinand de Naples, a écrit cet affreux distique :

Ergo te semper cupiet, Lucretia, Sextus;
0 fatum diri numinis, hic pater est !

Et l'on attribue au poète Sannazar, autre Napolitain, cette épitaphe de Lucrèce :

Hoc jacet in tumulo Lucretia nomine,
sed re Thaïs; Alexandri filia, sponsa, nurus.

On nous permettra de ne pas traduire ces infamies. Nous en savons déjà assez pour les juger. L'historien protestant de Léon X, Roscoé, dit à ce propos : « La licence du siècle où Lucrèce vécut donne aux accusations de ce genre une probabilité qu'elles n'auraient pas dans d'autres temps; mais on remarquait surtout le mensonge et la calomnie parmi les vices qui régnaient alors. » Montrer, comme l'a fait Roscoé, que Lucrèce Borgia ne fut pas telle que la dépeignent quelques poëtes satiriques, serviteurs des princes ennemis des Borgia, et quelques historiens qui se contentent d'ailleurs de rapporter des on dit, ce sera compléter la défense d'Alexandre VI sur ce point.


À suivre..

1. Audin, Histoire de Léon X.

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Message  Diane Dim 21 Nov 2010 - 19:12

Si l'on en croit les ennemis des Borgia, Lucrèce fut aussi monstrueusement débauchée que l'ancienne Lucrèce romaine fut vertueuse. Elle épousa d'abord un gentilhomme espagnol. Roderic Borgia, devenu pape, cassa ce mariage, et Lucrèce épousa Jean Sforza, seigneur de Pesaro, et petit-neveu du François Sforza, qui était devenu duc de Milan. Ce mariage fut encore annulé au bout de quatre ans, et Lucrèce épousa, en troisième noces, Alphonse d'Aragon, duc de Bisaglia, et fils naturel d'Alphonse II, roi de Naples ;

elle en eut un fils pour qui Alexandre VI témoigna une tendresse que ses ennemis eurent soin de tourner contre Lucrèce et contre lui. César Borgia ayant fait assassiner le duc Alphonse, Lucrèce épousa enfin Alphonse d'Esté, fils d'Hercule, duc de Ferrare. Gibbon va jusqu'à dire, nous ne savons d'après quelle autorité, que « les articles du dernier contrat de mariage furent arrêtés du vivant du précédent époux ; après quoi on poignarda, puis on étrangla le troisième mari dans le palais du Vatican. » Voilà le roman ; écrivons l'histoire.

Lucrèce, avant d'être nubile, avait été fiancée à un gentilhomme espagnol, dit-on ; c'est possible, quoique l'existence de ce gentilhomme, dont on ne donne pas le nom, puisse bien être un mythe ; en tous cas, il n'y avait pas mariage, et la promesse fut rompue plus tard. C'est déjà un mari qu'il faut retrancher. Le 12 juin 1493, Lucrèce épousa Jean Sforza, seigneur de Pesaro, et cette union dura quatre ans, au bout desquels elle fut rompue pour cause de mésintelligence entre les époux ;

le Pape cassa le mariage. Si le fait est vrai, on ne pourrait juger la conduite du Pape qu'en connaissant les causes de la rupture, mais on les ignore complètement, et des historiens disent que le mariage n'exista jamais qu'à l'état de projet. Si ces historiens ont raison, c'est un deuxième mari à retrancher de la liste. En 1498, Lucrèce épousa le duc Alphonse; celui-ci, au mois de juin ou de juillet de l'année 1500, fut assailli, devant le portail de l'église de Saint-Pierre, par une troupe d'assassins qui le blessèrent dangereusement et prirent la fuite, escortés par quarante cavaliers. La douleur que ressentit Lucrèce de la mort de son époux, prouve qu'elle n'était pas complice du crime ; elle le soigna pendant trente-trois jours avec une tendresse qui ne se démentit pas un instant. Alexandre VI n'était pas moins innocent. Les historiens qui accusent César Borgia de complicité, disent que la victime, qui survécut trente-trois jours à ses blessures, avait révélé au Pape le nom du vrai coupable, et qu'Alexandre, craignant lui-même que César ne fît tuer le duc de Bisaglia, avait chargé seize de ses gens de garder Alphonse ;

quand il le visitait, César ne pouvait accompagner le Pape. Ces mêmes historiens ajoutent que, Alphonse ne voulant pas mourir de ses blessures, César, le 10 août, pénétra le matin dans sa chambre, éloigna les deux femmes qui le soignaient, c'est-à-dire Lucrèce et une sœur d'Alphonse, et le fit étrangler sous ses yeux par un de ses affidés 1. Cette dernière assertion est loin d'être prouvée.


À suivre...

1 M. La Rochelle, les Droits du Saint-Siège, pag. 40.

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Message  Diane Lun 22 Nov 2010 - 17:18

Ce n'est que dans le courant de l'année 1501, c'est-à-dire environ un an après la mort d'Alphonse de Bisaglia, que le Pape négocia pour Lucrèce une nouvelle alliance avec Alphonse d'Este, et le mariage fut célébré à Rome, le 19 décembre 1501, avec une magnificence extraordinaire et vraiment royale. Ainsi tombe la calomnie qui prétend que le mariage fut négocié du vivant même du mari précédent. « Une réflexion se présente ici d'elle-même, dit un historien 2. Est-il croyable qu'Hercule de Ferrare et son fils Alphonse, deux princes que leurs vertus et leurs ta lents, soit dans la paix, soit dans la guerre, ont élevés au premier rang parmi les souverains de leur siècle, eus- sent consenti à perpétuer leur race par l'intermédiaire d'une femme corrompue, dont la honte et l'infamie au- raient été publiques et au su de tous ?»

Lucrèce fit son entrée à Ferrare le 2 février 1502. Son arrivée imprima un nouvel élan aux lettres, aux sciences et aux arts. Là se trouvait Pierre Bembo, l'un des plus illustres littérateurs de cette époque, qui devait entrer plus tard dans l'état ecclésiastique et qui devint cardinal en 1539. Il parait que la beauté de Lucrèce fit impression sur le littérateur; une correspondance s'établit entre eux; on a les lettres de Bembo et les réponses de Lucrèce, depuis l'année 1503 jusqu'en 1516; rien dans ces lettres, dit le judicieux Mazzuchelli, n'autorise à croire à des sentiments coupables 1.

Lucrèce eut trois fils de son mariage avec Alphonse ; l'aîné devint duc de Ferrare sous le nom d'Hercule II. La conduite de Lucrèce continua d'être des plus exemplaires à la cour de Ferrare. Lorsque son époux faisait des expéditions au-dehors, il se reposait sur elle de tout le soin des affaires et de l'administration de ses États, et la manière dont elle s'acquittait de ces soins si difficiles du gouvernement justifie complètement la confiance qu'Alexandre VI avait autrefois mise en elle à ce sujet. Sur la fin de ses jours, Lucrèce se livra plus assidûment encore aux exercices de la piété et de la charité chrétienne. Des lettres du pape Léon X attestent que, peu de temps après qu'il fut élevé au souverain Pontificat, la duchesse de Ferrare lui demanda des avis et des consolations, qu'il fut heureux de lui donner, exaltant la régularité de sa conduite.




2 L'abbé Jorry, Histoire du Pape Alexandre VI.
1 Mazzuchelli, Scrittori d' Ilalia, art. LUCRETIA BORGIA.


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Message  Diane Mar 23 Nov 2010 - 16:26

Le témoignage des contemporains favorables à Lucrèce ne manque pas. Les éloges d'Hercule Strozzi, d'Antoine Tebaldeo, poètes ferrarais, et de Pierre Bembo, pourraient être suspects ; il y en a d'autres. L'historien Giraldi appelle Lucrèce une femme accomplie 1 ; Sardi la loue comme la princesse la plus belle et la plus aimable de son temps, et ornée de toutes les vertus 2 ; Libanori lui accorde à la fois la beauté, la vertu, toutes les qualités de l'esprit et un goût exquis ; elle faisait, dit-il, les délices de ses contemporains, elle était pour eux un véritable trésor 3. En revenant aux poètes, nous trouvons Caviceo, qui lui dédie en 1508 son Peregrino, et qui dit d'une autre femme qu'il pense l'avoir suffisamment louée en la comparant à Lucrèce ; — l'Arioste qui, dans son grand poëme, affirme que « Rome doit préfèrer de beaucoup la Lucrèce moderne à l'ancienne, tant sous le rapport de la vertu que sous le rapport de la beauté 4 ; » — Antoine Cornazzano, de Plaisance, qui a dédié à Lucrèce Borgia ses deux poèmes sur la vie de la sainte Vierge et la vie de Jésus-Christ ; —Luc Valentiano, de Tortone, qui a dédié aussi à la divine Lucrèce, comme il l'appelle, ad divinam Lucretiam, un volume de poésies.

Nous terminerons, avec l'abbé Jorry 5 par le témoignage d'un homme dont le caractère irréprochable ne permet pas qu'on le soupçonne de flatterie, d'un homme dont les éloges ne peuvent avoir d'autres motifs que ceux qu'il a lui-même indiqués, les nobles encouragements que Lucrèce accorda toujours aux lettres et aux arts. Nous voulons parler du célèbre imprimeur Alde-Manuce.

« On sait, dit l'abbé Jorry, combien il eut de peine à réaliser ses vastes projets. Il n'épargna pour cela ni dépenses ni fatigues. Le fameux Érasme, qui le seconda de tout son pouvoir, avait une si haute idée de la constance et des talents de Manuce, qu'il dit dans ses adages que, si quelque divinité tutélaire lui avait prêté son assistance, le monde savant aurait été bientôt en possession des œuvres, non-seulement de tous les écrivains grecs et latins, mais aussi des auteurs hébreux et chaldéens, tellement que les littérateurs n'auraient plus rien eu à désirer sous ce rapport. »

Or, Lucrèce Borgia fut jusqu'à un certain point cette divinité tutélaire qu'Érasme demandait pour son ami. Il paraît, par la dédicace que Manuce a faite de son édition des œuvres des deux Strozzi, Tite et Hercule, à la duchesse de Ferrare, qu'elle lui avait proposé de couvrir tous les frais de la grande entreprise qu'il méditait. Si ce que dit Alde-Manuce est véritable, et comment en douter? il fallait que Lucrèce eût une âme noble et généreuse.

« Votre principal désir, ainsi que vous l'avez assuré vous- même, dit-il, est de plaire à Dieu, et d'être utile, non- seulement à vos contemporains, mais aux générations futures, afin qu'en sortant de cette vie vous puissiez laisser des monuments qui attestent que ce ne sera pas en vain que vous aurez vécu. »


à suivre...


1 Giraldi, Commentari delle cose di Ferrara, pag. 181.
2 Sardi, Islorie Ferraresi, lib. X, pag. 198.
3 Mazzuchelli, Scrittori d'Italia, vol. V.
4 la cui bellezza e ouesta, preporre
Dcve a l'antica la sua patria Roma.
(Cant. XLII, sir. 83 )

5 Histoire du pape Alexandre VI, à la fin.

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Message  Diane Jeu 25 Nov 2010 - 18:37

«Ensuite de quoi Manuce loue avec chaleur la piété, la justice, la libéralité, la douceur de cette princesse. Si Lucrèce avait été coupable des crimes dont on l'accuse encore aujourd'hui, la prostitution de son panégyriste n'aurait-elle pas surpassé la sienne ? Mais les écrivains que nous avons cités étaient incapables d'une pareille bassesse, et il doit nous être permis de déclarer que, selon toutes les règles du raisonnement, et d'après la connaissance du cœur humain, il est absolument impossible que l'abominable Lucrèce ait été la même personne que cette duchesse de Ferrare, si respectable, si honorée, si dignement célébrée par tous ses contemporains. »

Cette conclusion est celle du protestant Roscoé ; elle doit être celle de tout lecteur impartial. Nous ajouterons que la justification de Lucrèce fait tomber du même coup la plus grande partie des calomnies lancées contre les mœurs du pape Alexandre VI ; avec les autres preuves que nous avons apportées, il ne reste plus rien de sérieux contre les mœurs privées de ce Pontife.

Nous avons anticipé sur le Pontificat d'Alexandre VI, afin de répondre d'un seul coup aux accusations d'immoralité portées contre ce Pape ; en étudiant l'histoire de son règne, nous verrons s'il est juste de lui imputer les perfidies et les empoisonnements dont ses ennemis ont voulu souiller sa mémoire.

La vie du cardinal Borgia, depuis le Pontificat de Calixte III, fut toujours exemplaire et digne d'éloges ; pour le, blâmer, ses ennemis ont été obligés de l'accuser d'hypocrisie, accusation qui ne s'accorde guère avec le caractère ardent de Roderic Borgia, qui s'accorde encore moins avec la forfanterie de vices dont on le doue pendant son Pontificat, c'est-à-dire pendant la période de sa vie où l'hypocrisie lui eût été plus nécessaire encore. Lorsque Sixte IV résolut de liguer tous les princes chrétiens contre les Turcs, il choisit les cardinaux les plus capables et les plus estimés pour négocier cette grande affaire : le cardinal d'Aquilée fut envoyé en Allemagne, le cardinal Bessarion en France, et le cardinal Borgia en Espagne.

On sait que les légats obtinrent peu de succès, mais nous devons noter que le cardinal Borgia fut partout reçu magnifiquement, surtout par les rois d'Aragon, de Castille et de Portugal. S'il n'obtint pas tout ce qu'il désirait, il contribua du moins à la promulgation d'un règlement fort sage qui bannit du clergé de la péninsule la simonie, l'ignorance et le libertinage.

Le protestant Gordon, qui n'a guère fait que ramasser toutes les calomnies de Tomasi et du Diarium de Burchard, prétend que le pape Innocent VIII n'aimait pas le cardinal Borgia, dont il soupçonnait, dit-il, l'hypocrisie et l'immoralité : ce fut cependant Innocent VIII qui donna à Borgia l'abbaye de Subiaco. Fleury, ou plutôt son continuateur, qui est très-défavorable au pape Alexandre VI, dit de son côté que « la conduite tenue par Borgia avant que d'être Pape, et qu'il tint même au commencement de son pontificat, sa douceur, sa modération, les sages ordonnances qu'il établit pour l'administration de la justice et pour le soulagement des peuples, faisaient concevoir de grandes espérances 1 » et Ferreras, dans son Histoire d'Espagne, ajoute que le cardinal « avait su, par son expérience et par « sa capacité, conduire à une heureuse fin les affaires les plus importantes et les plus délicates qui lui avaient passé par les mains. » Ces témoignages montrent de quelle estime jouissait le cardinal Borgia, lors de la mort d'Innocent VIII, en 1492.


À suivre..

1.Liv cxvii, § 34.

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Élection d'Alexandre VI
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Message  Diane Ven 26 Nov 2010 - 18:26

ÉLECTION D'ALEXANDRE VI.

Alexandre VI monta sur le trône pontifical à une des époques les plus tourmentées de l'histoire. Il régnait partout une fermentation extraordinaire : l'invention de l'imprimerie, les découvertes géographiques, la résurrection des nationalités, la concentration du pouvoir royal, les progrès des Turcs, la renaissance des lettres païennes, la lutte enfin entre les éléments si divers du moyen âge expirant et des temps modernes qui commençaient, exaltaient les esprits, jetaient la confusion dans toutes les affaires, et réagissaient d'une manière funeste sur les mœurs. L'Italie et les États de l'Église ressentaient le contrecoup de cette immense révolution, et la Papauté, déjà si violemment attaquée depuis près de deux siècles, était comme la victime désignée à tous les coups de l'incrédulité et de l'immoralité renaissantes.

L'Espagne venait de recevoir la récompense de sa lutte huit fois séculaire contre les sectateurs de Mahomet. Le Portugal étendait sa puissance le long des côtes d'Afrique et allait conquérir l'Inde ; l'Espagne, ressuscitée par la réunion de l'Aragon et de la Castille sous le sceptre commun de Ferdinand et d'Isabelle, achevait d'expulser les Maures de la péninsule et découvrait un nouveau monde.

Le mariage de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille commença véritablement le royaume d'Espagne, quoique les royaumes d'Aragon et de Castille continuassent d'être gouvernés, le premier au nom de Ferdinand, le second au nom d'Isabelle ; l'accord qui régnait entre les deux époux amenait l'unité de fait.

Les qualités des deux souverains qui sont connus dans l'histoire d'Espagne sous le nom de rois catholiques titre que leur donna le Saint-Siège après la prise de Grenade, se suppléaient admirablement les unes les autres. Tous deux étaient habiles et fermes, mais la froideur de Ferdinand avait besoin d'être excitée par l'enthousiasme d'Isabelle, et sa déloyauté, sa perfidie, d'être corrigées par la droiture de son épouse. Sans Isabelle, Ferdinand eût été un roi habile et respecté, mais plus redouté qu'aimé, et il lui eût été difficile de mener à bout les grandes entreprises qui ont signalé son règne; Isabelle, idole des peuples par sa beauté, par sa bonté, par son génie, soutenait leur enthousiasme et leur donnait la constance nécessaire pour achever les œuvres les plus difficiles.

Tous deux contribuèrent à fortifier la royauté, à ramener l'ordre en Espagne, à expulser les Maures, à découvrir le nouveau monde et à propager la religion ; mais on peut dire qu'Isabelle agissait par foi et par piété, quand Ferdinand n'agissait que par politique; Isabelle avait l'initiative des grandes choses, Ferdinand les achevait sans se préoccuper assez des moyens.



À suivre....

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Message  Diane Sam 27 Nov 2010 - 17:02

L'une des premières entreprises des rois catholiques fut la ruine du royaume de Grenade. Le père et le fils, Muley Haçan et Boabdil (Abou-Abdallab), se disputaient le pouvoir dans ce royaume qui contenait encore trois millions d'habitants, trente-deux villes de premier ordre et quatre-vingt-dix-sept de second ordre. Ferdinand séduit Boabdil, qui reconnaît sa suzeraineté ; il effraie Muley par ses armes. Bientôt le royaume est conquis. Il ne restait plus que Grenade, avec ses quatre cent mille habitants, ses murailles flanquées de mille trente tours, ses richesses et ses magnifiques monuments, comme l'Alhambra, palais et forteresse des rois maures, et le Généralife, leur palais de plaisance. Ferdinand et Isabelle commencèrent le siège. Sous leurs ordres combattait le fameux Gonsalve de Gordoue, surnommé le grand Capitaine, armé chevalier à l'âge de seize ans sur le champ de bataille par le roi Henri IV, et toujours fidèle depuis à la reine Isabelle, pour les droits de qui il avait combattu. Le siège de Grenade fut un siège héroïque; de part et d'autre on se signala par de glorieux exploits.

Mais la discorde régnait parmi les Grenadins; Boabdil avait un rival, il finit par l'emporter sur lui et fit une vigoureuse défense. La résistance se prolonge ; le feu prend à la tente de la reine, et de là se communique au camp qui devient la proie des flammes. Les rois catholiques remplacent le camp par une ville de bois, construite en soixante-quatorze jours, pour annoncer leur immuable résolution de ne pas abandonner le siège: Isabelle nomma cette ville Santa-Fé (sainte foi); c'était pour la foi qu'elle combattait. Grenade capitula le 2 janvier 1492 ; il y avait sept cent quatre-vingt-neuf ans que les infidèles l'occupaient. Les deux rois firent leur entrée solennelle dans la ville le 6 janvier, jour de l'Epiphanie : la croix dominait sur la citadelle; l'islamisme, victorieux sur le Danube, était vaincu en Espagne.

Isabelle, dans la joie du triomphe, écouta enfin les-demandes de Christophe Colomb, et la même année qui avait vu la prise de Grenade vit la découverte de l'Amérique : magnifique récompense donnée par la Providence à la lutte de l'Espagne contre les Maures. Ceux-ci purent garder d'abord leurs lois, leurs coutumes et leur religion ; des craintes de révolte les firent traiter plus durement dans la suite, et l'Inquisition en poussa un grand nombre à quitter l'Espagne.

Boabdil fut traité généreusement. Contemplant, du haut d'une colline, sa capitale qu'il fallait quitter, il se mit à verser des larmes : « Pleure comme une femme, lui dit sa mère, la ville que tu n'as pas su défendre comme un homme. » Boabdil avait montré du courage ; sa mère trouvait sans doute qu'il aurait dû s'ensevelir sous les ruines de Grenade. Il ne put se résoudre à vivre en sujet dans un pays où il avait été roi ; il passa en Afrique et périt en combattant pour le roi de Fez contre celui de Maroc.


À suivre....

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Message  Diane Dim 28 Nov 2010 - 16:26

La population de la Péninsule offrait alors un singulier mélange de Maures, de juifs et de chrétiens. Les chrétiens, sans doute, dominaient ; ils avaient pour eux le nombre et le pouvoir, mais les juifs qui se livraient en grand à l'usure et qui se trouvaient répandus partout, et les Maures qui regrettaient leur ancienne domination, qui étaient toujours prêts à faire alliance avec leurs coreligionnaires d'Afrique et qu'exaltaient les triomphes du Croissant en Occident, menaçaient à chaque instant la paix publique. Ferdinand résolut d'assurer la paix en établissant l'unité de religion dans son royaume, œuvre légitime, qui a pu être accomplie parfois par des moyens trop rigoureux, mais qui épargna incontestablement à l'Espagne les horreurs des guerres civiles dont tant d'autres pays furent les tristes victimes. C'est dans ce but que fut établie l'Inquisition, tribunal chargé de rechercher les hérétiques et de livrer au bras séculier ceux qui s'obstinaient dans leurs erreurs.

L'inquisition existait, sous des formes diverses, dans tous les États chrétiens ; on peut dire qu'elle a toujours existé dans l'Église, puisque l'un des devoirs mêmes des évêques (episcopi9 surveillants), est de sauvegarder la foi de leurs troupeaux ; mais elle avait pris un caractère particulier au moyen âge lorsqu'il s'agit de poursuivre les hérésies antisociales des manichéens et des albigeois; elle prit un caractère plus particulier en Espagne, où, tout en étant sanctionnée par les Papes, elle se trouvait plus immédiatement sous la main du pouvoir civil, moins porté à l'indulgence, et qui usa plus d'une fois de rigueurs contre lesquelles protestèrent les Souverains-Pontifes.

Établie d'abord vers 1480 en Castille, à la demande d'Isabelle, qui n'était certainement pas cruelle, et quatre ans plus tard en Aragon, contre les juifs et surtout contre ceux d'entre eux qui, après s'être faits chrétiens, retournaient au judaïsme, elle fut étendue aux Maures convertis après la prise de Grenade; enfin, au siècle suivant, contre les hérétiques de toutes sortes. En 1492, le tribunal de l'inquisition d'Espagne, qu'il ne faut pas confondre avec celui du même nom qui est établi à Rome, obtint l'expulsion des juifs qui s'obstinaient dans le judaïsme; il finit aussi par demander que les Maures fussent privés de la liberté religieuse, lorsqu'il ne devint que trop évident que cette liberté entretenait parmi eux l'esprit de révolte et de sédition. Il est impossible d'entrer ici dans les détails ; il suffira de dire en général que, si on ne peut contester que l'inquisition espagnole s'est montrée parfois rigoureuse, il est aussi incontestable qu'on a beaucoup exagéré ses rigueurs, et que ces rigueurs n'ont jamais égalé la cruauté avec laquelle les princes protestants ont agi à l'égard de leurs sujets catholiques.


À suivre....


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Message  Diane Mer 1 Déc 2010 - 16:26

« Ce qui est véritablement extraordinaire et peu connu, dit le comte de Maistre dans ses Lettres à un gentilhomme russe, c'est l'apologie complète de l'inquisition faite par Voltaire, et que je vais vous présenter comme un monument remarquable du bon sens qui aperçoit les faits et de la passion qui s'aveugle sur les causes. « 11 n'y eut, dit-il, en Espagne, pendant le seizième et le dix-septième siècle, aucune de ces révolutions sanglantes, de ces cons- pirations, de ces châtiments cruels qu'on voyait dans les autres cours de l'Europe.

Ni le duc de Lerme, ni le comte Olivarès ne répandirent le sang de leurs ennemis sur les échafauds. Les rois n'y furent point assassinés comme en France, et n'y périrent point par la main du bourreau comme en Angleterre. Enfin, sans les horreurs de l'inquisition, on n'aurait eu alors rien à reprocher à l'Es- pagne. » (Essai sur l'histoire générale). Je ne sais si l'on peut être plus aveugle. Sans les horreurs de l'inquisition on n'aurait rien à reprocher à cette nation, qui n'a échappé que par l'inquisition aux horreurs qui ont déshonoré toutes les autres. C'est une véritable jouissance pour moi de voir ainsi le génie châtié, condamné à descendre jusqu'à l'absurdité, jusqu'à la niaiserie, pour le punir de s'être prostitué à l'erreur. Je suis moins ravi de sa supériorité naturelle que de sa nullité dès qu'il oublie sa destination. Après les horreurs que nous avons vues en Europe, de quel front ose-t-on reprocher à l'Espagne une institution qui les aurait toutes prévenues? «Le Saint-Office , avec une soixantaine de procès dans un siècle, a dit quelqu'un, nous aurait épargné le spectacle d'un , monceau de cadavres qui surpasserait la hauteur des Alpes et arrêterait le cours du Rhin et du Pô. »

Il y avait à la tête du tribunal un grand inquisiteur, auquel étaient adjoints un conseil connu sous le nom de la Suprême et quarante-cinq inquisiteurs généraux. Les peines canoniques que les coupables pouvaient avoir encourues étaient annoncées et subies en public ; la cérémonie s'appelait auto-da-fé (acte de foi) ; dans l'auto-da-fé, on prononçait l'acquittement des innocents, on réconciliait avec l'Église les pénitents, qui portaient un cierge à la main en signe de la foi qui luisait de nouveau dans leurs cœurs; une fois les acquittements prononcés, ou la réconciliation opérée, l'auto-da-fé était terminé et les inquisiteurs se retiraient. Quant aux coupables obstinés, ils étaient livrés au bras séculier, qui les punissait selon la rigueur des lois, mais ce n'était plus l'auto-da-fé, comme on le croit généralement par erreur.

L'un des plus grands adversaires de l'inquisition 1, calculant les coupables punis dans quatre auto-da-fé en 1486, en compte trois mille trois cent vingt-sept, dont vingt-sept seulement furent condamnés à mort, et il faut songer que les inquisiteurs avaient à prononcer non-seulement sur les hérétiques, mais sur les coupables de crimes abominables, sur des rebelles et des meurtriers que les lois civiles de nos jours frappent encore des peines les plus sévères. Le premier grand inquisiteur fut le dominicain Thomas de Torquemada, dont les romans décorés du nom d'histoire ont fait une bête féroce, mais dont l'histoire sérieuse reconnaît le zèle, la vigilance et la sage fermeté.


À suivre....


1 Llorente.

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Message  Diane Jeu 2 Déc 2010 - 17:19

Ferdinand prit d'autres moyens encore pour maintenir la tranquillité intérieure. Il existait depuis longtemps sous le nom de Sainte-Hermandad une confrérie (germanitas) de bourgeois, ayant pour but de veiller à la sûreté des routes. Ferdinand lui donna une organisation plus complète, déclara que les membres n'en pourraient être arrêtés par aucune exception de privilège, et en fît un soutien du pouvoir royal contre les grands, dont les plus remuants virent raser leurs châteaux. Enfin il acquit une puissance militaire et des revenus considérables en réunissant sur sa tête la grande maîtrise des trois ordres religieux et militaires de Calatrava, de saint Jacques et d'Alcantara. Il fut en un mot le Louis XI de l'Espagne, comme Ivan III était celui de la Russie, et malheureusement aussi peu scrupuleux que ces deux princes sur le choix des moyens 1.

L'année 1492, qui vit tomber Grenade sous les coups des chrétiens, vit aussi Christophe Colomb aborder en Amérique. Les limites du monde Semblaient s'agrandir en même temps que les ressources dont l'esprit humain pouvait disposer. Tout annonçait une ère nouvelle dans les annales de l'humanité 2. Le retour aux études païennes, encore vivement combattu par l'esprit profondément chrétien de la société, poussait à de nouvelles recherches, et malheureusement à des témérités dangereuses et à des mœurs proscrites par l'Évangile ; la découverte de la poudre à canon et les progrès des armes à feu avaient changé le caractère des guerres et allaient faire tomber les derniers restes de la chevalerie; le papier de coton, d'une facile fabrication et plus commun, remplaçait le rare et coûteux parchemin; et, pour qu'aucun moyen ne manquât aux rapides communications de la pensée, l'imprimerie était inventée.

En 1430, Laurent Coster de Harlem avait gravé en bois des pages entières de texte, et en avait tiré des épreuves. Peu de temps après Jean Gutenherg de Mayence inventa des caractères mobiles d'abord en bois, puis en plomb, se ruina dans ses essais, et reçut de Jean Faust, orfèvre de Mayence, les fonds nécessaires pour continuer. A la mort de Gutenberg, Faust prit à son service un copiste de Paris, Pierre Schœffer, qui trouva l'alliage le plus convenable aux caractères mobiles, l'encre d'imprimerie, et la fonte des caractères par le moyen des matrices ou moules. En 1457 parut le premier ouvrage imprimé, une Bible, et six ans après, la prise de Mayence, en dispersant les ouvriers, répandit partout l'imprimerie. La science, apanage exclusif de quelques savants, se dissémina; elle devint plus accessible à tout le monde; la vérité venait de trouver un puissant instrument de propagation; le mal en profita, mais c'est parce qu'on ne voulut pas écouter la voix de l'Église, qui avait fixé, par une bulle de Léon X, les vraies limites. Si les sages prescriptions de cette bulle avaient été suivies, l'Europe aurait évité bien des calamités, et l'on peut penser que l'Évangile triompherait aujourd'hui par toute la terre:




À suivre...

1 Voyez notre Cours d'Histoire universelle.
2 Nous reproduisons ici en partie ce que nous ayons dit dans notre Cours d'Histoire.

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Message  Diane Ven 3 Déc 2010 - 16:32

« Parmi les sollicitudes qui nous pressent, disait Léon X même avant l'explosion du protestantisme, une des plus vives et des plus constantes est de pouvoir ramener dans la voie de la vérité ceux qui s'en sont écartés; or, nous avons appris par des plaintes élevées de toutes parts, que l'art de l'imprimerie, dont l'invention s'est toujours perfectionnée de nos jours, grâce à la faveur divine, quoique très-propre, par le grand nombre de livres qu'il met à peu de frais à la disposition de tout le monde, à exercer les esprits dans les lettres et dans les sciences, et à former des érudits dans toutes sortes de langues, devient pourtant une sorte d'abus par la téméraire entreprise des maîtres de cet art ; que, dans toutes les parties du monde,

ces maîtres ne craignent pas d'imprimer traduits en latin, du grec, de l'hébreu, de l'arabe, du chaldéen, on nouvellement composés en latin et en langue vulgaire, des livres contenant des erreurs même dans la foi, des dogmes pernicieux et contraires à la religion chrétienne, des attaques contre la réputation des personnes les plus élevées en dignité, et que la lecture de tels livres, loin d'édifier, enfante les plus grands égarements dans la foi et dans les mœurs, fait naître une foule de scandales et menace le monde de plus grands encore. C'est pourquoi, afin qu'un art si heureusement inventé pour la gloire de Dieu et la propagation des sciences utiles ne soit pas perverti par un usage contraire, nous avons jugé qu'il fallait tourner notre sollicitude du côté de l'impression des livres,

pour qu'à l'avenir les épines ne croissent pas avec le bon grain, et que le poison ne vienne pas se mêler au remède. Voulant donc pourvoir à temps au mal, de l'avis du Sacré Collège, nous statuons et ordonnons que, dans la suite et dans tous les temps futurs, personne n'ose imprimer un livre quelconque dans notre ville ou dans quelque diocèse que ce soit, qu'il n'ait été examiné avec soin, approuvé et signé à Rome, sous peine d'excommunication. »

Il ne faut pas oublier que c'est Léon X qui parle, et l'on sait si Léon X était ennemi des lettres, des sciences et des arts; mais il voulait les lettres chrétiennes, les sciences vraies et les arts qui élèvent à Dieu.

Si l'on avait fidèlement suivi les prescriptions de cette bulle, que de larmes et de sang n'eût-on pas épargnés aux malheureux peuples ! Et en quoi les sciences, les lettres, les arts, les progrès sociaux eussent-ils été entravés? Mais, dit-on, c'était défendre à l'homme de penser autrement que l'Église romaine. Pour les catholiques qui croient que la vérité est du côté de l'Église romaine, il n'y a là aucune difficulté, car il est évident que ce n'est pas l'erreur qui peut amener le vrai progrès, et que ni les sciences ni le bonheur de l'humanité ne sont intéressés à la diffusion libre de l'erreur. Pour ceux qui ne croient pas, ils devraient s'arrêter à trois considérations :

1° que l'Église, chargée de veiller au salut des âmes dans la mesure de son pouvoir, avait bien le droit d'avertir les fidèles et de les prémunir contre le mal par la menace de l'excommunication;

2° que la bulle de Léon X, partout où elle a été reçue ou mise en pratique, comme en Italie, en France pendant longtemps, en Espagne, etc., n'a en rien arrêté le progrès des lettres, des arts et des sciences, comme le démontrent les progrès du seizième et du dix-septième siècle, ce qui prouve qu'elle ne renferme rien de contraire aux vrais progrès de l'humanité;

3° enfin, que nulle part un gouvernement régulier, une société régulière n'a pu exister avec la liberté absolue de la presse, que partout, pour conserver l'ordre et les mœurs, on a été obligé de mettre un frein à cette liberté, que l'Église n'a donc fait qu'appliquer une règle infaillible et fixe, là où les gouvernements humains ne peuvent appliquer qu'une règle incertaine et changeante, et partant peu efficace pour remédier au mal. L'homme d'État et le vrai philosophe, qui étudient attentivement l'histoire, savent quels funestes résultats suivent toujours la libre diffusion de l'erreur; l'erreur ne peut enfanter que le mal, il n'y a que la vérité qui n'a que d'heureuses conséquences.


À suivre..

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Message  Diane Sam 4 Déc 2010 - 18:01

L'Église l'avait prévu: frappée du bien qui pouvait résulter pour le progrès des lettres et des sciences de l'invention de l'imprimerie, elle encouragea puissamment cet art nouveau, « si heureuse- ment inventé, dit la bulle de Léon X, pour la gloire de Dieu et la propagation des choses utiles, » mais, en même temps, elle voulut remédier aux abus et, « empêcher les épines de croître avec le bon grain. » Ce n'est pas après les expériences de nos jours qu'on peut songer à lui reprocher une prévoyance et une sollicitude qui eussent écarté tant de maux. Nous n'hésitons pas à le dire, et nous sommes convaincu que tous les hommes qui réfléchissent seront de notre avis : si la liberté absolue de la presse pouvait régner quelque temps chez un peuple qui n'a plus ni la sévérité des mœurs, ni l'unité de la foi, ni le respect de l'autorité, bientôt ce peuple tomberait dans le plus profond abrutissement et la plus horrible anarchie ; les intelligences affaiblies n'auraient plus de ressort, et ce n'est que par le despotisme absolu que cette malheureuse nation pourrait échapper à l'anarchie et à la ruine, L'Église, même lorsqu'elle restreint l'usage de la liberté, est encore la gardienne de la vraie liberté : en sauvant les mœurs, en donnant la crainte religieuse, en fortifiant la conscience humaine, elle rend impossible la servitude, et c'est là, au fond, l'un des motifs les plus puissants de la haine que lui ont vouée les révolutionnaires.

(…)Le fait dominant de l'histoire est la diffusion du christianisme, c'est-à-dire l'accroissement continuel du cinquième et dernier empire, qui est celui de Jésus-Christ. Dieu veille toujours sur son Église et sur l'humanité ; toujours il a soin de compenser les pertes par des conquêtes, et sa providence récompense ou punit ainsi les peuples selon leurs mérites et sa miséricorde. Le quart de l'Europe allait se soustraire aux lois de l'Église : Dieu donne un nouveau monde aux apôtres de la foi, il ouvre un nouveau chemin aux Indes orientales, et l'Espagne et le Portugal, qui ont si longtemps lutté contre les infidèles, et qui savent garder leur foi pure, pendant que le reste de l'Europe est infecté par l'hérésie, seront en même temps payés de tant de sueurs et de sang répandu. (…)



À suivre...

Note de Diane,

À partir d'ici, je fais sauter quelques pages et me rattraper à l'élection d’Alexandre VI, car les pages suivantes racontent les découvertes de Christophe Colomb…


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Message  Diane Ven 10 Déc 2010 - 17:57

La France avait repris son rang; mais, en se précipitant sur l'Italie, en proie aux plus affreux désordres, elle allait augmenter les malheurs de la Péninsule, susciter de graves embarras aux Papes et s'épuiser elle-même dans des guerres aussi sanglantes que glorieuses.

La plus grande confusion existait en Italie. Au sud, régnait Ferdinand Ier, qui se faisait détester par sa tyrannie et ses cruautés ; à Florence, Laurent de Médicis, surnommé le Magnifique à cause de son amour pour les lettres et les arts, venait de mourir, et son fils Pierre II lui avait succédé sans le remplacer ; Milan venait de tomber sous le joug de Ludovic le More, qui allait appeler les Français ; Gênes était en décadence ; Venise n'oubliait que trop souvent de défendre ses anciennes possessions contre les Turcs, pour tourner ses armes contre ses voisins chrétiens.

Quant aux États de l'Église, ils étaient la proie d'une multitude de petits tyrans, vassaux ou vicaires du Saint-Siège, qui conspiraient continuellement contre le pouvoir pontifical, qui accablaient leurs peuples pour soutenir les frais des guerres presque continuelles qu'ils se faisaient entre eux : « La Romagne, dit Machiavel, était un pays infesté de brigands, déchiré par les factions, et livré à tous les désordres et à tous les excès. » A Rome même, enfin, l'autorité pontificale était toujours entravée par les restes des factions des Colonna et des Orsini, et tous les désordres reparaissaient aussitôt que le Pape expirait.

Les obsèques du pape Innocent VIII avaient été célébrées le 9 du mois d'août 1492, avec la pompe accoutumée, et, dès le lendemain, les cardinaux étaient entrés en conclave; mais, pendant les funérailles, plusieurs meurtres avaient été commis ; les voleurs et les assassins semblaient avoir toute liberté pendant l'interrègne, il n'y avait plus de sécurité publique.

C'est dans ces difficiles circonstances qu'Alexandre VI fut appelé à s'asseoir sur le trône pontifical ; nous allons voir qu'il en était digne, et c'est précisément parce qu'il régna avec vigueur qu'il s'attira tant d'ennemis qui l'attaquèrent ensuite par tant de calomnies.


À suivre...

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Message  Diane Sam 11 Déc 2010 - 18:57

Dans l'oraison funèbre d'Innocent VIII, Léonelli, évêque de Concordia, disait aux cardinaux : « Hâtez-vous de choisir un successeur au Pape défunt, car Rome est, à chaque heure du jour, un théâtre de meurtres et de brigandages. » Les cardinaux comprenaient bien la nécessité de se hâter et de choisir un Pontife énergique. Ils étaient réunis au nombre de vingt environ. Trois candidats pouvaient partager les suffrages : le cardinal Ascagne Sforza, parce qu'il était frère de Ludovic le More, alors tout puissant dans le nord de l'Italie ; le cardinal Julien de la Rovère, neveu de Sixte IV; enfin le cardinal Roderic Borgia. Le premier parut trop mou de caractère, le second trop jeune et d'un caractère trop emporté.

« Il semblait aux cardinaux, dit Audin 1, que, dans les circonstances difficiles où l'Italie se trouvait, le monde avait besoin d'une âme fortement trempée, n'ayant peur ni de l'étranger qui menaçait l'indépendance ultramontaine, ni des grands qui ensanglantaient de leurs querelles la Romagne et la ville sainte elle-même, ni du mauvais vouloir de tous ces princes qui portaient couronne ducale, alliés douteux du Saint-Siège qu'ils étaient prêts à soutenir ou à combattre suivant leurs intérêts. Ils croyaient que le salut du pou- voir temporel de la Papauté pouvant être compromis dans la lutte qui allait s'agiter au delà des Alpes, il fallait une tête plus forte que celle qui venait de quitter la tiare; ils se décidèrent pour Borgia, qui prit le nom d'Alexandre VI. »

Dès que le cardinal Borgia vit les suffrages réunis en sa faveur, il s'exprima en ces termes, qui respirent à la fois la modération et le courage : « Suis-je donc Pape, Vicaire de Jésus-Christ? — Oui, très-saint Père, répondit le cardinal Ascagne Sforza, et nous espérons que votre élection donnera gloire à Dieu, repos à l'Église, allégresse à la chrétienté ; car vous avez été choisi comme le plus digne de tous vos frères. »

Le nouveau Pape reprit : « Et nous, nous espérons dans le secours d'en haut, souhaitant avec ardeur de suivre les préceptes du Saint-Esprit et de publier avec intrépidité ses saintes lois, qui sont déjà ratifiées dans le ciel. Le fardeau dont nous voilà chargé est bien pesant, mais nous avons confiance que Dieu nous accordera, comme autre fois à saint Pierre quand il remit les clefs du ciel entre ses mains, la force de le porter. Sans l'assistance divine, qui donc oserait s'en charger? Mais Dieu est avec nous, et il nous a promis son Esprit. Et vous, mes frères, nous ne doutons pas de votre soumission envers le Chef de l'Église ; vous lui obéirez comme le troupeau du Christ obéit au premier Pasteur. »


À suivre..

1. Histoire de Léon I.

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Message  Diane Dim 12 Déc 2010 - 17:27

Roderic Borgia prit le nom d'Alexandre VI, sans doute en souvenir d'Alexandre III, se donnant ainsi la grande tâche de relever la Papauté affaissée sous les usurpations des princes de l'Italie et des vassaux du Saint-Siège, comme elle l'avait été jadis sous le poids des Hohenstaufen, et comme l'avait trouvée le courageux Alexandre III, dont il ambitionnait de suivre les traces glorieuses 1. Alexandre VI ne se faisait pas en effet d'illusions sur l'avenir de son Pontificat: sachant ce qu'il y avait à faire et ce qu'il était résolu de faire, il s'attendait bien à rencontrer mille obstacles et des haines acharnées. Aussi remarqua-t-on, le jour de son couronnement, qu'il était en proie à de violentes émotions, et prit-il pour devise ce premier verset du psaume CLX : Ad Dominum cum tribularer clamavi, et exaudivit me, j'ai crié vers le Seigneur au milieu de mes tribulations, et il m'a exaucé.

Il s'attendait à de terribles épreuves, mais pouvait-il, demande un historien, se représenter sa mémoire flétrie, déshonorée, et son nom, pendant des siècles, provoquant les gémissements du chrétien fidèle, et le ricanement infernal de l'hérétique et de l'impie 1 ? Si sa pénétration de l'avenir a été jusque-là, sans doute il se sera dit aussi, comme le disait Joseph de Maistre au commencement de ce siècle :

« Un temps viendra où les Papes contre lesquels on s'est le plus récrié seront regardés dans tous les pays comme les amis, les tuteurs, les sauveurs du genre humain, les véritables génies constituants de l'Europe 2. »


Déjà la prophétie du grand philosophe catholique s'est accomplie pour bien des Papes; puisse le livre que nous écrivons hâter le moment de la justice pour Alexandre VI ! Le conclave n'avait pas duré plus d'un jour. Le 11 du mois d'août, le Pape fut conduit en grande pompe dans l'église de Saint-Pierre. La cérémonie était magnifique; la joie du peuple fut grande; tous saluaient dans Alexandre VI comme l'aurore de jours meilleurs; tous comptaient sur sa fermeté et sa prudence pour mettre fin à l'anarchie. Guichardin, si hostile à Alexandre VI, ne fait qu'exprimer le sentiment universel quand il dit : a Tout le monde appréciait la sagesse de Borgia, sa rare perspicacité, sa pénétration, son éloquence portée au plus haut degré, son incroyable persévérance, son activité, son adresse infinie dans tout ce qu'il entreprenait. » Le peuple romain fit un accueil enthousiaste à son nouveau souverain : des arcs de triomphe superbes, des inscriptions pleines d'éloges et d'espérances témoignaient de sa joie et de sa confiance. Une de ces inscriptions, comparant Alexandre au César des temps antiques, n'accordait à celui-ci que l'humanité, tandis qu'elle faisait un dieu de celui-là :

Cæsare magna fuit, nunc Roma est maxima; Sextus Regnat Alexander; ille vir, iste deus.

Une autre était ainsi conçue: Alexandro sapientissimo, Alexandro magnificentissimo, Alexandro in omnibus maximo.



à suivre....

A Alexandre le sage, le magnifique, le grand.

1 Rohrbacher, Histoire de l'Église.
2 De Maistre, le Principe générateur des constitutions politiques, no 23
J. Favé, Études critiques.
1 Rohrbacher, Histoire de l'Église.
2 De Maistre, le Principe générateur des constitutions politiques, no 23

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Message  Diane Lun 13 Déc 2010 - 17:52

« Ces cris du peuple à l'exaltation du Pontife, dit Audin, c'est aussi de l'histoire. Si le cardinal Roderic eût ressemblé tout à fait au Borgia de Burchard, il nous semble que le peuple aurait eu la pudeur de se taire; du moins, il n'aurait pas fait un dieu d'un homme de scandale; il n'aurait pas appelé du nom de très-saint un prêtre renommé pour ses débauches. Ou bien alors scandales et débauches étaient des mystères cachés à tous les regards; et comment Roderic a-t-il pu se dérober à l'œil de celui qui lit à travers les murailles, et qui devine ce qu'il n'a pas vu? Ceci est un phénomène dont l'historien a droit de demander la raison.

Nous comprenons, si nous avons bien étudié Alexandre VI, la joie que le peuple fait éclater en ce moment. Opprimé par l'aristocratie romaine, il appelle un libérateur, et il donne d'avance le nom de dieu à celui qui le délivrera de la tyrannie des vassaux de l'Église. Quelquefois il arrivait qu'un de ces grands seigneurs descendait tout armé dans la boutique d'un pauvre ouvrier, dont il emportait les outils ou l'épargne, souvent même la fille. Le malheureux demandait justice au Pape, mais le brigand avait une excellente monture, et il échappait.

Le peuple, quand la tiare fut donnée à Borgia, respira comme le malade qui voit arriver le médecin. Avec Borgia, plus de châteaux imprenables, plus de repaires inaccessibles, plus de cotte de mailles introuable: voilà l'homme dont le peuple avait besoin il trouvait que le bourreau s'était trop longtemps reposé. »

Acclamée par le peuple, l'élection d'Alexandre VI fut moins bien reçue par ceux qui connaissaient son énergie. On dit que le vieux Ferdinand de Naples versa des larmes : le vassal si souvent rebelle du Saint-Siège, qui avait eu des difficultés avec tous les Papes et particulièrement avec Calixte III, devait craindre, en effet, l'énergie du neveu. Quelques cardinaux qui s'étaient opposés à l'élection crurent devoir quitter Rome : c'étaient Jean Colonna, qui se rendit en Sicile ; Julien de la Rovère (plus tard Jules II), qui se retira à Ostie, dont il était évêque et gouverneur; et Jean de Médicis, fils de Laurent le Magnifique, fort jeune encore à cette époque, et qui devint si célèbre sous le nom de Léon X; le cardinal de Médicis ne tarda pas d'ailleurs à se rapprocher du Pape et ne cessa de lui rester fidèle.

Telles furent les circonstances qui accompagnèrent l'élection d'Alexandre VI : tous les faits s'enchaînent naturellement, et rien n'est plus facile à comprendre que le choix fait par les cardinaux. Mais il n'y a pas un acte de la vie d'Alexandre VI qui n'ait été incriminé ; on a donc dit que son élection avait été simoniaque. On ne le dit pas immédiatement, ce ne furent pas même tous les cardinaux qui crurent devoir quitter Rome après son intronisation qui le dirent, et ceux qui le firent n'y songèrent que lorsqu'ils pensèrent avoir trouvé l'occasion de se venger ; mais Burchard n'a pas manqué, lui ou ses éditeurs, de saisir cette rumeur au vol, et Burchard, pour certains écrivains, est une autorité infaillible, même lorsque Guichardin n'ose pas aller au-delà d'un dit-on, comme dans cette circonstance.


À suivre..


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Message  Diane Mer 15 Déc 2010 - 16:40

Voici la page accusatrice du Diarium du Burchard :

« L'an 1492, le douzième jour d'août, dès le matin, Roderic Borgia, neveu de Calixte, vice-chancelier, créé Pape, prit le nom d'Alexandre VI, et il distribua aussitôt ses biens (incontinenter dispersit bona sua) : au cardinal Orsini, il donna son palais et ses châteaux de Monticelli et de Sariani ; il nomma le cardinal Ascagne vice-chancelier de la sainte Église romaine ; il accorda au cardinal Colonna son abbaye de Subiaco, de l'ordre de Saint-Benoît, avec tous les châteaux et le droit de patronage pour lui et sa famille à perpétuité ; au cardinal de Saint-Ange, l'évêché de Porto, la tour et le mobilier y étant, notamment un cellier plein de vin. La ville de Népi fut donnée au cardinal de Parme; Citta di Castello au cardinal Savelli, avec l'église de Sainte-Marie-Majeure. D'autres reçurent, dit-on, plusieurs milliers de ducats ; il gratifia de cinq mille ducats d'or un moine blanc de Venise, récemment nommé cardinal, et ce, pour avoir sa voix (pro habenda ipsius voce).»

Le Diarium cite cinq cardinaux qui ne voulurent rien accepter, savoir : les cardinaux de Médicis, de Portugal, de Naples, de Sienne et de la Rovère. On peut demander tout d'abord pourquoi ce dernier ne protesta pas immédiatement contre l'élection ? On peut demander pourquoi ne protestèrent jamais Jean de Médicis, qui fut plus tard Léon X, et le cardinal de Sienne, François Piccolomini, qui fut plus tard Pie III? Il y avait vingt cardinaux au conclave; cinq furent opposés à l'élection de Borgia; les autres reçurent des présents pour prix de leur vote ; mais Burchard ne cite que six cardinaux parmi ceux qui vendirent ainsi leur suffrage, savoir : les cardinaux Ascagne, Orsini, Colonna, Savelli, de Saintr-Ange et de Parme. Pour être cru, il aurait bien dû indiquer ce que reçurent, par exemple, l'austère Olivier Caraffa, cardinal du titre de Saint-Marcellin et de Saint-Pierre; le noble Gonzalez Mendoza, cardinal-archevêque de Tolède; le vaillant d'Aubusson, cardinal de Saint-Adrien ; Antoine Pallavicini, cardinal de Sainte-Praxède, prélat recommandable et courageux. Burchard aurait bien fait aussi d'expliquer la fuite du cardinal Colonna, qui avait vendu sa voix. Ce sont là de sérieux motifs de douter de sa véracité.

S'il y a eu des cadeaux faits par le nouveau Pontife, qui a dit à Burchard qu'ils n'étaient que le paiement d'une dette contractée pour l'élection, qui nous dit, à nous, que ces mots, pro habenda ipsius voce, n'ont pas été ajoutés au texte de Burchard? Et comment croire un homme qui est ordinairement si affirmatif et qui n'écrit ici que ces mots honteux : dit-on? D'ailleurs, on se demande quel peut être ce moine blanc de Venise, récemment nommé cardinal. Il vint bien au conclave un vénérable vieillard, accablé d'années et d'infirmités, et qui mourut six semaines après : ce vieillard était Morfeo Gheraldo, ancien général des Camaldules, patriarche de Venise et décoré de la pourpre depuis l'année 1466. Le vénérable patriarche était incapable de se laisser corrompre; où est le moine blanc de Burchard?

Quant à la distribution de dignités et d'argent faite par Alexandre VI, elle s'explique facilement, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir la simonie. Borgia, devenu Pape, ne pouvait rester ni vice-chancelier de l'Église romaine, ni abbé de Subiaco, ni évêque de Porto : voilà pourquoi il crée le cardinal Ascagne vice-chancelier, pourquoi il donne au cardinal Colonna l'abbaye de Subiaco, et au cardinal de Saint-Ange l'évêché de Porto. Burchard remarque que le cellier de l'évêque était bien garni de vin; cette remarque, digne d'un Allemand, ne change rien aux choses. Quant aux villes de Népi et de Citta di Gastello données à deux autres cardinaux, il est probable qu'elles manquaient de gouverneurs. Laissons le moine blanc imaginaire, ou, si nous voulons croire au cadeau fait par Alexandre VT, songeons que ce moine, n'ayant pas de fortune personnelle, pouvait avoir besoin de la munificence pontificale pour soutenir son rang.

En résumé, Alexandre VI ne fut accusé de simonie dans son élection que longtemps après cette élection ; il ne l'a pas été par tous les cardinaux qui avaient résisté à ses prétendus présents ; il ne l'a été que par des ennemis notoires; aucun témoignage sérieux ne prouve les dires de Burchard et les on-dit de Guichardin et des autres : nous pouvons conclure hardiment que l'élection d'Alexandre VI ne fut pas simoniaque.


À suivre...

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Message  Diane Jeu 16 Déc 2010 - 18:23

III
RÈGNE D'ALEXANDRE VI.


Le premier regard qu'un Pape jette sur le monde doit effrayer le cœur le plus intrépide : quelle immense responsabilité ! que d'intérêts à surveiller, que de passions à combattre, que de difficultés à vaincre ! Gardien de la doctrine, gardien de la morale et de la discipline, le Souverain-Pontife est le dépositaire de la vérité, de la justice et du bien : a lui la sollicitude de toutes les Églises, à lui tous les soucis, à lui tous les travaux. Pasteur des agneaux et des brebis, Pasteur suprême des pasteurs, représentant de Dieu sur la terre et Vicaire de Jésus-Christ, c'est vers lui que tous tournent leurs regards, c'est à lui que tous ont recours, c'est contre lui que toutes les passions se liguent, l'orgueil des princes, la malignité des hommes corrompus ; c'est contre lui, en un mot, que cherchent à prévaloir les portes de l'enfer, et il doit tout vaincre, tout illuminer, tout contenir dans la voie droite, tout diriger, tout gouverner.

Mais il y a des temps plus difficiles encore que les autres, où la triple couronne qui surmonte la tête du Pontife suprême doit lui peser comme une triple couronne d'épines, et le pape Alexandre VI montait sur le trône pontifical à une de ces terribles époques de confusion, de désordres et d'effervescence qui ne présentent au Père commun des chrétiens et des hommes que d'effrayantes et sombres perspectives : tout près de lui, à Rome même, le désordre matériel et les brandons toujours brûlants des factions, et des cardinaux hostiles à son autorité ; hors de Rome, encore dans les États de l'Église, l'anarchie et la tyrannie ; en Italie, toutes les cupidités de l'ambition, toutes les corruptions de la volupté et l'orgueil même de quelques réformateurs, comme le moine Savonarole; dans la chrétienté, la discorde; en Orient, le triomphe de Mahomet ; en Occident, dans les nouvelles conquêtes de l'Europe, des intérêts rivaux qu'il fallait concilier ; dans tous les esprits, une fermentation extraordinaire, présage d'immenses catastrophes, si l'on ne pouvait la contenir dans de justes bornes.

Épouvantable situation ! Alexandre VI la contempla sans faiblesse comme sans présomption ; il cria vers le Seigneur, il se mit à l'œuvre avec une indomptable énergie ; s'il ne réussit pas en tout, il accomplit une bonne partie de la tâche, mais il y gagna tant d'ennemis, il souleva tant de colères, que les flots de calomnies soulevés contre sa réputation ne sont pas encore apaisés, et que l'œil de l'histoire commence à peine à entrevoir la vérité au milieu de la tempête.

Nous allons suivre pas à pas les actes du Roi et du Pontife : quand nous aurons tout examiné, et contemplé dans son ensemble cette grande figure si étrangement dénaturée, nous pourrons conclure.



À suivre...


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Message  Diane Ven 17 Déc 2010 - 18:06

Voyons d'abord le Roi.

Le premier soin d'Alexandre VI fut de ramener l'ordre à Rome. Le peuple attendait beaucoup de lui; il ne fut pas trompé dans son attente. Le cardinal Borgia s'était montré le protecteur des faibles et des pauvres, le pape Alexandre réalisa ce qu'il ne pouvait guère que désirer lorsqu'il n'avait pas la puissance. Par ses soins, des arrivages réguliers de blé vinrent procurer à la ville le grain dont elle manquait souvent sous ses prédécesseurs, par suite du peu de sécurité dont jouissait le commerce, et bientôt l'abondance régna partout. Alexandre VI organisa aussi une police sévère : les perturbateurs de la tranquillité publique ne tardèrent pas à reconnaître qu'ils ne pouvaient plus compter sur l'impunité. En même temps furent publiés des règlements destinés à simplifier l'administration de la justice et à la rendre accessible à tous, tandis qu'elle était auparavant comme le privilège du rang et de la fortune.

Il y avait désormais à Rome une autorité ; avec elle reparaissait l'ordre, et avec l'ordre, la liberté des gens de bien. Alexandre donna enfin à Rome la seule chose qui l'empêchait d'être la ville la plus heureuse du monde, un gouvernement supérieur aux factions : les Colonna, les Conti, les Orsini, les Savelli, souvent plus puissants que les Papes, sentirent qu'il y avait un souverain qui ne transigeait pas avec le désordre, et qui ne permettait plus aux factions de déchirer l'État. Philippe de Commines a dit l : « Et cependant, quand ce ne serait ce différend (des factions), la terre de l'Église serait la plus heureuse habitation pour les sujets qu'il soit en tout le monde ; car ils ne payent ne tailles ne guères autres choses et seraient toujours bien conduits, car toujours les Papes sont sages et bien conseillez. » Ces paroles, qui rendent un si juste hommage à la Papauté, montrent que Alexandre VI sut donner aux sujets de l'Église romaine la seule chose qui leur manquait : les barons romains, les petits tyrans de la Campagne romaine et de la Romagne étaient les fléaux du peuple; Alexandre les fit disparaître.

Père et souverain, il avait le droit de ramener à l'obéissance les tyrans de son peuple, les vassaux du Saint-Siège ; ce droit est d'autant plus évident, que ces vassaux trahissaient leur suzerain ; la manière seule dont ils furent traités pourrait faire un objet de discussion, nous verrons si Alexandre VI mérita des reproches à cet égard.

Dès les premiers jours de son règne, Alexandre VI dut entamer la lutte, et montrer qu'il ne céderait aucun des droits du Saint-Siège. Ferdinand Ier de Naples, qui avait pleuré à son avènement, voulut aussitôt sonder les dispositions du nouveau Pape et voir jusqu'à quel point on pourrait le mener. Ce roi « avait toujours cru, dit Guichardin 1, « que son intérêt et sa sûreté exigeaient qu'il s'attachât tous les barons du territoire de Rome, ou du moins les plus puissants; il y travaillait pour lors avec d'autant plus d'ardeur qu'il prévoyait que Ludovic Sforza (le More) ne manquerait pas d'avoir beaucoup de crédit auprès du nouveau Pape, par le moyen du cardinal Ascagne, son frère. » Ainsi il est clair, par ce témoignage de Guichardin, que le roi de Naples, vassal du Saint-Siège, voulait s'appuyer contre le Pape du secours d'autres vassaux du Saint-Siège.



À suivre..



1 Livre VI, chap. XII.
1 Livre I, chap. 1.

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Message  Diane Sam 18 Déc 2010 - 17:21

« Francesco Cibo, fils naturel du pape Innocent VIII 2, poursuit Guichardin, possédait l'Anguillara, Corvetri et quelques autres petits châteaux dans le voisinage de « Rome. Après la mort de son père, il se retira à Florence, auprès de Pierre de Médecis, frère de Madeleine de Médicis, sa femme. Il n'y fut pas plutôt arrivé que, par l'entremise de Pierre, il vendit ses châteaux à Virginio Orsino, moyennant quarante mille ducats. Cette vente se fit de concert avec Ferdinand, qui prêta secrètement la plus grande partie des deniers, dans l'espérance de retirer lui-même de grands avantages des établissements que Virginio Orsino, sa créature et son parent, avait dans le territoire de Rome. »

Il est de principe élémentaire en matière de fiefs, que le suzerain se réserve la propriété directe de l'héritage, et n'en transfère au vassal que la propriété utile, à charge surtout de fidélité ; que si ce dernier aliène son fief, sans l'aveu du suzerain, il s'expose à la commise, c'est-à-dire à la confiscation pour félonie 1. Or, l'autorité d'Alexandre VI venait d'être ouvertement méconnue, le vassal avait manqué à son devoir ; le Pape était en droit de déclarer que les châteaux étaient dévolus à l'Église romaine. Céder, dans cette circonstance, c'eût été dire aux vassaux du Saint-Siège qu'ils pouvaient faire avec le nouveau Pape ce qu'ils voudraient, et à Ferdinand qu'il ne courrait aucun danger dans ses entreprises aux dépens du Saint-Siège. Alexandre protesta : « Mais, animé par son fils Alphonse, dit toujours Guichardin, Ferdinand encouragea fortement Virginio Orsino à prendre sans délai possession des châteaux qu'il avait achetés, et lui promit de le défendre envers et contre tous. D'un autre côté, employant ses artifices ordinaires, il proposait au Pape divers moyens d'accommodement, mais il conseillait en secret à Virginio de n'en point accepter d'autres que ceux qui lui assureraient la possession de ses châteaux. »

Alexandre résolut de soutenir vigoureusement ses droits. Nous suivons Guichardin, qui n'est pas suspect de partialité envers le Pape : « Au mois d'avril 1493, une ligue fut conclue entre le Pape, les Vénitiens et Jean Galéas, duc de Milan 1. Ce traité avait pour but la sûreté commune des alliés. Il y fut stipulé que le sénat de Venise et le duc de Milan feraient marcher incessamment à Rome chacun deux cents hommes d'armes pour la sûreté des États et de la personne du Pape, et qu'avec ces troupes, et même de plus considérables, s'il en était besoin, ils l'aideraient à s'emparer des châteaux dont Virginio était en possession. »

La ligue effraya le roi Ferdinand, qui avait d'ailleurs à craindre une attaque du roi de France Charles Vlll. Frédéric, second fils du roi de Naples, vint à Rome. Les droits du Pape étant reconnus, Alexandre consentit à ce que Virginio gardât les châteaux, moyennant l'hommage et une redevance en argent ; on conclut en même temps le mariage de Guifre ou Geoffroy, dernier fils du Pape, avec Sancha ou Sancia, fille d'Alphonse d'Aragon, qui était le fils aîné de Ferdinand. Ainsi s'opéra la réconciliation entre le Saint-Siège et la maison d'Aragon. Si Ferdinand eût été sincère, le Saint-Siège aurait puisé une grande force dans cette alliance, et la maison d'Aragon elle-même eût été plus vigoureusement soutenue contre les prétentions de la France.



À suivre...

2 On a vu précédemment la fausseté de cette assertion.
1 Favé, Études, critiques.
1 Jean Galéas avait le titre de duc, mais c'était son oncle, Ludovic le More, qui gouvernait en son nom.

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Message  Diane Lun 20 Déc 2010 - 17:39

La maison d'Anjou, autrefois en possession du royaume de Naples, n'avait pas renoncé à ses prétentions. René, mort sans postérité masculine, avait nommé pour héritier de ses droits Charles d'Anjou, comte du Maine, qui fît lui-même son testament en faveur de Louis XI. Ce roi, peu susceptible de se laisser emporter à des idées chevaleresques, laissa volontiers dormir ses droits, mais Charles VIII, jeune et ambitieux, et qui ne songeait à rien moins qu'à placer sur sa tête la couronne de l'empire d'Orient, se persuada facilement que ses prétentions étaient d'incontestables droits. Ludovic le More, qui aspirait au titre de duc de Milan, l'encouragea dans ses projets ambitieux, et l'expédition de Naples fut résolue.

Comme Alexandre VI doit avoir tous les torts possibles, on l'a accusé d'avoir appelé Charles VIll en Italie, et de s'être ensuite perfidement tourné contre lui. Commines ne dit pas un mot de cela ; une lettre de Ludovic le More, qui nomme tous les princes favorables à l'expédition, ne nomme pas le Pape. Voici ce que dit Roscoé : « Pour pénétrer aussi les vues d'Alexandre VI à cet égard, Charles VIII avait envoyé à Rome une seconde ambassade, à la tête de laquelle il avait placé d'Aubigny, son général, en qui il avait beaucoup de confiance. Le but principal de cette démarche était d'obtenir de Sa Sainteté, par promesses ou par menaces, l'investiture des États objet de la guerre. Si, comme plusieurs historiens l'ont prétendu, le Pape avait poussé le roi de France à son expédition, il faut avouer qu'il ne se serait pas fait scrupule de changer de sentiment. Sa réponse ne fut point favorable à Charles VIII.


Elle portait que la couronne de Naples avait été donnée trois fois par le Saint-Siège à la maison d'Aragon ; que l'investiture accordée à Ferdinand renfermait celle de son fils Alphonse ; que ces concessions ne pouvaient être annulées, à moins que Charles VIII n'eût un titre qui fût plus valable, et où Ton eût stipulé que ces actes d'investi- tures ne pouvaient préjudicier à personne ; que le royaume étant sous la protection immédiate du Saint-Siège, le Pape ne pouvait se persuader que Sa Majesté très-chré- tienne voulût ainsi contester les droits de l'Église et hasarder malgré ses avis une entreprise injuste ; qu'il serait plus conforme à la dignité du roi de France et à sa modération bien connue de soutenir ses droits légalement ; que c'était au Pape de juger ce grand procès, et que Sa Sainteté était prête à entendre les parties. Ces représentations furent ensuite consignées avec plus de force dans un bref apostolique où le Pape exhortait Charles VIII à joindre plutôt ses armes à celles des autres princes de l'Europe pour agir contre l'ennemi commun de la chrétienté, et à soumettre ses prétentions actuelles à la décision d'un juge pacifique. »

Le protestant Sismondi est, sur ce point, d'accord avec le protestant Roscoé : « Le pape Alexandre VI, dit-il, pro- testa contre la tentative du roi de France d'établir par les armes son droit au trône de Naples. C'était un fief du Saint-Siège, et le Pape seul, comme suzerain, devait juger les compétiteurs. Déjà ses prédécesseurs avaient accordé l'investiture du royaume à la maison d'Aragon ; une sentence apostolique pouvait seule réformer ce jugement en faveur des représentants de la maison d'Anjou. »

Alexandre VI ne fut donc ni perfide ni inconstant ; il n'appela point les armes françaises en Italie, il resta fidèle à l'alliance avec les princes d'Aragon, tant que ceux-ci ne le forcèrent pas de se tourner du côté de la France. Ferdinand mourut sur ces entrefaites, le 21 janvier 1494, et son fils Alphonse, qui lui succéda, reçut du Pape l'investiture de son royaume.


À suivre...

1 Histoire des Français, t. XV, pag. 152.-

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Message  Diane Mer 22 Déc 2010 - 18:40

Parmi les personnages qui appelaient Charles VIII en Italie se trouvait le cardinal Julien de la Rovère, qui répara si noblement cette faute lorsqu'il fut devenu Jules II ; on regrette d'avoir à nommer avec lui le cardinal Ascagne, comblé de faveurs par le Pape, mais entraîné dans la politique de son frère ; on n'est pas étonné de trouver parmi les mercenaires enrôlés au service du roi de France quelques-uns des principaux barons des États de l'Église, surtout les Colonna, les Ursins (Orsini) et les Savelli : cette trahison ne pouvait disposer favorablement Alexandre en faveur de la noblesse romaine.

Il n'entre pas dans notre plan de raconter en détail l'expédition de Charles VIII : la conquête du royaume de Naples se fît avec la rapidité de la foudre ; Charles perdit avec la même rapidité ce qu'il avait conquis. Alphonse II, abdiquant en faveur de Ferdinand II, alla mourir dans un cloître en Sicile. Ferdinand II, battu partout, s'enfuit aussi en Sicile, pendant que Charles VIII entrait triomphalement à Naples; rappelé sur le trône par un revirement d'opinion que produisit la mauvaise administration des Français, il mourut bientôt, et eut pour successeur son oncle Frédéric II, à qui succéda Ferdinand le Catholique quelques années plus tard. Quant à Charles VIII, il avait été obligé d'écraser une armée ennemie à Fornoue, pour pouvoir rentrer en France.

Mais nous devons nous arrêter avec lui à Florence et à Rome.

Pierre de Médicis n'avait pas su défendre la seigneurie de Florence, et avait traité avec Charles VII avec une facilité qui étonna les Français eux-mêmes. A Florence, le roi de France rencontra le dominicain Savonarole. La (?) urent le Magnifique, en accordant sa protection aux lettres et aux savants, avait malheureusement oublié que l'esprit du christianisme devait seul les inspirer ; à sa cour on mettait les œuvres de Platon au-dessus de l'Évangile, et la morale païenne était plus en honneur que celle de Jésus-Christ : le paganisme faisait invasion de toutes parts, et préparait, comme tant d'autres causes, l'avènement du protestantisme.

Sous Pierre II, fils de Laurent, il y eut une tentative de réaction chrétienne. Jérôme Savonarole, déjà célèbre sous Laurent par ses éloquentes prédications contre le sensualisme qui envahissait Florence, indirectement contre les Médicis, auteurs de cet amollissement et du relâchement des mœurs, redoubla ses appels à la pénitence, et se mit à annoncer à l'Italie les plus grands malheurs, si ses princes, si ses prêtres, si ses riches, si ses peuples ne se convertissaient pas.

L'entrée des Français, qu'il avait prédite, augmenta le crédit de ses paroles ; lorsque Pierre II fut chassé de Florence pour avoir eu la lâcheté de traiter Charles VIII au lieu de défendre la Toscane, Savonarole, qui eut le bonheur de préserver ses concitoyens de la colère de Charles, devint le maître de Florence. Il y introduisit une réforme complète : la ville tout entière, abjurant les plaisirs et les fêtes, le luxe et la parure, se trouva pendant trois ans transformée en un immense monastère où l'on n'entendait plus que les gémissements de la pénitence et les cantiques de la piété. Mais le moine dépassa les bornes permises au zèle le plus ardent : au lieu de se borner à prêcher contre les vices, il déclama plus d'une fois contre les personnes, et ne ménagea pas même le pape Alexandre VI. Florence commençait à regretter les fêtes et les plaisirs ; Savonarole fut accusé d'hérésie ; le Pape lui interdit la prédication, il désobéit, son crédit tomba tout à fait, et il périt sur le bûcher comme hérétique, en 1498. Sa mort fut chrétienne; s'il fut hérétique, il le fut sans intention ; il poussa à l'excès son ardeur de réforme, mais sa vie fut toujours pure, et la postérité est encore partagée sur le jugement définitif à porter sur lui.

Savonarole a eu le malheur de trouver des défenseurs parmi les plus grands ennemis de l'Église : les protestants en font un martyr de la réforme à naître et un précurseur de Luther ; sa désobéissance à l'égard du Saint-Siège suffit pour en faire un héros à leurs yeux. Nous dirons, avec M. Favé 1 : « Malgré des mœurs austères et une vie pure, Savonarole fut coupable. Il fut coupable d'avoir oublié sa mission conciliatrice pour répandre la discorde parmi les hommes. Il fut coupable d'un zèle indiscret. U fut coupable d'avoir outragé un Pape qui, selon Guichardin, ennemi d'Alexandre VI, ne sévit que quand il y fut contraint, et ne l'abandonna à ses ennemis qu'à son corps défendant, après avoir tenté de le ramener ; mais il a dû trouver grâce devant le souverain Juge, il a été purifié par le feu matériel et absous par le pouvoir des clefs ; il est mort le nom du Dieu de paix sur les lèvres ; paix aussi à sa mémoire ! »




À suivre...

1 Études critiques, § VIII.

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Message  Diane Dim 26 Déc 2010 - 17:27

Charles VIII devait passer par les États de l'Église pour se rendre à Naples; il brava l'excommunication dont Alexandre VI le menaçait, et entra sur le territoire ecclésiastique. Le roi de France protégeait hautement les ennemis du Pape ; il comblait d'honneurs les cardinaux de la Rovère, Ascagne Sforza, Colonna et Savelli, qui étaient en révolte ouverte. Alexandre VI, hors d'état de résister à des forces supérieures, demanda une trêve. Charles VIII envoya alors des ambassadeurs au Pape, et, joignant l'insulte aux mauvais procédés, il leur adjoignit deux des cardinaux révoltés, Sforza et Colonna. Alexandre VI fit arrêter les deux sujets rebelles, qu'il relâcha d'ailleurs quelque temps après : on lui en a fait un crime, on a dit qu'il avait violé le droit des gens ; c'est une assertion ridicule. Les négociations n'aboutirent pas : Charles VIII, après avoir ravagé les environs de Rome, entra en vainqueur dans la ville éternelle, pendant qu'Alexandre VI, cédant à l'orage, se retirait au château Saint-Ange.

C'est alors que six cardinaux, vendus à la France, pressèrent Charles VIII de faire déposer le Pape ; ils ne firent valoir que la simonie prétendue qui aurait amené l'élection d'Alexandre VI, ils ne parlèrent aucunement des désordres de la vie privée du Pontife : cela seul est une éclatante justification de Roderic Borgia. Cependant Charles VIII recula devant les propositions des cardinaux égarés, et il entra en arrangement avec le Pape, qui consentit à une réconciliation, mais qui refusa toujours de donner au roi de France l'investiture du royaume de Naples : fermeté dont l'histoire doit savoir gré au Pontife si universellement calomnié. Guichardin, qui prétend le contraire, se réfute lui-même en donnant pour date à l'investiture qu'avait consentie Alexandre VI le 8 septembre 1494, car ce ne fut que quatre mois après que Charles VIII entra dans Rome.

Inflexible sur ce qui concernait les droits d'un tiers et ceux de l'Église, Alexandre VI, pressé par la nécessité, avait accordé le reste, et il avait remis entre les mains de Charles VIII, qui prétendait au trône de Constantinople, le frère du sultan Bajazet, le prince Djem ou Zizim. Ce prince mourut au bout de quelques jours, et l'on n'a pas manqué l'occasion de dire que le pape Alexandre VI l'avait fait empoisonner avant de le remettre entre les mains du roi de France. On ignore encore la vraie cause de la mort de Zizim, mais on en sait assez pour que le Pape soit complètement disculpé. Les uns font mourir Zizim à Naples ; les autres à Terracine ; les uns prétendent que le Pape avait reçu de Bajazet une forte somme pour le débarrasser d'un rival; les autres disent que Zizim était un prince usé par les orgies et les débauches, qui ne conservait plus qu'un souffle de vie et qui succomba à la dyssenterie, presqu'aussitôt qu'il fut arrivé dans le camp de Charles VIII ; enfin, d'après une autre version, Zizim mourut d'un poison lent que lui aurait administré un renégat payé par Bajazet. Les deux dernières versions paraissent aujourd'hui les plus vraisemblables, et il est possible que les deux causes qu'elles signalent aient concouru à la mort du prince musulman 1.

Quoi qu'il en soit, on voit qu'Alexandre VI n'avait aucun motif d'être satisfait du roi de France ; aussi, sans entrer directement dans la ligue qui se forma au nord de la Péninsule contre ce prince, ne fit-il rien pour s'y opposer.

1 Voyez Défense d'Alexandre VI, l'Espagnol, sur la part qu'on lui attribue dans l'empoisonnement de Djem, par M. de Matthias, gentilhomme romain.




À suivre...


HISTOIRE POPULAIRE DES PAPES
LES PAPES DES TEMPS MODERNES
PAR J. CHANTRE L
TROISIÈME ÉDITION
TOME QUATRIÈME
PARIS C. DILLET, LIBRAIRE-ÉDITEUR
15, RUE DE SÈVRES, 15
1866.. pages 210-211
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Message  Diane Lun 27 Déc 2010 - 18:04

Lorsque Charles VIII repassa par Rome, il se retira à Orvieto avec la plupart des cardinaux. Charles VIII restitua les villes prises au Saint-Siège, se couvrit de gloire à Fornoue, et alla mourir d'apoplexie à Amboise dans la nuit du 7 au 8 avril 1497. Son cousin Louis XII lui succéda.

L'expédition des Français en Italie avait révélé le fond des cœurs : Alexandre VI connaissait les amis et les ennemis du Saint-Siège ; il n'y avait pas de temps à perdre pour affranchir la Papauté du joug de ses vassaux. En jetant les yeux autour de lui, il reconnut avec douleur qu'il ne pouvait guère se fier qu'à sa propre famille. Suivant la politique de ses prédécesseurs, il prit pour ses défenseurs ses propres enfants ou ses neveux.

On a reproché à Alexandre, comme aux autres Papes, cette politique : la justice force à reconnaître qu'elle leur était imposée par la nécessité ; il fallait bien qu'ils défendissent leurs droits et protégeassent leurs sujets. Il est vrai que souvent ils ne firent que donner à leurs neveux les fiefs qu'ils enlevaient à des vassaux rebelles, et que les Papes suivants avaient de nouvelles difficultés à vaincre ; mais ils trouvent encore leur excuse dans ce qui se faisait généralement à cette époque.

A l'ancienne féodalité avait succédé celle des princes apanages, en France et dans les autres pays ; les Papes suivaient presque nécessairement le mouvement général, et c'est une remarque qu'il est bon de faire que, à toutes les époques, la constitution politique des États de l'Église a été ce qu'était celle des principaux États contemporains.

La royauté temporelle, donnée aux Papes pour le soutien de leur indépendance et pour la plus grande facilité de leurs rapports avec les sociétés temporelles, revêt toujours à un degré plus ou moins grand le caractère de ces sociétés.

D'un autre côté, en remettant les fiefs des États de l'Église à des membres de leurs familles, les Papes formaient une nouvelle aristocratie intéressée, par son origine et par son esprit, à la splendeur de la royauté pontificale ; les États de l'Église se peuplaient peu à peu de ces familles qu'on pourrait appeler papales, et la fusion de toutes les parties de l'État dans un même esprit s'opérait plus rapidement. Il y eut des ingratitudes, il y eut des perfidies et des rébellions, mais l'histoire sérieuse constate que les résultats généraux ont tourné à l'avantage de la Papauté et des États de l'Église.

On a déjà vu qu'Alexandre VI avait procuré une alliance royale à Geoffroi Borgia, qui reçut le titre de prince de Squillace ; il obtint de Ferdinand le Catholique, pour François Borgia, le titre de duc de Gandie ; il pourvut César Borgia de l'archevêché de Pampelune, en commende, et le créa cardinal de Valence. C'est à cette occasion que des témoins affirmèrent que César n'était pas le fils d'Alexandre VI ; on a vu que leur assertion vaut au moins les assertions contraires. Le duc de Gandie fut chargé du commandement des troupes pontificales, et reçut en fief, du consentement du Sacré-Collège, la ville de Bénévent.

Alexandre VI essaya d'abord d'abattre les Orsini, qui s'étaient mis au service de la France, malgré ses défenses. Il y eut des victoires et des défaites. La maison des Orsini échappa à sa ruine, grâce à la valeur de l'Alviane, qui devait bientôt acquérir la réputation d'un des plus habiles généraux de son temps, et la paix se conclut : les Orsini payèrent les frais de la guerre et quarante mille ducats. Les troupes pontificales, renforcées par Gonsalve de Cordoue, qui venait de rétablir à Naples la domination de la maison d'Aragon, marchèrent ensuite contre Ostie, où le cardinal Julien de la Rovère s'était retranché ; Ostie fut prise, et l'autorité pontificale rétablie de ce côté.

C'est quelque temps après qu'eut lieu l'assassinat du duc de Gandie, le 14 juin 1497. Voici les circonstances de cet événement, d'après Burchard :...


À suivre..



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