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Demande à CLEMF...

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Message  Catherine Sam 25 Avr 2009 - 14:33

Cher CLEMF,

Il y a un an ou deux vous nous aviez donné un document papier, avec une très belle histoire : il s'agissait de religieuses russes qui ont été torturées pour n'avoir pas voulu se compromettre avec les schismatiques...

J'ai cherché partout..et je n'ai pas retrouvé ce papier, je ne l'ai pas non plus en fichier numérique...

C'était vraiment une très belle histoire, alors si vous l'avez encore pourriez-vous la mettre en ligne s'il vous plaît? Quand vous aurez le temps, bien sûr....

Ainsi tout le monde en profiterait...

Merci d'avance.
Catherine
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Message  Invité Dim 26 Avr 2009 - 16:42

On nous reproche de refuser de participer à une messe de Saint Pie V. Sous prétexte que celle-ci est valide, elle s’imposerait à nous comme obligation dominicale même si elle est célébrée en dehors des règles que l’Eglise impose …pour qu’elle soit agréable à Dieu.

Des personnes les plus compétentes de ce site ont insisté sur l’aspect canonique qui nous interdit une telle participation.

Par l’histoire authentique que Philothée me demande de reproduire sur ce site, nous auront le PEUVE PRATIQUE par un exemple d’authentiques martyrs que cette compromission est IMPOSSIBLE.

L’histoire de ces religieuses, c’est 7 ans d’intense martyr …simplement pour avoir refusé de mettre les pieds dans une église où se célébrait une messe VALIDE !



RÉCIT

de MAKRENA MIECZYSLAWSKA

ABBESSE DES BASILIENNES DE MINSK

ou

HISTOIRE D'UNE PERSÉCUTION DE SEPT ANS SOUFFERTE POUR LA FOI
PAR ELLE ET SES RELIGIEUSES


PARIS, Librairie de GAUME Frères, 4 Rue Cassette, 1846 .




Le récit que nous offrons à nos lecteurs a de quoi les surprendre et les épouvanter. L'on croirait lire les actes des martyrs sous Dèce ou Dioclétien, au lieu d'un épisode de l'histoire de Russie au XIXè siècle. Quelque incroyables que paraissent les faits rapportés par la Sœur MIECZYSLAWSKA devant la commission nommée par le Saint-Père pour l'interroger, nous pouvons en garantir l'authenticité. Ceux qui ont habité l'empire russe pendant quelques années, et ont vu de près le despotisme brutal des agents du pouvoir impérial, n'auront pas de peine à y ajouter une foi pleine et entière. Du reste, nous avons entre les mains une copie de ce récit qu'on nous a envoyée de Rome, copie qui est signée par la vénérable Abbesse et contresignée par les membres de la commission. Nous avons religieusement conservé les expressions et même les incorrections du texte français, tel qu'on nous l'a remis. Nous nous estimons heureux et fiers d'être les premiers à faire connaître à la France la seule relation vraiment authentique de ce long martyre, qui répond victorieusement aux ignobles dénégations de journaux stipendiés.


I. L'EXPULSION DE MINSK, PRISON ET PERSÉCUTION A WITEBSK (1838-1840)


Pendant l'été de 1838, SIEMASZKO (évêque apostat) nous invita, à trois reprises différentes et par écrit, à passer au schisme. Dans ses diatribes impies il donnait à saint Basile le nom de schismatique ; il disait que la règle de l'ordre des Basiliens n'était qu'une erreur grossière, à laquelle il avait enfin renoncé par la grâce de Dieu ; et qu'après avoir reconnu que la vérité n'existait que dans la religion soi-disant orthodoxe (grecque schismatique), il nous engageait en qualité de pasteur, nous ses brebis, à nous détacher de l'Eglise romaine et à abandonner la règle de saint Basile.
Ce blasphème de SIEMASZKO contre saint Basile et sa règle nous parut d'autant plus étrange que les schismatiques eux-mêmes vénèrent saint Basile comme saint, et que, dans leurs monastères, ils observent sa règle, mais défigurée, il est vrai, par bien des erreurs. Ce qui explique la haine de SIEMASZKO contre saint Basile et la rage si ostensiblement manifestée dans tout le cours de la persécution exercée contre la religion grecque-unie, c'est que les catholiques se servent, comme d'un bouclier invincible contre le schisme, de la doctrine et de la règle de ce père de l'Eglise, règle que les Basiliens et les Basiliennes observent dans toute son intégrité.

SIEMASZKO exigeait que nous missions au bas de la fatale invitation qu'il nous avait envoyée ces paroles : Nous l'avons lue ; ce qui aurait été pour lui l'équivalent de celles-ci : Nous l'avons acceptée. Après le premier et le second refus il insista fortement, après le troisième il nous menaça.
Se présentant en personne, et pour la première fois après son apostasie, il me demanda avec colère :
"Pourquoi n'as-tu pas signé l'écrit que je t'avais adressé par trois fois ?
- Parce que, dans cet écrit, j'ai découvert des mensonges infâmes.
- Que veux-tu dire par là ?
- Je veux dire que si, étant Basilien, tu as eu le malheur d'apostasier, c'est une preuve qu'après avoir reconnu l'ivraie parmi le bon grain, saint Basile t'a rejetée, ou bien que toi-même, te reconnaissant indigne de te trouver au nombre de ses enfants tu les as abandonnés par une double apostasie".
A ces paroles il grinça des dents et s'écria :
"Tais-toi, hydre infernale !
- Ne m'appelle pas hydre infernale, mais plutôt hydre de la vérité.
- Qui est-ce qui te donne l'audace de me tenir un pareil langage ?
- Dieu Lui-même.
- Qui est-ce qui te l'a appris ?
- L'Esprit-Saint.
- Sais-tu à qui tu parles ?
- À un apostat.
- Ne savez-vous pas que j'ai été votre évêque, votre pasteur, et que je suis à présent plus qu'évêque, plus que pasteur ?
- Oui, il est vrai ; tu as été notre pasteur; mais maintenant tu es le loup dévorant de ton troupeau".
Voyant le même courage dans toutes nos sœurs, il s'écria :
"Arrête, et redeviens ce que tu as toujours été ; je t'ai toujours connue bonne et douce comme un ange, et maintenant tu me parais être un démon.
- Tant que tu as été ange, je t'ai traité comme un ange ; mais, depuis que tu es devenu démon, je te traite comme je dois traiter un démon.
- Je te pardonne en faveur de la bénignité de l'empereur, qui veut bien vous accorder trois mois pour réfléchir ; si vous reconnaissez la vérité, vous jouirez de vos biens et vous mériterez la grâce de Sa Majesté ; mais si vous vous obstinez dans votre résistance, je vous annonce tout ce que vous pouvez vous figurer de plus affreux.
- Dans ce qu'il y a de plus affreux, nous choisirons le pire pour souffrir davantage ; mais nous n'abandonnerons jamais notre sainte foi catholique, apostolique et romaine".

Après le départ de SIEMASZKO, nous nous informâmes si les couvents voisins avaient eu à subir une semblable épreuve. Nous apprîmes que SIEMASZKO avait adressé de pareilles invitations par écrit, même à des religieuses du rit latin. Le troisième jour après cette scène commençait à peine lorsque SIEMASZKO, accompagné du gouverneur civil de MINSK, USZAKOFF, et d'une troupe armée força, à cinq heures du matin, les portes du couvent, et y entra au moment où nous sortions de nos cellules pour nous rendre au chœur. Les soldats se jetèrent sur les portes de nos chambres pour nous en défendre l'entrée. A la vue du danger, toutes les Sœurs se groupèrent autour de moi. (C'était un vendredi.)
"Où allez-vous nous ?" demanda brusquement SIEMASZKO.
- A la méditation.
- A la méditation, à la méditation", dit-il en souriant ; puis il ajouta :
"Par ordre de Sa Majesté, je vous avais accordé trois mois ; mais je viens dès le troisième jour, car le mal pourrait empirer. Voilà donc le dernier moment de liberté qui vous reste ; vous êtes encore libres de choisir entre les richesses que vous possédez, jointes à celles que la magnanimité de l'empereur est prête à y rajouter, si vous passez à la religion orthodoxe, et les travaux forcés et la Sibérie, si vous persistez dans votre refus.
- De ces deux choses nous choisissons la meilleure, c'est-à-dire les travaux forcés et cent Sibérie plutôt que d'abandonner Jésus-Christ et Son vicaire.
- Attendez un peu ; lorsqu'à force de verges je vous aurai enlevé la peau dans laquelle vous êtes nées, et qu'une autre peau aura recouvert vos os, vous deviendrez plus traitables".
Toutes mes Sœurs poussèrent un cri d'indignation, et j'entendis distinctement la voix de ma Sœur WAWRZECKA qui lui dit :
"Enlève notre peau, enlève notre chair, brise nos os ; mais nous resterons fidèles à Jésus-Christ et à Son vicaire".
A ces mots SIEMASZKO donna l'ordre aux soldats de nous chasser ; il blasphémait horriblement, et, enragé de colère contre moi, il s'écria :
"O sang de chien polonais ! sang de chien varsovien ! je t'arracherai la langue !"
Lorsque nous fûmes près de la porte de l'église, je me jetai aux pieds, non de SIEMASZKO, mais du gouverneur, en lui demandant avec un accent de douleur indicible la permission de faire nos adieux à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le Saint-Sacrement. SIEMASZKO me dit une nouvelle injure ; mais le gouverneur accéda à ma demande. Nous nous précipitâmes dans l'église en sanglotant, et, prosternées devant le Saint-Sacrement, nous priâmes ensemble pendant un instant.
"Seigneur, dîmes-nous, nous voulons ce que Vous voulez ; accompagnez-nous, fortifiez-nous, apprenez-nous les mystères de Votre Passion, pour que nous ayons la soif et le courage de mourir pour Vous".

Nous étions trente-cinq, et, lorsque les soldats reçurent l'ordre de nous chasser de l'église, trente-quatre se levèrent ; la trente-cinquième était restée morte devant le Saint-Sacrement : son cœur s'était ouvert de douleur et d'amour. Cette bonne Sœur s'appelait Rosalie LANSZECKA, religieuse depuis trente ans ; elle était âgée de cinquante-sept ans.
Au sortir de l'église je me jetai de nouveau aux pieds du gouverneur, en le suppliant de nous laisser emporter un crucifix, pour que la vue de notre Sauveur crucifié nous apprît à porter notre croix. SIEMASZKO s'obstinait à ne pas nous le permettre ; on avait même arraché de nos mains le crucifix contenant les reliques de saint Basile, qui était en argent, et enrichi de pierres fines ; mais le gouverneur nous permit au moins de porter devant nous celui qui était en bois, et dont on se servait dans les processions. Je le portai tout le long du chemin, l'appuyant sur mon épaule gauche. Ah ! que de consolations il nous donna dans toutes les peines de notre marche forcée, depuis MINSK jusqu'à WITEBSK ! Il était bien lourd, il est vrai, mais bien plus doux encore ! il nous mettait devant les yeux toute la Passion de Notre-Seigneur. Ah ! qu'elle est profonde la plaie de l'épaule gauche, sur laquelle notre Sauveur appuya la croix en la portant ! trois os décharnés en sortaient teints de ce sang précieux qui sauva le monde !!



Suite dans les jours qui suivent

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Message  Diane Dim 26 Avr 2009 - 16:49

Très , très intéressant cher CLEMF!

Merci pour ce dossier!

Au plaisir de vous relire ! Wink
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Message  gabrielle Dim 26 Avr 2009 - 18:44

Espérons que les jours passeront vite... Merci CLEMF
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Message  Catherine Dim 26 Avr 2009 - 19:41

Merci beaucoup cher CLEMF! sunny

Je me fais un plaisir de relire cette histoire...
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Message  Eric Dim 26 Avr 2009 - 20:38

...celui-là est mon frère a écrit :
L’histoire de ces religieuses, c’est 7 ans d’intense martyr …simplement pour avoir refusé de mettre les pieds dans une église où se célébrait une messe VALIDE* !
*... MAIS ..."SEULEMENT"... ILLICITE !!!

Je vous dis, à mon tour, MERCI CLEMF ! ...

... d'autant que je ne connaissais pas du tout l'histoire de ces bonnes religieuses de Minsk.

Merci aussi à Philothée d'avoir fait cette demande, ceci est très précieux pour notre foi !
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Message  ROBERT. Lun 27 Avr 2009 - 0:38

.

Que Dieu vous bénisse cher CLEMF, à quand le prochain jour ?
ROBERT.
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Message  Louis Lun 27 Avr 2009 - 2:09

Merci cher CLMF pour votre texte sur les Religieuses de Minsk !


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Message  Invité Lun 27 Avr 2009 - 9:23

Suite de la persécution des religieuses "non una cum"

"Lorsqu'on nous eut chassées, nos enfants s'éveillèrent en sursaut et coururent après nous en se lamentant et en criant :
"On a enlevé, nos mères ! on a enlevé nos mères !"
C'étaient nos orphelines, au nombre de quarante-sept et nos autres élèves au nombre de soixante environ. Aux cris des enfants, les habitants de la ville s'éveillèrent aussi, et les plus courageux et les plus zélés se joignirent à elles.
Ces bonnes âmes nous atteignirent à notre première halte, près d'une auberge nommée WYGODKA à une lieue environ, où l'on nous arrêta pour nous attacher deux à deux et nous mettre les fers aux pieds et aux mains.
Entourées de baïonnettes, nous ne pouvions donner que des pleurs à nos chères enfants et aux bons fidèles qui demandaient à genoux notre bénédiction, malgré les coups de crosse dont on les accablait.
Enfin on écarta et chassa le peuple, et on nous fit aller à marche forcée, sans égard à ce que beaucoup d'entre nous saignaient de la bouche et du nez à force de fatigue. On relevait celles qui tombaient en les frappant à coups re-doublés.
Après nous avoir enchaînées, on nous donna à chacune la valeur de 5 francs, nous promettant que tous les mois nous toucherions une pareille somme pour notre entretien ; mais jamais depuis on ne nous donna ni argent ni nourriture ; et les 5 francs à peine distribués nous furent aussitôt enlevés par l'officier commandant qui s'était chargé d'être notre économe et qui une fois seulement nous acheta du pain, du lait et de la bière.
Les plus zélés d'entre les habitants de MINSK nous suivirent de près pendant plusieurs heures ; mais on ne leur permit pas de nous offrir ni soulagement ni aumône quelconque.
Le premier jour on nous fit faire environ quinze lieues ; nous passâmes la nuit dans un village où nous fûmes lo-gées dans des cabanes de paysans, dont quelques-uns nous disaient des injures et d'autres s'apitoyaient sur nous et nous offraient même leur souper ; mais chacune de nous avait deux soldats qui ne permettaient pas qu'on nous offrit quelque chose de cuit.
Après sept jours d'une pareille marche nous arrivâmes à WITEBSK. La croix de Jésus-Christ fut notre force et no-tre soutien. Ce cher crucifix était sur mon épaule jour et nuit, et ma tète reposait continuellement sur les pieds de mon Maître ! Oh ! que ce Maître est doux !

A WITEBSK, on nous mit sous le commandement d'un PROTOPOPE, supérieur d'une espèce de couvent de religieu-ses schismatiques nommées CZERNICE , auxquelles on avait livré, six mois avant notre arrivée, le couvent des Basilien-nes de WITEBSK ; ce couvent, comme tous ceux des Basiliennes en Lituanie, était sous l'invocation de la très-sainte Trini-té. Les czernice qui encombraient déjà ce couvent y avaient été transportées du DON et du gouvernement d'lAROSLAFF ; c'étaient des femmes grossières et pour la plupart veuves de soldats russes ; nous ne les avons jamais vues prier ni tra-vailler. Leurs journées étaient employées à chanter des chansons obscènes, à s'injurier, à se battre jusqu'au sang et à se traîner par les cheveux. A la suite de pareilles scènes, leur abbesse ou Igumena, portant une espèce de crosse en main, allait sur les lieux et condamnait pour l'ordinaire les deux parties à des prosternations nombreuses devant elle, et à une amende en argent destinée à acheter de l'eau-de-vie dont elles buvaient toutes jusqu'à s'enivrer : ces orgies de tous les jours se terminaient par des chansons et des hurras en l'honneur de l'empereur NICOLAS.
C'est ainsi que les czernice s'acquittent de l'obligation qu'elles ont de prier pour l'empereur et sa famille, en échange de leur entretien et de la pension de 7 roubles en argent qu'elles perçoivent chaque mois du gouvernement.

Telles étaient les czernice que nous trouvâmes à Witebsk dans le couvent des Basiliennes, dont la persécution avait commencé six mois avant la nôtre. Chassées de leur maison, nos bonnes Sœurs avaient été entassées dans une seule pièce froide et humide, placée dans la cour des animaux, et là, dépouillées de tout, elles étaient condamnées aux travaux les plus vils pour le service des czernice.
Au moment de cette catastrophe, la communauté des Basiliennes de WITEBSK était composée de dix-huit Mères et Sœurs, sous une sainte abbesse nommée Eusébie TYMINSKA, avancée en âge ; nous ne l'avons plus trouvée ; elle avait déjà succombé avec quatre autres aux tourments et aux mauvais traitements dont on les accablait. Au moment de notre entrée dans ce lieu de douleur, l'officier qui nous y avait amenées, en nous déposant entre les mains du protopope, qui lui promit de remplir exactement les ordres de SIEMASZKO à notre égard, voulut aussi lui rendre le restant du peu d'ar-gent qu'on nous avait distribué près de MINSK, et dont il s'était fait l'administrateur ; mais le protopope lui dit de le garder pour lui. "Dieu vous le donne, ajouta-t-il, pour récompenser la fidélité avec laquelle vous avez accompagné ces prisonniè-res". On nous ôta ensuite les fers qui nous attachaient deux à deux, et on nous mit à chacune des chaînes aux pieds, que nous gardâmes nuit et jour durant les sept années que durèrent nos tourments.

Aussitôt que nous entrâmes dans la pièce qui devait nous servir de prison, les treize Basiliennes que nous y trou-vâmes se jetèrent à mes pieds tout en pleurs et s'écrièrent :
"Nous avons perdu notre mère, nous voilà orphelines ; adoptez-nous pour vos enfants, ô ma mère ! et nous ren-drons ensemble gloire au Seigneur".
Les popes, les czernice et les gardiens cherchaient à les détourner de cette effusion de cœur par des coups et autres mauvais traitements ; mais ils ne réussirent pas ; nous pleurâmes ensemble, nous unîmes nos prières et Dieu nous consola.

Tous les matins, avant de nous rendre au travail j'exhortais mes Sœurs en leur disant :
"Nous voulons ce que Dieu veut ; que Sa sainte volonté soit faite ! Allons gaiement au travail et aux souffrances, et n'en voulons pas à ceux qui nous martyrisent, car c'est la volonté de Dieu ; c'est pour Dieu que nous allons souffrir ; c'est pour Dieu que nous allons travailler".

La semaine d'après nous étions déjà entre les mains et sous les ordres du malheureux Père Iqnace MICHALE-WICZ, Basilien, notre ancien aumônier, autrefois très zélé et très exemplaire.
Lorsque naguère la nouvelle de l'apostasie de trois évêques grecs-unis et des persécutions qu'ils commençaient nous avait frappées et abattues, ce bon Père nous encourageait et nous soutenait dans la fidélité à la foi avec une admi-rable ardeur. Séparées de lui, nous l'appelions de nos vœux les plus sincères, et voilà qu'au bout de huit jours de notre détention à WITEBSK sa figure nous apparaît, mais avec une barbe postiche ; sa bouche s'ouvre, mais pour vomir le blasphème et le mensonge en langue moscovite, lui qui nous parlait toujours notre chère langue polonaise et qui nous enseignait l'amour de Dieu et la vérité. Ah ! qui pourrait comprendre notre douleur !
"Vous étiez notre Père, lui dis-je tout en pleurs, vous sauviez nos âmes, et vous voulez à présent les perdre ! Où sont donc vos enseignements et vos exemples ?
- Mes enfants, lorsque je vous prêchais la fidélité à l'Église romaine j'étais insensé, j'étais aveugle ; mais à pré-sent Dieu m'a ouvert les yeux".
Et après nous avoir débité la doctrine de SIESMASKO il dit :
" Me voilà donc apôtre !
- Apostat ! apostat ! s'écrièrent toutes mes Sœurs, et non pas apôtre!! "
Cette scène se renouvelait sans cesse, car ce malheureux était toujours à nos côtés, surveillant les travaux for-cés auxquels nous étions assujetties, et sa présence nous fut bien plus pénible que les coups terribles et multipliés dont il nous accablait. Il nous menaçait des tourments les plus horribles et parlait même de nous écorcher toutes vives. Nous lui répondions :
"Écorchez-nous ; nous sommes prêtes à suivre l'apôtre saint Barthélemy, mais nous ne suivrons jamais un apos-tat".

Nous fûmes astreintes aux services les plus vils et les plus durs auprès des czernice. Avant six heures du matin il nous fallait balayer toute la maison, la chauffer, préparer le bois, le porter, tirer de l'eau, la distribuer, et rétablir l'ordre et la propreté après les orgies de la veille.
A six heures on nous conduisait aux travaux forcés, qui variaient selon la saison. D'abord on nous fit tailler des pierres et les transporter dans des brouettes auxquelles on nous enchaînait. Depuis midi jusqu'à une heure, repos ; de-puis une heure jusqu'à la nuit, travaux forcés ; après quoi on nous employait, soit dans la cuisine, soit aux soins des bes-tiaux, soit à préparer le bois et l'eau pour le lendemain. Les czernice cherchaient tous les moyens de nous rendre ces services plus difficiles et plus pénibles : elles salissaient exprès la cuisine et la maison, versaient par terre l'eau que nous apportions, et à tout moment elles nous grondaient et nous frappaient impitoyablement.

Les travaux de la journée terminés, on nous enfermait dans notre prison sans ôter nos fers. Dans cette prison, il n'y avait pour tout ameublement qu'un peu de paille pour nous servir de lit ; mais l'ornement de notre demeure, la dou-ceur de nos murs, la force de nos âmes, c'était notre cher crucifix apporté de MINSK ; c'était notre église, notre autel, no-tre Maître, notre Père, notre Tout ! A ses pieds nous passions les nuits à veiller et à prier. Nous commencions par les prières et par les exercices de notre règle, que nous n'avions pas eu le loisir de faire pendant le jour; nous prenions à peine deux heures de sommeil : tel fut notre régime durant les sept années de notre martyr. Nous commencions toujours nos prières en nous prosternant la face contre terre pour demander à Dieu la conversion de l'empereur Nicolas.
La nourriture qu'on nous accordait était si misérable que souvent la faim nous forçait à nous nourrir de l'herbe des champs pendant l'été et à partager la nourriture des vaches et des cochons pendant l'hiver, malgré les coups et les me-naces des czernice ; qui nous disaient brutalement :
"Vous ne méritez pas la nourriture de nos cochons".

En hiver, malgré les rigueurs excessives du froid dans ce pays, on nous refusait le chauffage ; nos membres étaient souvent gelés et nos plaies en devenaient plus sensibles.
Au bout de deux mois environ (1838) commença le supplice de la flagellation, qu'on nous faisait subir deux fois par semaine ; l'ordre de SIESMASZKO portait trente coups de verges, mais MICHAKLEWICZ en ajoutait vingt de son propre chef.
Il y avait des semaines où la flagellation ne devait point avoir lieu ; mais bientôt, à l'instigation de MICHAKLEWICZ, SIESMASZKO ordonna que ce supplice devînt plus fréquent, pour nous punir de notre fidélité à la sainte Eglise.
Dans chaque circonstance je me faisais présenter les décrets de SIESMASZKO, et je les lisais à haute voix pour les faire connaître à toutes mes Sœurs.
Nous nous préparions à la flagellation en méditant sur celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; Sa Passion était no-tre force, notre soutien, notre consolation et notre remède, dans tous les genres de martyres dont on éprouva par la suite notre fidélité et notre constance.
On nous flagellait dans la cour, sous une espèce de hangar découvert de tous côtés, en présence de MICHAKLE-WICZ, des czernice, des popes, des diacres, des chantres, des enfants, et de tout ce qui vivait et blasphémait dans cette maison consacrée à la retraite et à la piété des épouses de Jésus-Christ ! "

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Message  Invité Mar 28 Avr 2009 - 8:46

Nos ennemis "les ysontout" qui nous appellent "les yapuriens" verront ici que les martyrs de la foi, non seulement ont été privé de TOUT mais qu'ils ont eu en partage des traitement à faire frémir des coeurs de pierre.
Ce qui nous menace, ce n'est pas cette privation dont ils nous accusent mais c'est peut-être ces insignes religieuses qui nous restent et que nous portons sans en être digne ainsi que la martyr en prévient son bourreau :

"Cette croix que tu m'apportes de la part de l'empereur, suspends-la sur ta poitrine qui en est déjà si richement décorée ; anciennement on attachait les brigands sur les croix, mais maintenant je vois les croix attachées sur un brigand. Va ! tu tenteras en vain les servantes de Dieu"
.

Ainsi, à l'exemple de ces admirables martyrs attachons-nous à être digne de ce que nous avons encore et repoussons avec la même foi qu'elles ce que l'on nous propose dans la compromission de la foi.


Suite du récit:


Après la lecture du décret, j'allais la première me prosterner pour recevoir les coups ; il ne fallait point nous tenir ; la croix de Jésus-Christ nous tenait assez pour empêcher de remuer sous les coups qui meurtrissaient les corps. Pendant tout le temps que durait ce supplice, il nous semblait voir Notre-Seigneur flagellé, et cette vue nous ôtait tout sentiment de douleur. Nous n'en avions qu'une seule, c'était celle de nous voir flageller toutes nues !... Mais, cette douleur, nous l'unissions aux douleurs de Notre-Seigneur :
"O Jésus, sauvez mon âme par Votre croix et Votre Passion !"
C'était le seul gémissement qu'on entendait à chacun des coups qui venaient déchirer de plus en plus nos corps meurtris. Et, pour aggraver ce supplice, on avait la cruauté de nous forcer à voir la flagellation de chacune d'entre nous, tandis que les czernice se réjouissaient, blasphémaient, frappaient des mains à la vue de notre sang qui ruisselait.
La flagellation terminée, nous entonnions le Te Deum, et nos bourreaux nous ramenaient aux travaux forcés, sans nous donner un instant de repos. La trace de nos pas était marquée par notre sang, et souvent nous apercevions sur notre corps des lambeaux de chair déchirée par les verges. Lorsque les plus faibles tombaient épuisées de fatigue, on les forçait à se relever à coups de bâton. Ce fut après une semblable flagellation qu'une de nos sœurs, Colombe GORSKA tomba évanouie en allant aux travaux. MICHAKLEWICZ la fit revenir à elle en la frappant rudement : elle se traîna jusqu'à sa brouette, la chargea encore ; mais, au premier effort qu'elle fit pour la conduire, elle expira.
Baptiste DOWNAR fut brûlée vive dans un grand poêle où les czernice l'enfermèrent après l'avoir envoyée pour allumer le feu.
Népomucène GROTKOWSKA mourut d'un coup terrible dont l'Igumena des czernice (c'est-à-dire leur abbesse) lui fendit la tête en la frappant d'une bûche, et cela pour avoir osé se servir d'un couteau pour gratter une tache de goudron sur le plancher, n'ayant pu l'enlever autrement.
Bientôt après, de nouvelles flagellations terminèrent le martyre de deux autres de nos Sœurs, Suzanne RYPINSKA et Colette SIELAWA ; cette dernière mourut le jour même du supplice, à la suite d'une scène que je vais raconter.

Nous étions tourmentées par la faim ; mais, de temps à autre, Dieu nous nourrissait en inspirant à de pauvres gens de nous jeter les restes de leur pain. La Sœur Colette, s'en étant aperçue ce jour-là, s'avança pour recueillir cette aumône ; mais une czernice l'ayant vue se jeta sur elle avec son bâton (car ces malheureuses ne se séparaient jamais de leur bâton, qu'elles portaient toujours en guise de sabre à leur côté, et dont elles nous frappaient en toutes rencontres). Après l'avoir assommée, elle lui donna des soufflets, lui déchira les joues, la saisit par les cheveux, et la jeta si violemment contre une pièce de bois qu'elle en eut une côte brisée. La bonne Sœur n'opposa aucune résistance, car nous n'en faisions jamais, et la nuit même elle expira sur mes genoux.

Nous étions arrivées depuis quelques mois à WITEBSK (1839) : après bien des épreuves et des tourments que MICHALEWICZ nous avait fait endurer sans succès, SIEMASZKO le réprimanda de ce qu'il n'avait point encore su vaincre notre constance et nous forcer à apostasier. MICHALEWICZ effrayé écrivit à SIEMASZKO que nous étions prêtes à embrasser le schisme, et que nous étions devenues entre ses mains comme de la cire molle. En attendant l'arrivée de SIEMASZKO il fit redoubler les tortures, afin d'obtenir en réalité ce qu'il avait faussement annoncé à SIEMASZKO ; et, pour mieux réussir, il nous divisa et nous enferma dans quatre cachots différents. Celui où j'étais avec huit de mes Sœurs était une cave froide, sombre, humide, et remplie de vers qui nous couvraient de la tête aux pieds, et entraient dans nos yeux, dans notre bouche et dans nos narines.
Sans nous être concertées, nous commençâmes le jour même une neuvaine, les unes pour les autres, afin d'obtenir la grâce de la persévérance. Les trois divisions dont nous étions séparées eurent pour nourriture, pendant les deux premiers jours, une livre de pain de son et une pinte d'eau ; cette ration fut depuis réduite à la moitié. À nous, on ne nous donnait ni pain ni eau ; nous mangions les restes de légumes pourris que l'on avait déposés dans la cave et que les vers n'avaient pas tout à fait rongés.
Nous passâmes dans cette nouvelle prison des moments fort heureux, je dirai même fort gais. Notre prière était continuelle, et nous improvisâmes un cantique qui fut notre délassement et notre consolation :
- Mon Dieu, c'est par Votre volonté que nous portons ces fers ; agréez nos souffrances et soutenez-nous toujours.
- Chassés de Votre maison où le travail nous fut si doux, vers qui porterons-nous nos plaintes contre les crimes de ces traîtres ?
- Mon Dieu, en vrai bienfaiteur, ah ! changez en joie notre tristesse ; éloignez le schisme de notre patrie : c'est là notre unique prière.
- Souffrons, esclaves du Seigneur ! Ah ! si nous combattons pour Lui, un jour Il tarira nos larmes, en faisant triompher la foi.
- Alors nous briserons nos chaînes, nous franchirons toute barrière. Que Votre volonté soit bénie ; Vous nous couronnerez au ciel.

MICHALEWICZ allait tous les jours de prison en prison avec un papier destiné à recevoir notre apostasie.
"Pourquoi résistez-vous inutilement ?" disait-il ; "toutes vos Sœurs ont déjà renoncé à l'Église romaine : voilà la formule qu'elles ont signée ; elles sont maintenant libres et contentes, et prennent leur café. Allons, mes enfants, signez ; le café vous attend".
Puis s'adressant à moi : "Eh bien, Madame l'Abbesse, ne vaut-il pas mieux redevenir abbesse que de se laisser ainsi manger vivante par les vers ? Allons, signez ; vos autres enfants ont déjà signé".
C'est ainsi qu'il essayait de nous tromper. Nous tremblions les unes pour les autres ! Enfin j'entendis une voix qui me dit : "Arrache ce papier". Je le pris des mains de l'apostat, je l'ouvris... il était tout blanc !....
"Ah ! traître, Judas, menteur, envoyé de Lucifer !.... reviens à ton Maître !" Il n'avait pas de bâton sur lui ; il se contenta de remplir ma bouche de vers et de pourriture, et s'en alla tout honteux.

Aussitôt la neuvaine terminée, on ouvrit les portes de nos prisons et on nous fit sortir pour nous remettre aux travaux forcés. Lorsque nous nous trouvâmes toutes aux brouettes, nous nous saluâmes les unes les autres avec une joie indicible.
"Notre Mère ! s'écrièrent nos Sœurs, vous êtes donc avec nous ?
- Je suis avec Dieu, leur répondis-je.
- Nous aussi, nous sommes avec Dieu...,
Et toutes nous nous jetâmes à genoux pour remercier Dieu d'une nouvelle victoire, et nous entonnâmes le Te Deum. Après quoi je dis à mes Sœurs : "Nous nous sommes bien reposées, mes enfants ; tâchons maintenant de bien travailler. Au travail ! au travail !"

SIEMASZKO ne tarda pas à se rendre à l'invitation de MICHALEWICZ. Les cloches annonçant son arrivée retentirent pendant une heure. Les czernice coururent au-devant de lui : nous l'attendions dans notre prison. SIEMASZKO vint à nous avec MICHALEWICZ, accompagné de son clergé. Après nous avoir saluées avec douceur, il nous dit :
"Je suis bien aise de vous voir.
- Nous aussi nous bénissons votre présence, si vous venez à nous en bon évêque et en bon pasteur. Mais si vous vous présentez de nouveau comme apostat, retirez-vous de nous !..."
Il nous répondit qu'il se rendait à notre invitation ; que cette invitation, jointe à la déclaration d'adhérer à la foi orthodoxe, avait dilaté son cœur ; qu'il me nommait Mère générale, et qu'en signe de ma nouvelle dignité il m'apportait une superbe crosse ainsi qu'une décoration, comme preuve de la bienveillance toute particulière de Sa Majesté l'empereur.
Nous crûmes d'abord que SIEMASZKO était fou ; mais en même temps une frayeur involontaire nous saisit... Nous craignions de compter un traître parmi nous... Mes Sœurs se regardaient les unes les autres avec stupeur ; mais enfin tous les yeux se portèrent sur moi.
"Infâme !... qu'as-tu dit ? m'écriais-je ; qui t'a appelé pour venir nous tenter encore ?...
- C'est toi-même", me dit-il.
A ces mots, mes Sœurs poussèrent un cri de détresse... puis le silence le plus morne succéda... Une douleur inexprimable m'oppressait... J'arrachais d'entre les mains de SIEMASZKO la prétendue supplique ; je l'ouvris en présence de mes Sœurs, et nous y vîmes la signature de MICHALEWICZ en gros caractères ; mais la main du traître avait tremblé.
- Ah ! c'est donc toi, monstre infernal, qui trompes même ton maître Satan !... Et je jetai avec indignation le funeste papier....
L'infâme osa répondre par un nouveau mensonge :
"Sang de chien polonais ! vous m'avez toutes léché les pieds en me demandant en grâce de faire en votre nom cette très humble supplique.
- Et tu ne crains pas Dieu que tu offenses par un mensonge aussi effronté ? Tu sais mieux que personne que nous ne craignons ni le martyre ni la mort ; comment donc aurions-nous pu te prier de nous amener ton complice, celui que tu reconnais, toi, pour ton archevêque, et qui pour nous n'est qu'un apostat comme toi ?"
Puis m'adressant à SIEMASZKO :
"Cette croix que tu m'apportes de la part de l'empereur, suspends-la sur ta poitrine qui en est déjà si richement décorée ; anciennement on attachait les brigands sur les croix, mais maintenant je vois les croix attachées sur un brigand. Va ! tu tenteras en vain les servantes de Dieu".
SIEMASZKO parut surpris, mais il ne changea pas de ton, voulant cette fois nous gagner par la douceur. Dès qu'il fut sorti, des larmes de joie coulèrent de nos yeux ; nous remerciâmes le Seigneur de la grâce qu'Il venait de nous accorder, et mes Sœurs se pressèrent autour de moi, en donnant un libre essor aux sentiments que la présence de l'évêque apostat avait si longtemps comprimés.
Le même jour, SIEMASZKO chargea un pope russe, nommé ANDRIANOW de faire l'enquête pour découvrir la vérité au sujet de la supplique signée par MICHALEWICZ ; il vit notre constance et nous menaça des plus grands supplices, et même de la mort. Rien ne put ébranler notre courage, Dieu Lui-même nous soutenait, et il s'en alla en vomissant contre nous mille injures.

Le lendemain, SIEMASZKO nous fit flageller sous ses fenêtres, et pour prix de sa visite il a eu notre sang. Il partit, après avoir maltraité MICHALEWICZ, qui s'en vengea sur nous, en devenant de plus en plus cruel. Il ne se contentait plus de nous battre, il nous jetait des pierres, les czernice aussi, et jusqu'aux enfants de chœur nous poursuivaient et nous maltraitaient, armés de bâtons pliés en deux en forme de knout.

On employait tous les moyens possibles pour aggraver le travail dont on nous accablait ; j'en citerai un exemple entre mille. Les czernice nous faisaient porter de l'eau de rivière pour le thé à l'eau-de-vie qu'elles prenaient plusieurs fois par jour ; nous portions cette eau dans des cruches de cuivre extrêmement pesantes, et le bras tendu, afin que, disaient-elles, l'esprit polonais ne passât point dans l'eau. La distance était grande, surtout en hiver, car il fallait faire un long détour pour arriver jusqu'à la rivière. Si, exténuées de fatigue, nous approchions la cruche de nous, aussitôt les czernice, qui nous accompagnaient partout, se jetaient sur nous, arrachaient la cruche d'entre nos mains et la renversaient sur nos têtes ; il fallait alors recommencer jusqu'à quatre ou cinq fois de suite. Un pareil bain, pris en hiver, nous entourait de glace pour toute la journée ; les coups de bâton seuls nous réchauffaient, et nous n'en manquions pas.


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Message  Monique Mar 28 Avr 2009 - 20:13

Merci cher CLEMF pour ce récit des plus intéressant, je continue à vous lire... Wink
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Message  ROBERT. Mar 28 Avr 2009 - 23:04

.

Quel exemple pour moi, qui me plaint de tout...!!
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Message  Invité Mer 29 Avr 2009 - 22:42

Suite du martyr des soeurs


"Au bout de quelques mois (1839), SIEMASZKO revint de nouveau pour consacrer, à sa manière, notre ancienne église, destinée désormais au culte schismatique. On avait voulu nous forcer à y travailler, mais nous préférâmes nous exposer à la colère de nos persécuteurs plutôt que d'y mettre la main. SIEMASZKO vint lui-même nous inviter à assister à la cérémonie ; il osa même prononcer les mots de confession et de communion. Nous lui répondîmes : "Dieu Lui-même nous prêche, et Il aura pitié de nos âmes sans ton absolution ; toi, apostat, tu as cessé d'être notre pasteur, ne t'embar-rasse donc plus de nos âmes, mais pense, si tu veux, à nos corps ; donne-nous à manger, car nous mourons de faim". SIEMASZKO s'en alla irrité ; il se plaça à la porte de l'église, et donna ordre de nous y faire entrer par force.
Alors une nuée de toute espèce de gens se jeta sur nous ; une grêle de coups nous assaillit. Toutes nos Sœurs furent, dans cette marche glorieuse, décorées de plaies sanglantes ; j'avais la tête fendue. Au moment où nous nous ap-prochâmes de l'église, notre sang ruisselait de toutes parts. Je m'écriai dans un transport de force surhumaine : "Mes Sœurs, au nom de Jésus-Christ, portons nos tètes sous la hache !" Dans ce moment la Sœur WAWRZECKA jeta une bû-che aux pieds de SIEMASZKO. Je saisis une hache qu'un ouvrier effrayé venait de laisser tomber. Toutes mes Sœurs se jetèrent à genoux ; et moi, à leur tête, un seul genou en terre, d'une voix forte, j'adjurai SIEMASZKO :
"Tu as été notre pasteur, sois à présent notre bourreau !... Semblable au père de sainte Barbe, assomme tes en-fants ! Prends cette hache, prends-la, tranche nos têtes !... Les voilà, fais-les rouler dans ton temple, car nos pieds n'y entreront jamais !... Prends cette hache, tranche nos têtes, je t'en conjure, tranche nos têtes !!... "
Je ne me rappelle pas les expressions, mais je me souviendrai toujours du feu divin qui m'animait lorsqu'à plu-sieurs reprises je répétai :
"Tranche nos tètes ; voilà la hache, voilà nos têtes".
SIEMASZKO avec un coup de poing fit sauter d'entre mes mains la hache, dont le tranchant alla frapper la jambe de ma Sœur Hortolane JAKUBOWSKA et lui fit une plaie profonde. Ensuite, en me souffletant terriblement il me cassa une dent. Je la pris et je la présentai à SIEMASZKO :
"Tiens, monstre ! conserve ce souvenir de la plus belle action de ta vie ; mets cette dent au milieu des diamants qui couvrent ton cœur de pierre ; elle y brillera plus que tous ces joyaux pour lesquels tu as vendu ton âme !... "
Alors SIEMASZKO eut une sorte de défaillance ; il dit :
«Elles m'ont fait mal».
Et il tomba entre les mains de ses popes, qui lui présentèrent à boire.
Nous entonnâmes le Te Deum en retournant aux travaux. Chemin faisant nous pansâmes nos plaies, qui nous étaient bien douces !

SIEMASZKO se consola de sa défaite dans une orgie avec les czernice, qui dura toute la nuit, car toute la nuit des hurras bruyants en l'honneur de l'empereur et de SIEMASZKO vinrent se mêler aux chants d'actions de grâces dont reten-tissait notre prison. MICHALEWICZ se vengeait de SIEMASZKO jusque sur le misérable chaudron dont nous nous servions pour faire chauffer la braha que quelques Juifs charitables nous donnaient de temps en temps : il le brisa d'un coup de son talon ferré, et nous priva ainsi de la seule nourriture chaude que nous pussions nous procurer, jusqu'à ce que le bon JANKIEL, l'un de nos bienfaiteurs, nous eut fourni un nouveau chaudron.

Cependant la persécution devenait de jour en jour plus violente. MICHALEWICZ, sans cesse ivre depuis son apos-tasie (lui qui jamais auparavant ne prenait une goutte de liqueur forte) portait habituellement une bouteille d'eau-de-vie dans sa manche. Un jour, en sortant de chez nous, il glissa, tomba la tète la première dans une mare d'eau et y expira. Dieu ! ayez pitié de son âme !... (1840.)
Les czernice, en apprenant cette nouvelle, nous menaçaient en nous disant :
"Vous êtes bien heureuses que cet accident soit arrivé le jour et non pas la nuit ; car nous vous en aurions accu-sées et vous auriez été fouettées à mort".
Depuis ce temps nous passâmes sous les ordres du pope IWANOW, qui nous maltraita plus cruellement encore, et nous répétait sans cesse : "Je ne suis pas un MICHALEWICZ" !


II. DÉPART POUR POLOCK ET SÉJOUR A SPAS (1840 - 1843)


Vers la fin de l'automne 1840, deux ans après notre arrivée à WITEBSK, nous apercûmes des soldats dans la cour. On nous mit des fers aux pieds et aux mains, en nous attachant deux à deux comme la première fois, et on nous fit marcher sans nous dire où nous allions.
Ah ! comment exprimer la douleur qui perça nos cœurs lorsqu'on arracha de mes mains le cher crucifix qui nous accompagnait depuis MINSK, et qui nous avait si bien gardées à WITEBSK. On nous l'arracha, notre bien-aimé, en disant : "Vous n'êtes pas dignes de porter le Christ !... "
C'était un vendredi : nous marchâmes deux jours en pleurant notre crucifix ; le dimanche après midi nous arrivâ-mes à POLOCK. On nous fit arrêter d'abord sur une place publique. Le bon peuple de cette ville cherchait à pénétrer jus-qu'à nous, à travers les baïonnettes, pour nous offrir secours et consolations ; les coups de crosse ne le découragèrent pas, jusqu'au moment où on nous fit continuer notre marche, devenue triomphante.
Le soir même on nous déposa au couvent des Basiliennes, occupé déjà par des popes russes, et des czernice. Nous y fûmes au pouvoir du protopope lwan WICROWKIN qui, toujours ivre, nous poursuivait une corde nouée à la main pour nous en frapper en toutes rencontres.
Nous trouvâmes dans notre prison dix Sœurs Basiliennes, débris de la communauté de POLOCK, composée de vingt-cinq Sœurs avant la persécution, qui avait commencé à la même époque que celle des Basiliennes de WITEBSK c'est-à-dire six mois avant la nôtre. Par suite de cette persécution, quinze d'entre elles avaient péri avant notre arrivée ; la Mère abbesse, nommée Honorine ROZANSKA, infirme et très avancée en âge, succomba une des premières (nous ne trouvâmes plus que dix Sœurs et un cadavre !). Au moment de notre entrée en prison les dix Sœurs qui s'y trouvaient se jetèrent à mes pieds, comme l'avaient fait celles de WITEBSK, et, en prononçant les mêmes paroles, me prièrent d'être leur mère et m'offrirent leur obéissance. Nous nous embrassâmes en pleurant ; je bénis mes nouvelles filles et nous ren-dîmes gloire au Seigneur.

Parmi nos Sœurs de POLOCK nous en trouvâmes deux atteintes d'aliénation mentale par suite d'un ébranlement du cerveau, occasionné par les coups et les tourments de tous genres qu'on leur avait fait subir. Malgré cela, elles furent chargées de chaînes comme les autres ; on les attachait aux brouettes, et on leur imposait les travaux forcés comme à nous. La première, Elisabeth FILIHAUZER mourut bientôt après notre arrivée : elle expira sur mes genoux ayant les pou-mons déchirés et plusieurs os brisés. La seconde, nommée Thérèse BIENIECKA, vécut encore avec nous environ six mois; sa folie avait quelque chose de touchant : elle s'acquittait de son service auprès des czernice sans faire paraître le moin-dre signe d'aliénation ; mais, dès qu'on l'avait attachée à sa brouette, elle entrait dans une espèce d'extase, frappait sa brouette comme on frappe un tambour, et son petit crucifix à la main, elle chantait avec un accent indicible des vers qu'elle avait composés depuis sa folie, bien qu'auparavant elle n'eut jamais eu aucun goût pour la poésie. Elle relevait son crucifix, le serrait contre son cœur, et jamais les popes ni les czernice ne parvinrent à le lui arracher. Elle terminait en prononçant majestueusement ces paroles de l'Évangile : "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté". Alors elle se tranquillisait, mais un instant après elle recommençait. Un jour en rentrant dans notre prison nous y trouvâmes notre chère fille morte tout ensanglantée. On voit qu'elle avait expiré sous les coups des bourreaux ; paix à son âme !

Nous perdîmes ces deux Sœurs, non au couvent des Basiliennes où nous les trouvâmes en arrivant à POLOCK, mais dans une maison nommée SPAS, qui signifie Sauveur, située à une lieue environ de la ville, sur une hauteur couron-née par une église ; cette église, d'abord grecque-unie, avait appartenu ensuite aux Jésuites, et avait été enfin profanée par le culte schismatique. Près de cette église il y a une maison spacieuse avec un enclos : non loin de là s'élève une col-line nommée LYSA GORA. Ce fut là qu'on nous transféra du couvent des Basiliennes, quelques jours après notre arrivée, ainsi que tout ce qui habitait cette maison. On nous y plaça d'abord pour nous éloigner de la ville, dont les habitants nous jetaient du pain par-dessus les murs, puis pour nous y employer aux travaux forcés qui nous y attendaient. On commen-ça par nous faire transporter les meubles et les provisions des czernice dans leur nouvelle demeure ; ensuite on nous employa à niveler la montagne sur laquelle nous devions bâtir un palais à SIESMASZKO.

Pendant l'hiver (1840 - 1841) nous fûmes visitées deux fois par le ci-devant évêque grec-uni de POLOCK nommé LUZYNSKI, l'un des trois évêques apostats. On voyait qu'il était déchiré de remords ; les seules paroles que nous lui en-tendimes prononcer furent celles-ci :
"Comment, vous portez-vous ?"
Puis en partant il nous disait :
"Portez-vous bien".
Il paraissait honteux de son apostasie. Pendant qu'on lui lisait la liste des Sœurs, il avait souvent les larmes aux yeux. SIESMASZKO le dénonça comme atteint d'aliénation mentale, parce qu'il avait refusé d'ajouter de nouvelles tortures à celles que nous endurions déjà.
Les czernice de POLOCK nous traitèrent de la même manière que celles de WITEBSK, avec la différence que, comme elles étaient plus nombreuses, elles nous faisaient souffrir davantage; nous avions plus d'occupations auprès d'elles et plus de coups de bâton.
Quant aux travaux forcés, le plus pénible était celui de casser les pierres : les outils nous manquaient, il fallait les briser avec une autre pierre ; la fatigue que nous en éprouvions était si grande que les os de nos bras en étaient déboî-tés; ils sortaient de leurs jointures, et nous nous trouvions dans l'impossibilité d'agir jusqu'à ce que nous nous les fussions remis mutuellement à leur place. Nos cous et nos têtes se couvraient de glandes très douloureuses ; nos mains enflaient et se fendaient, le sang en coulait ainsi que des autres parties de notre corps, quelquefois avec tant d'abondance que nos vêtements en étaient imprégnés et qu'il se répandait jusqu'à terre. A chaque instant nous sentions nos forces défaillir et nous croyions expirer...
Cette souffrance était si grande, notre corps dans une agitation si continuelle et si douloureuse, nos os étaient tel-lement brisés, qu'il n'y avait pas moyen de nous coucher ni de fermer l'œil à cause des douleurs de tète que nous éprou-vions. Nous passions les nuits assises, adossées l'une à l'autre. Cependant le lendemain le bon Dieu donnait de nouvel-les forces à Ses ouvrières, qui travaillaient toujours de très bon cœur. Les travaux dont on nous surchargeait étaient évi-demment au-dessus de nos forces. Par surcroît de cruauté, jamais on ne permettait aux Sœurs de s'entraider : nous souffrîmes de cette défense surtout en travaillant à la construction du palais de SIEMASZKO.

Beaucoup de nos Sœurs moururent en cette occasion : dans l'espace de huit jours nous en perdîmes trois de la manière suivante :



Je m'absente huit jours et pour qu'il n'y ait pas une regrettable coupure dans ce recit si édifiant, je vais confier l'emission de la suite à Philothée qui a eu le mérite de l'initiative pour mettre ce récit sur le forum.
Ce récit est fait pour nous entrainer à HAIR et NOUS COUPER de l'Eglise concilaire en ne lui donnant que le droit à notre mépris le plus profond.
Nous remarquons en effet, une patience angélique des soeurs pour souffrir tous les tourments qu'elles ont enduré MAIS une fermeté et une sainte audace pour défendre l'honneur du culte catholique.
Dans la tourmente où nous vivons actuellement et dans la confusion que l'on rencontre même chez les personnes pieuses, il faut prier que cet exemple coupera court à des sophismes sans fin et donnera la lumière par l'exemple. Et il n'en maque pas dans ce récit?

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Message  Catherine Jeu 30 Avr 2009 - 8:40

Suite du récit:



Il fallait tirer jusqu'au troisième étage des seaux remplis de chaux. Ces seaux étaient extrêmement lourds, et on ne mettait à cet ouvrage qu'une seule Sœur à la fois. Après en avoir enlevé deux on trois, les forces manquaient ; le seau, par sa pesanteur, arrachait la corde des mains de celle qui n'en pouvait plus, tombait sur la tête de la pauvre Sœur et l'écrasait. Elle expirait ainsi sans douleur... Mais quelle était celle qui nous déchirait lorsque nous voyions emporter les corps de nos Sœurs sur une brouette, pour les jeter je ne sais où, sans qu'on nous permît d'embrasser ces restes précieux et de leur rendre les derniers devoirs.


Voici les noms vénérables de nos trois Sœurs qui moururent ainsi : Rosalie Ilgocka, Gertrude Sieciecka, Népomucène Landanska.

Pendant le même été (1841), cinq de nos Sœurs furent ensevelies dans une excavation qu'elles faisaient pour extraire de la terre glaise. La fosse était déjà très profonde, et de larges crevasses menaçaient d'un éboulement prochain. On en avertit les popes, mais ils répondirent : "Que la terre les engloutisse !" Le jour même leurs dépouilles mortelles y reposèrent sans avoir été souillées par la main des bourreaux, et leurs âmes sont dans le ciel !...Voici leurs noms: Euphémie Gurzynska, Çlémentine Zebrowska, Catherine Korycka, Élisabeth Tyzenhauz, Irène Kwinto.

Peu d'heures après, neuf autres Sœurs périrent encore, et voici comment :

A la veille de terminer le troisième étage du palais de Siesmaszko, cinq d'entre elles travaillaient sur l'échafaudage et quatre dessous : j'étais moi-même sur les planches lorsque ma Sœur Rosalie Meduniecka, occupée à passer le gravier, m'appela et me dit :

"Ma Mère, je n'en peux plus !"

J'étais la seule qui fût autorisée à échanger mon ouvrage contre celui sous lequel succombaient mes Sœurs. Je descendis à l'instant, et la Sœur Rosalie monta. Mais à peine m'étais-je éloignée de quelques pas qu'un bruit terrible fit trembler la terre sous mes pieds ; je lève les yeux... le mur auquel on travaillait venait de s'écrouler, et mes neuf Sœurs avaient disparu sous les décombres !

Oh ! comment ai-je pu survivre à cette catastrophe ?... Que Votre volonté soit faite, ô Seigneur ! Pourquoi donc m'avez-Vous frappée si fort ? Mais que Votre volonté soit faite ! Et je tombai sans connaissance sur le gravier. Puis revenant à moi, je priai à haute voix pour me faire entendre jusque dans le ciel ; je me plaignais à Dieu du mal qu'Il m'avait fait et je L'en remerciais pourtant de tout mon cœur ! Mais nos gardiens n'aimaient pas la prière : ils me traînèrent à l'écart, et là je reçus le prix de ma sensibilité par trop grande ; on me flagella cruellement, puis on me poussa au travail en disant :

"Va travailler; tu périras aussi comme un chien ; Dieu te tuera de la même manière, pour te punir de ton opiniâtreté".

Les czernice étaient là battant des mains et blasphémant.

Voici les noms de ces nouvelles martyres. - 1. Rosalie princesse Meduniecka ; - 2. Geneviève Kuleska ; - 3. Onuphre Sielawa ; - 4. Josaphate Grrrotkowska ; - 5. Calixte Babianska ; - 6. Joséphine Gurzynska ; - 7. Casimire Baniewicz ; - 8. Clotilde Tarnowska ; - 9. Cléophe Krysztalewicz

Les cinq premières se trouvaient sur l'échafaudage, les quatre autres dessous. Après une perte aussi considérable d'ouvrières, on fut obligé de suspendre la bâtisse et on nous employa à battre les pierres, à bêcher, à transporter le bois, la terre, etc. Au bout de quelques semaines nous reprîmes les travaux : on se hâtait de les terminer, Siemaszko devant arriver sous peu de jours.

L'église destinée au culte des schismatiques fut ornée à leur manière. Un matin on y trouva l'inscription suivante en vers russes :


Ici, au lieu de monastères,
La Sibérie, et les galères.


On nous accusa de l'avoir faite et on nous flagella deux fois dans la journée si cruellement que deux de mes Sœurs en moururent. Elles expirèrent sur mes genoux : Onuphre Glebocka le soir même, et Mariancelle Siemniszek le lendemain matin.

Le protopope Wierowkin écrivit à Siemaszko que, saisies d'effroi à la vue de la mort d'un si grand nombre de nos Sœurs, nous étions prêtes à passer à la religion orthodoxe. Ce rapport hâta l'arrivée de l'évêque apostat, occupé à fermer et à sceller les églises catholiques de cette province,

Il arriva en automne 1841, un an après notre translation à Polock. Il nous salua par ces paroles :

"Comment allez-vous ?"

Ensuite il témoigna son contentement de ce que, terrassées par la colère de Dieu, qui s'était manifestée sur nous, disait-il, nous renoncions à notre ancien entêtement, et étions prêtes à accepter les bénéfices de la religion orthodoxe. Je répondis :

"Qui t'a prié de venir nous tenter encore ?

- Toi-même.

- Comment, moi ?

- Si ce n'est toi, ce sont donc tes Sœurs qui l'ont demandé.

- Lesquelles ?"

A ces mots toutes mes Sœurs poussèrent un cri d'indignation, et moi, me tournant vers Siemaszko, je lui dis :

"Apostat ! tu veux nous surprendre pharisaïquement ; mais tu n'y réussiras pas, car nous sommes, et, Dieu aidant, nous serons toujours prêtes à mourir pour la foi comme sont mortes nos Sœurs.

- Tu oses me parler encore de la sorte ! Ne sais-tu donc pas à qui tu parles ?

- Oui, je le sais : à un apostat, à un traître à l'Eglise et à Jésus-Christ".

Siemaszko me frappa sur la joue.

"Notre-Seigneur, lui dis-je, nous ordonne de présenter l'autre joue lorsqu'on nous a frappé sur la première ; la voilà, frappe si tu oses... "

Il osa... C'est en me souffletant de la sorte, presqu'à chacune de ses visites, qu'il me cassa neuf dents.

"Je te ferai voir qui je suis, me dit-il d'un ton menaçant ; je te ferai voir que l'empereur et moi c'est la même chose".

Alors il tira de sa poche un papier qu'il déplia soigneusement, et, le mettant entre mes mains, il m'ordonna de lire à haute voix pour que toutes les Sœurs l'entendissent, l'ukase de l'empereur, conçu à peu près en ces termes :

"Tout ce que l'archi-archi-archivey (c'est-à-dire trois fois archevêque) Siemaszko a fait, et tout ce qu'il fera pour la propagation de la religion orthodoxe, je l'approuve, le confirme et le déclare saint, saint, trois fois saint, et j'ordonne que personne n'ose en rien lui résister : j'ordonne aussi qu'en cas de résistance quelconque les autorités militaires, à la simple réclamation de l'archi-archi-archivey Siemaszko, à toute heure et partout, lui fournissent autant de force armée qu'il en demandera, et cet ukase, je le signe de ma propre main". Signé NICOLAS ler

Pendant que je lisais cet ukase, Siemaszko applaudissait du geste et me répétait :

"Lis bien, vois bien, regarde de tes deux yeux et non pas d'un œil et demi ; entends-tu ? regarde bien avec tes deux yeux".

Dès que j'eus terminé, il nous montra la pétition que nous avions fait passer à l'empereur lors de notre arrivée à Polock, et dans laquelle nous protestions que nous abandonnions au gouvernement et nos biens et la pension qui nous avait été promise en quittant Minsk, mais qui ne nous était pas payée (cette pension devait être de 3 sous environ par semaine). Nous renoncions, dis-je, à tout pourvu qu'on nous laissât mourir libres dans notre sainte religion.

Siemaszko déplia la pétition comme il avait déplié l'ukase, et, de la même main, dont il tenait ce papier, il m'asséna un coup de poing si violent sur la figure que pendant près d'un an je ne pus parler distinctement, les cartilages de la partie supérieure du nez ayant été grièvement offensés. "Je vous apprendrai, nous disait-il en nous menaçant encore, je vous apprendrai à écrire à l'empereur !"

Nous reconnûmes notre pétition, et nous lûmes ces paroles qui avaient été mises à la marge : Leur demande sera exaucée si elles changent de religion.

"Tu vois bien maintenant, ajouta l'apostat, que l'empereur et moi c'est la même chose" ;

et il me frappa de nouveau si rudement que j'en fus toute couverte de sang. Il me saisit ensuite par les épaules, me jeta à terre et me foula aux pieds.

A cette vue mes Sœurs se lamentaient hautement, et mon assistante, la Sœur Wawrzecka, me dit :

"Ma mère, permettez-moi de le mettre à la raison".

Je lui ordonnai de ne rien faire et elle m'obéit. Siemaszko assouvissait sa rage sur moi seule, n'osant frapper la Sœur Wawrzecka, quoiqu'elle se mît en avant pour parer ses coups et les provoquer contre elle. Enfin, fatigué de me battre, il me demanda :

"Qui a écrit cette pétition ?

- Moi, répondis-je.

- Nous toutes, répondirent les Sœurs.

- Qui vous a donné du papier timbré ?

- Des pauvres nous en ont acheté.

- Qui l'a composée ?

- Nous-mêmes".

Sa rage allait au-delà de toute expression.

"Lorsque je vous aurai fait écorcher par trois fois, que je vous aurai ôté trois peaux, une que vous avez reçue de Dieu et les deux autres de l'empereur, c'est-à-dire celles qui reviendront après, vous me direz la vérité".

Puis il s'en alla en blasphémant, après avoir donné ordre de nous appliquer à la question. On nous flagella donc sans compter les coups jusqu'à la nuit, demandant toujours qui nous avait fourni le papier, qui avait composé la pétition, etc. Cette nuit, même, la Sœur Basilisse Holinska mourut des suites de ce supplice : comme tant d'autres, elle expira sur mes genoux. On ne put rien apprendre, et on nous jeta, baignées de sang, dans notre prison jusqu'au lendemain à midi, qu'on nous remit aux travaux forcés.
Depuis ce jour, et pendant bien longtemps, on éloigna de nous les pauvres, et on nous priva ainsi de la consolation de partager leur pain. Sans les Juifs, que les popes et les czernice redoutent parce qu'ils leur doivent toujours de l'argent pour l'eau-de-vie, sans les Juifs, dis-je, qui nous donnaient de temps en temps la braha, c'est-à-dire le marc de l'eau-de-vie faite avec le blé, nous serions peut-être mortes de faim.


Dernière édition par Philothée le Ven 1 Mai 2009 - 9:04, édité 1 fois
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Message  Diane Jeu 30 Avr 2009 - 17:56

Merci à vous, chère Philothée pour la suite captivante de ce récit!
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Message  Louis Jeu 30 Avr 2009 - 22:29

Merci, chère Philothée pour continuer le récit ... vous portez bien votre nom !

Merci
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Message  Monique Ven 1 Mai 2009 - 0:43

...celui-là est mon frère a écrit:Suite du martyr des soeurs

Je m'absente huit jours et pour qu'il n'y ait pas une regrettable coupure dans ce recit si édifiant, je vais confier l'emission de la suite à Philothée qui a eu le mérite de l'initiative pour mettre ce récit sur le forum.
Ce récit est fait pour nous entrainer à HAIR et NOUS COUPER de l'Eglise concilaire en ne lui donnant que le droit à notre mépris le plus profond.

Merci cher ami, que durant votre absence vous confier ce récit à notre chère amie Philothée, comme cela nous n'en perdons pas la continuité de ce récit tellement édifiant.

Merci à vous chère Philothée de nous faire partager la suite de ce récit.

Que Dieu bénisse votre travail et votre intervention. sunny
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Message  Catherine Ven 1 Mai 2009 - 8:59

Merci à tous, mais je n'ai aucun mérite, CLEMF m'a envoyé le document par mail tout prêt à mettre en ligne...

Alors voici la suite:
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Message  Catherine Ven 1 Mai 2009 - 9:03

Siesmaszko revint le lendemain ; le son des cloches qui retentirent pendant une heure nous annonça son arrivée. Aussitôt mes Sœurs m'entourèrent toutes tremblantes, à genoux, en pleurant ; elles me dirent :

"Ma Mère, nous vous en supplions, ne répondez rien à ce monstre, car il vous tuera et nous resterons orphelines.

- Qu'il me tue, mes enfants, qu'il me tue ! Pourvu que ce soit pour Dieu que je meure, Il ne vous laissera pas orphelines, Il sera votre Père et votre Mère".

Siemaszko vint à nous ; comme à l'ordinaire, il nous exhorta à l'apostasie, nous menaça, nous maudit, et voulait absolument savoir qui avait composé la pétition et qui avait fait les vers trouvés dans l'église profanée dont j'ai parlé plus haut. Ce soir-là, il ne me donna que trois soufflets pour le nom d'apostat dont nous l'appelions toujours. Fatigué de notre fermeté il nous quitta, disant à Wierowkin :

"Tourmente-les, tourmente-les toujours davantage ; je saurai en venir à bout".

Notre misère s'aggravait donc de plus en plus ; nos travaux étaient plus durs, nos tourments plus multipliés, notre faim plus cruelle. On ne laissait plus parvenir les aumônes. Une des czernice, touchée de nos souffrances, nous donna des pois crus. Les autres l'ayant vue se jetèrent sur nous comme des enragées, arrachèrent d'entre nos mains le sac qui contenait ces pois et nous en frappèrent sur la tête. Ensuite on fit une enquête pour savoir quelles étaient nos relations avec cette bonne czernice, que nous avions vue alors pour la première et la dernière fois. Enfin, pour prix de ces pois dont on nous priva, on nous donna trente coups de verges à chacune.

L'hiver qui suivit fut plus cruel que les précédents (1841 - 1842).

Au retour du printemps (1842), les travaux forcés et les flagellations recommencèrent par ordre de Siesmaszko qui nous opprimait toujours impitoyablement. Il nous envoyait sans cesse de nouveaux popes, qui recommençaient auprès de nous leurs sermons ordinaires, mais toujours sans succès. Sur leurs dénonciations réitérées on nous flagella deux fois par semaine, cinquante coups à la fois et avec beaucoup de cruauté.

À la flagellation nous perdîmes trois Sœurs : Séraphine Szczerbinska, âgée de soixante-douze ans, mourut la première. Au trentième coup le nom de Jésus ne s'échappa plus de ses lèvres ; son âme était déjà au ciel. Vingt coups restaient encore pour l'exécution du décret : on les frappa sur le cadavre...

La seconde, Stanislas Dowgial, expira sur mes genoux, deux heures après la flagellation, invoquant aussi à tout moment le doux nom de Jésus, et en nous disant : "Ne pleurez pas sur moi, mes souffrances vont finir ; mais pleurez sur les maux qui vous attendent encore".

La troisième, Nathalie Narbut, prolongea son agonie jusqu'à la nuit. Couchée par terre, la tête sur mes genoux, elle me regardait avec une expression de douceur indicible, en serrant son crucifix contre son cœur et sur ses lèvres ensanglantées. Elle répétait sans cesse ces touchantes paroles :

"O mon Jésus ! viens me consoler, car je T'aime de tout mon cœur".

C'est en prononcent ces mots :

"Je T'aime de tout mon cœur", qu'elle expira.

Après une sixième flagellation semblable, lorsque la nouvelle s'en répandit dans la ville, la femme du général russe commandant la force militaire se jeta aux pieds de son mari et nous recommanda à sa charité : le respectable vieillard arriva au moment où le supplice allait recommencer ; à la vue de tout cet appareil, la femme du général (une Polonaise) s'évanouit ; son mari, tout ému, s'approcha du protopope Wierowkin, arracha d'entre ses mains l'ordre de Siesmaszko, et lui dit :

"Que fais-tu, malheureux pope ? Es-tu donc un bourreau pour tourmenter ainsi ces filles innocentes ?

- J'exécute le décret de l'archi-archi-archivey.

- Si tu exécutes l'ordre de ton apostat, je te ferai pendre. L'empereur ne connaît pas les horribles tourments que vous faites endurer à vos victimes, et lorsqu'il apprendra que je t'ai pendu, il pensera peut-être : le bon vieillard a perdu la tête ; mais toi, tu n'en seras pas moins pendu".

Il jeta le décret, nous fit ramener en prison, et nous laissa 100 roubles d'aumône (valeur de 100 francs), avec lesquels Wierowkin nous acheta seulement un peu de pain et du sel, conservant sans doute le reste de l'argent en compensation des soins qu'il nous donnait.

On cessa les flagellations, mais la compassion du général tourna à notre plus grand bien, sans doute, car elle fut l'occasion de plus cruelles souffrances encore : il ignorait que Siesmaszko agissait avec les pouvoirs de l'empereur. Aussitôt que l'évêque apostat eut appris la conduite du général à notre égard, il s'enflamma de colère et nous fit ressentir tout le poids de sa vengeance.

Arrivé à Polock (1842) pour visiter son palais que nous avions terminé, et pour consacrer l'église, il nous aborda d'un air menaçant et nous dit :

"A quoi avez-vous pensé en profitant de l'appui que le général vous a donné ? Je lui apprendrai, et à vous aussi, à respecter les ordres de l'empereur".

Il menaçait Wierowkin de le faire pendre, et prétendait que Sa Majesté dirait seulement : le vieillard a perdu la tète ;

"et moi je vous dis qu'il avait perdu la tête au moment où il vous disait cela. C'est moi qui ai le pouvoir de le faire pendre, ce malheureux. Ah ! ah ! il a dit que l'empereur ne savait rien de ce que je faisais ! Comment a-t-il osé parler de la sorte ?"

Puis, montrant de nouveau l'ukase par lequel l'empereur reconnaissait pour saint et très-saint tout ce que Siesmaszko avait fait et ferait encore, etc., etc.

"Et cela, ajouta-t-il, qu'en dites-vous ?... Je vous ferai pendre cent fois par jour".

- Pends-nous, pends-nous mille fois ! s'écrièrent toutes les Sœurs ; fais avec notre corps tout ce que tu voudras, mais tu n'auras pas de prise sur nos âmes ; tu ne parviendras jamais à nous faire entrer dans le temple que tu profanes".

Il s'en alla tout confus et nous envoya son suppôt Wierowkin, qui nous menaça à son tour de nous faire brûler vives à l'instant sur des bûchers préparés dans la cour. A cette menace nous élevâmes nos âmes à Dieu, et, désirant ardemment d'être brûlées pour l'amour de Lui, nous dîmes à Wierowkin :

"Brûlez-nous le plus tôt possible".

Mais le démon préparait contre nous une de ces scènes dont l'enfer seul peut donner l'idée. Siesmaszko la médita pendant un banquet où les czernice se livrèrent, comme toujours, à tous les excès. Il ordonna aux diacres, aux clercs de l'Eglise, et à tout ce qu'il y avait d'hommes dans la maison, de se jeter sur nous pour nous outrager de la manière la plus infâme, promettant à celui qui parviendrait à consommer le crime le grade de protopope (archiprêtre) le jour même !

A cet effet on nous fit rentrer des travaux plus tôt que de coutume, et à l'instant la prison fut envahie par une masse de barbares ivres et féroces ! Ah ! quelle heure funeste et terrible !! Qui l'a vue ne voudrait plus vivre !... Véritable enfer ! Qu'il est affreux d'en rappeler le souvenir ! Le dépeindre serait impossible !... Ils tombèrent sur nous comme des furieux... Qui est-ce qui aurait pu compter les coups, les morsures, les déchirements ?... On nous foulait aux pieds, on nous écrasait... Chacune de nous s'attachait des mains et des dents à la terre, gémissant et demandant à Dieu que cette terre s'ouvrît et nous engloutît pour nous préserver de la souillure par la mort ! Qui pourra comprendre nos soupirs et nos sanglots brûlants !..., les hurlements et les blasphèmes de nos bourreaux ?... Le secours que notre divin Époux nous accorda dans ce moment exaspérait leur rage ; ils nous mordaient, ils nous déchiraient avec leurs ongles, ils nous mettaient en pièces : dans un clin d'œil notre sang inonda la prison. Deux de nos Sœurs furent écrasées sous les pieds, huit ont eu les yeux arrachés et la figure mutilée ; toutes étaient horriblement meurtries. Enfin les monstres, fatigués et couverts de notre sang, s'en allèrent.

Oh ! alors celles d'entre nous qui le pouvaient encore tombèrent à genoux, et, les bras en croix, remercièrent Dieu de cette nouvelle agonie, plus cruelle mille fois que tous les supplices. Puis nous essayâmes de panser nos plaies.

J'avais reçu trois morsures terribles au bras ; mon côté fut ouvert jusqu'à laisser voir les entrailles ; j'avais la tète tellement fracassée que par la suite j'ai perdu l'os qui avait été brisé au haut du crâne, et que la cervelle se trouve maintenant recouverte d'une simple peau.

Les deux Sœurs écrasées sous les talons s'appelaient Justine Turo et Libérale Kormin ; une troisième, Scholastique Rento, expira sur mes genoux la nuit même.

Ah ! quelle nuit cruelle, passée dans les pleurs, sans pouvoir se porter du secours ! Nous lavions nos plaies avec nos larmes, et nous les adoucissions par la pensée de la Passion de Jésus-Christ et de la volonté de Dieu.

Siesmaszko partit la nuit même, honteux sans doute de son crime. Le lendemain, dans la matinée, Wierowkin vint nous visiter pour faire emporter les cadavres et envoyer aux travaux celles qui vivaient encore. En contemplant d'un œil hagard et cruel les corps ensanglantés de nos Sœurs, il blasphéma en disant : "Voyez comme Dieu vous punit de votre entêtement à ne pas vouloir embrasser notre religion !" Les czernice, qui vinrent aussi, poussées par une cruelle curiosité, blasphémèrent de la même manière ; et on ne nous offrit pas même un verre d'eau pour nous soulager. Un peu de bois pourri et de toile d'araignée fut notre seul pansement.

Le lendemain la maison entière fut dans la désolation ; neuf vaches crevèrent, et dans la nuit les quatre chevaux de Wierowkin et des czernice furent trouvés morts dans l'écurie. A la vue de ce malheur une affliction extrême s'empara des popes et des czernice ; ils venaient à tous moments nous menacer en nous accusant de maléfice ; ils se frappaient la tête contre la muraille ; ils ne mangèrent même pas de toute la journée, mais en revanche ils burent de l'eau-de-vie jusqu'à la nuit ; après quoi, ils allèrent dans l'église porter contre nous des plaintes et des imprécations, et pleurer devant Dieu en priant à leur manière. Ce fut vers ce temps que Wierowkin permit qu'on nous donnât les aumônes qui nous étaient apportées.
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Message  Catherine Sam 2 Mai 2009 - 11:08

Au bout de deux mois environ (1843) nous reçûmes la visite du Père Kotoski, Franciscain, demeurant presque vis-à-vis de notre maison, dans l'ancien couvent des Jésuites, occupé alors par le corps des Cadets, dont il était censé être le chapelain pour la jeunesse catholique. C'était le seul qui fût resté à Polock après l'expulsion des Franciscains et des Bernardins de cette ville. Vendu au schisme, il était devenu l'âme damnée de Siesmaszko ; nous l'ignorions entièrement.

A la vue d'un prêtre catholique nos cœurs tressaillirent de joie dans l'espoir d'une confession et d'une communion. Oh ! que nous étions heureuses d'une visite aussi inespérée ! Cependant il nous parut étrange que le Père Kotoski, tout en compatissant à nos souffrances, ne nous dît rien pour consoler nos âmes ; il se contenta de nous donner de l'argent, du pain et du lard. En partant il nous promit de fréquentes visites ; aussi ne tarda-t-il pas à revenir.

Notre intention cette fois était de commencer par lui demander de nous entendre en confession ; mais il prit le premier la parole et nous dit :

"Voilà encore de l'argent et des vivres ; mais c'est surtout de vos âmes que je veux m'occuper aujourd'hui".

Et, nous présentant deux livres, il continua :

"Je déplore votre misère, mais plus encore votre ignorance ; vous vous obstinez sans savoir à quoi. Écoutez bien. L'Eucharistie sous une ou sous deux espèces n'est-ce pas la même chose ? Voilà pourquoi l'Eglise grecque unie et I'Eglise latine n'en font qu'une. Donc, et à bien plus forte raison, l'Eglise grecque unie et l'Eglise orthodoxe sont une même chose".

Après nous avoir lu dans un des livres qu'il nous apportait un passage à l'appui de ce qu'il avançait, il reprit :

"Si l'union et l'orthodoxie sont une même chose, donc le désir de Siesmaszko que, sous un même monarque, il n'y ait qu'une seule religion, est le plus saint des désirs ; et vous, vous étiez folles de vous opposer à ses vues en vous obstinant dans un sentiment contraire ; si vous y persévérez, vous serez coupables devant Dieu. Moi votre Père, moi bon catholique, je ne désire en tout cela que le salut de vos âmes".

Nous rentrâmes stupéfaites à ces paroles. Les Sœurs me regardèrent, je m'écriai :

"Ah ! qui t'envoie ?

- Dieu m'envoie vers vous pour sauver vos âmes, que par votre opiniâtreté et votre résistance vous avez mises dans l'enfer.

- Ah ! Judas, si nos âmes sont dans l'enfer, va-t-en, retourne à ton ciel".

A ces mots il leva sa main sacrilège pour me frapper ; nos Sœurs, en le voyant, se jetèrent spontanément vers lui; Wawrzecka[1] le saisit par les épaules, et, aidée par les autres, le mit à la porte ; cela se fit dans un clin d'œil. Je me mis sur la porte pour empêcher qu'il ne fût poursuivi, et je lui jetai les livres impies qu'il voulait nous laisser. Nous ne l'avons plus revu.

Ce fait passa d'abord inaperçu : l'argent, le pain et le lard nous étaient restés ; nous les conservâmes dans la cheminée pour les préserver des chiens, des rats et des czernice, qui avaient l'habitude de voler nos provisions pour les donner aux chiens. Mais, quelques mois après, il parait que ce fut à l'instigation de Kotoski que Siemaszko ordonna qu'on nous enfermât pendant six jours sans nous donner à boire, n'ayant pour toute nourriture qu'un demi hareng salé par tête. Les deux premiers jours, ce supplice nous parut insupportable ; un feu dévorant nous brûlait les entrailles ; nous avions la peau de la langue et du palais enlevée par la fièvre. Mais la Passion de Jésus-Christ nous redonna la vie ; nous méditâmes la soif de Notre-Seigneur sur la croix, et nous ne voulûmes plus satisfaire d'autre soif que celle du salut des âmes. Nous pensâmes aussi à la soif des Âmes du Purgatoire.

"Si celle qui nous brûle est si terrible, disions-nous, et cependant elle pourrait être éteinte par un seul verre d'eau, oh ! quel doit être le feu qui dévore les âmes du Purgatoire, si leur soif ne peut être éteinte que par la possession d'un Dieu tout entier !"

Et nous tombâmes la face contre terre, offrant à Dieu nos souffrances pour leur soulagement. Le Seigneur eut pitié de nous ; depuis ce moment nous ne sentîmes plus ni faim ni soif. Lorsque le septième jour au matin on ouvrit la porte de notre prison pour nous envoyer aux travaux forcés, nous promîmes à Dieu de passer encore ce septième jour sans boire, en l'honneur des sept douleurs de la sainte Vierge.

Pendant la semaine qui venait de s'écouler, Wierowkin nous avait visitées plusieurs fois, accompagné de deux popes, pour nous menacer de nouveaux tourments si nous persistions dans notre refus. Voyant notre persévérance, un des popes poussa un profond soupir et sortit ; on dit même qu'il pleura, et il ne revint plus.

Wierowkin, étonné qu'après de pareilles souffrances nos santés ne parussent pas plus altérées, disait quelquefois dans un transport de colère :

"Voyez ! chacune d'elles a un démon dans le corps qui souffre pour elle".

Nous passâmes encore l'hiver et le printemps (1842-1843) suivant à Polock, employées aux mêmes travaux : nos Sœurs aveugles tricotaient ou cardaient de la laine.


[1] La Sœur Wawrzecka, douée d'un caractère fort énergique, se distinguait aussi par une force physique très grande.
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Message  Catherine Dim 3 Mai 2009 - 11:49

III. SÉJOUR A MIADZIOLY. - PRISON ET ÉVASION.


Vers la fin du printemps 1843, nos gardiens nous firent sortir dans la cour ; aussitôt la Sœur Wawrzecka apercevant au loin des soldats, nous dit :

"Mes Sœurs, nous allons voyager ; on va nous parer, voilà nos bracelets".

En effet, on nous enchaîna deux à deux comme de coutume, on nous entoura de baïonnettes et on nous fit marcher sans nous dire où on nous conduisait. L'idée nous vint que nous allions être transportées en Sibérie. "Tant mieux, nous souffrirons davantage !" s'écrièrent nos Sœurs, et nous entonnâmes un hymne en l'honneur de l'archange saint Michel.

Wierowkin nous accompagna jusqu'au passage de la Dzwina, que nous traversâmes sur une barque ; il y descendit avec nous ; son air inquiet nous fit sourire, et la Sœur Wawrzecka lui dit : "Tu as perdu l'esprit, si tu crois que nous allons nous jeter dans l'eau ; la Dzwina n'est pas le ciel pour que nous y sautions".

Après dix ou douze jours de marche, nous arrivâmes à Miadzioly, petite ville située dans le Gouvernement de Minsk. Là on nous remit au pouvoir du protopope Danilo Skrypin, supérieur des czernice, dont une multitude avait envahi le couvent des Carmélites qui venaient d'en être expulsées.

Au même montent les popes et les czernice nous entourèrent et nous dirent :

"Comme vous vous portez bien ! comme vous êtes grasses et fraîches ! Vous n'avez donc rien souffert, vous n'avez donc pas travaillé ? Attendez un peu ; nous saurons bien vous faire perdre votre embonpoint. Bravo ! bravo ! nous avons des servantes, nous avons des ouvrières !".

Et elles frappaient des mains. Nous fûmes employées de suite à leur service et aux travaux les plus dégoûtants.

Pour notre honte et notre malheur, nous trouvâmes dans cette maison deux apostats Basiliens, Wasilewski et Komorowski, qui furent la cause et les instruments d'un surcroît de souffrances : ils volaient le linge que nous blanchissions pour la maison, le mettaient en gage chez les Juifs pour avoir de l'eau-de-vie. Nous étions accusées et battues cruellement.

A la vue des mauvais traitements dont on nous accablait, deux novices, arrivées récemment de Pétersbourg, après avoir fait d'amères reproches aux popes et aux czernice, partirent en leur disant :

"Votre maison n'est pas un monastère, c'est une Sibérie ; nous vous quittons et Dieu vous punira".

Les popes nous battirent terriblement, nous accusant d'avoir été la cause du départ de deux riches héritières qu'ils tenaient à conserver ; ils s'en vengeaient surtout sur la Sœur Wawrzecka qui avait parlé français avec elles et leur avait fait connaître les détails de la persécution que nous endurions.

Siesmaszko arriva vers l'automne de la même année (1843). Cette fois, il ne vint pas chez nous, mais il nous fit conduire chez lui, moi et mon assistante, la Sœur Wawrzecka ; là, en présence d'une foule de czernice et d'un certain nombre d'enfants russes schismatiques dont on était censé faire l'éducation dans cette maison, il nous exhorta avec douceur et en polonais (ce qu'il fit pour la première et dernière fois depuis son apostasie).

"Que gagnerez-vous, nous dit-il, à persister dans votre opiniâtreté ? Vous avez perdu un grand nombre de vos compagnes ; ne vaut-il pas mieux pour vous profiter de la bonté de l'empereur ? Votre obéissance serait récompensée et Dieu vous bénirait. Voyez-vous ces enfants? Je suis disposé à confier à vos soins ces âmes pures et innocentes".

Et, indiquant un petit paquet sur une table, il ajouta :

"Voilà de plus une récompense toute prête, pourvu que vous embrassiez la religion orthodoxe.

- Vous avez déjà éprouvé que nous ne craignons ni les tourments ni la mort pour Jésus-Christ ; car c'est uniquement pour Lui que nous vivons et que nous voulons mourir. C'est Lui que nous voulons servir, ainsi que notre prochain, à cause de Lui. Nous ne consentirions jamais à élever des schismatiques, à moins que ce ne fût pour les amener à la religion catholique". Alors du milieu des czernice s'éleva une voix perçante :

"Elles sont, maudites, elles sont maudites !"

Siesmaszko nous menaça des verges, et ]a Sœur Wawrzecka lui dit :

"C'est justement ce que nous voulions vous demander.

- Vous faites tort à votre respectable famille que vous désolez par votre opiniâtreté ; craignez l'enfer, si vous persistez.

- A qui parles-tu d'enfer, toi qui en viens pour nous tenter ?

- Et toi, qui oses-tu tutoyer de la sorte ?

- Toi-même, quoique tu ne le mérites pas ; cette manière de parler est par trop noble pour toi, car nous nous en servons même en parlant à Dieu ; ainsi nous lui disons : "Dieu ! que Tu es miséricordieux et patient, puisque Tu souffres en Ta présence un pareil apostat !"

A ces mots, des cris tumultueux se firent entendre de toutes parts, et Siesmaszko nous chassa en nous maudissant.

Après son départ, nous fûmes obligées de purifier par l'eau et par le feu l'endroit où il nous avait reçues ; car les czernice disaient que nous étions le maudit sang polonais.

Pour adoucir ce sang, Siesmaszko ordonna de nous plonger dans le lac sur le bord duquel était située Miadzioly.

Après la lecture du décret qui portait cet ordre, on nous fit mettre à toutes, excepté aux aveugles, des espèces de chemises en toile semblable à celle dont on se sert pour les sacs à blé. Une seule manche réunissait les deux bras et en empêchait le mouvement. On nous passa ensuite de grosses cordes au cou et nous traversâmes ainsi la ville.

Une foule de Juifs nous accompagna en pleurant. De petites barques nous attendaient au bord du lac : nos bourreaux s'y placèrent deux à deux ; les malheureux apostats Wasilewski et Komorowski étaient du nombre ; ce dernier fut le plus cruel. D'abord le protopope Skrypin nous dit :

"Si vous n'acceptez pas notre religion, je vous ferai noyer comme de petits chiens.

- Nous n'abandonnerons pas Jésus-Christ et toi, démon, fais exécuter tes ordres".

On nous tira donc après les barques qui avançaient ; chaque bourreau traînait par la corde une victime.

Lorsque nous eûmes de l'eau jusqu'à la hauteur de la poitrine, on s'arrêta. Le protopope nous fit les mêmes menaces et reçut de nous les mêmes réponses. On nous traîna jusqu'à une grande profondeur. Le poids de notre chemise grossière et l'inaction forcée de nos bras rendaient presque inutiles tous les efforts que nous essayions de faire pour nous soutenir sur l'eau et pour aider nos voisines ; la corde avec laquelle nous étions traînées nous étranglait ; nos cous en conservent encore les traces. De temps en temps les barques se rapprochaient du rivage ; nous respirions un instant dans une eau moins profonde ; on nous répétait les mêmes exhortations à l'apostasie ; nous les interrompions en criant :

"Noyez-nous ! noyez-nous !.... "

Alors nous étions plongées de nouveau, et Skrypin, écumant de rage, disait aux popes :

"Noyez-les ! noyez-les comme de petits chiens !"

Les Juifs sanglotaient, les popes riaient, et les czernice, du haut du monastère, battaient des mains. La première fois ce supplice dura à peu près trois heures. Une seule d'entre nous s'était évanouie. Réveillée à coups de pieds, elle put encore se traîner jusqu'à sa prison. Les Juifs nous reconduisirent en pleurant ; ils nous jetaient des aumônes que nous ne pouvions recueillir, ayant les mains embarrassées dans la manche unique de nos chemises. Une femme juive, plus hardie, passa au cou d'une de nos Sœurs un cordon au bout duquel étaient attachées des provisions qu'elle porta jusqu'à la prison. Là nous gardâmes notre vêtement glacé ; le sol de notre cachot, inondé de l'eau qui découlait, se changea en boue. Le froid, l'humidité nous pénétraient et nous firent grelotter toute la nuit ; nos plaies s'envenimèrent et il s'en forma de nouvelles sur notre corps. Plusieurs de nos Sœurs en contractèrent de graves infirmités.

Le premier bain de ce genre eut lieu un samedi, le second le mardi suivant, le troisième le samedi de la même semaine, le quatrième le mercredi suivant, le cinquième le samedi de !a même semaine, le sixième et dernier le lundi suivant.

Dans le troisième bain, deux de nos Sœurs se noyèrent, une, hélas ! à mes côtés, sans que je pusse la secourir. Elle se nommait Joachim Woiewodzka, l'autre Augustine Romanowska.

A la vue de ces deux morts, les Juifs poussèrent des cris et firent des lamentations comme si le jour du jugement dernier arrivait pour eux.

Lorsque la première de mes Sœurs se noyait, je m'écriai :

"Sauvez-la ! sauvez-la !"

Et l'apostat Komorowski qui la tirait par la corde, répondit :

"Qu'elle crève !..."

Il la traîna morte jusqu'à terre.

Tandis que les popes riaient et blasphémaient, que les czernice battaient des mains et que les Juifs nous plaignaient en se lamentant, nous remerciâmes le bon Dieu et nous lui recommandâmes nos Sœurs défuntes. On les enterra au bord du lac ; puis on vint nous insulter dans notre prison en disant :

"Nous avons enseveli vos Sœurs ; payez-nous, donnez-nous pour boire".

La nuit même les fidèles enlevèrent les corps de nos Sœurs pour leur donner une sépulture chrétienne : les popes et les czernice dirent que le démon les avait emportées.

Au quatrième bain, la Sœur Hortolane Jakubowska tomba en défaillance. Cette fois-ci nous pûmes la sauver encore ; mais au cinquième bain elle succomba et mourut dans l'eau.

Le sixième bain fut le dernier. L'eau commençait à geler, et les Juifs, par leurs lamentations et leurs injures contre les popes, réussirent à faire cesser ce genre de tourment. Les Juifs se sont toujours montrés pleins de charité à notre égard. Que Dieu les illumine et les sauve !
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Message  Catherine Lun 4 Mai 2009 - 10:29

L'hiver, qui ne tarda pas à arriver (1843-1844), fut bien cruel pour nous : nos plaies, ouvertes par le contact de l'eau glacée, et nos infirmités s'aggravèrent considérablement. On nous permit alors d'aller prendre du bois dans la forêt ; mais la fatigue que nous occasionnait une marche très longue au milieu de la neige nous fit souvent tomber sous le poids de notre charge, d'autant plus que nous étions sans cesse entravées par les chaînes que nous ne quittions ni jour ni nuit. Le froid était si vif dans notre prison que nous étions entourées de glaçons. Le mauvais poêle qui s'y trouvait la remplissait tellement de fumée qu'une de nos Sœurs, Marthe Balinska en fut asphyxiée.

Telle est l'histoire de cet hiver et de celui qui suivit, lequel fut encore plus dur. Sept de nos Sœurs devinrent tout à fait infirmes. Voici leurs noms

- 1. Anicette Brochocka ; - 2. Vincente Brochocka sa sœur ; - 3. Dorothée Januszewska ; - 4. Régine Sadkowska ; - 5. Cornélie Jatoft ; - 6. Cajetane Koziel ; - 7. Cunégonde Kryniewicz.

Ajoutons à ce nombre les huit aveugles auxquelles on avait arraché les yeux dans l'horrible scène de Polock :

- 1. Justine Szlegel ; - 2. Alexandrine Pieczora ; - 3. Salomée Botwid ; - 4. Apollonie Domeyko ; - 5. Bonaventure Gedyoft ; - 6. Norberte Jurcewick ; - 7. Christine Huwald ; - 8. Praxède Zaykoska.

Malgré l'état déplorable où nous nous trouvions, on nous surchargeait de travail ; celles qui ne pouvaient plus marcher étaient employées à des ouvrages manuels ; les aveugles continuaient à tricoter pendant le jour pour les czernice, et pendant la nuit pour les Juifs qui nous donnaient à manger.

A la fin du second hiver (1844-1845) nous n'étions plus que quatre qui pouvions soigner les aveugles et les infirmes. En allant chercher du bois dans la forêt pendant ce dernier hiver, la Sœur Stéphanie Przeialgowska avait eu les membres gelés, et était morte asphyxiée la nuit suivante dans la prison. On nous menaçait toujours de la Sibérie, et on nous assura même que l'ordre de l'empereur pour nous y transporter était déjà donné.

Ce fut alors (1845) que Dieu nous inspira la pensée de prendre la fuite, dont une excellente occasion se présenta bientôt.

Pour célébrer la fête du Protopope Skrypin tous les popes, diacres, chantres, gardiens et czernice s'enivrèrent pendant trois jours de suite : des tonneaux d'eau-de-vie furent placés dans la cour ; chacun y puisait à volonté, et le plus souvent tombait à côté dans un état complet d'ivresse. Le dernier jour, les habitants de la maison étaient tellement ensevelis dans l'ivresse qu'il n'y avait plus personne pour apprêter à manger ; au reste, rien n'eût été plus inutile ; de nouvelles libations d'eau-de-vie étaient la seule chose qui interrompît pour de courts instants le profond sommeil de nos gardiens. Nous profitâmes de ce moment de repos pour ôter nos fers et prendre la fuite de la manière suivante.

Pendant la nuit qui suivit le troisième jour de cette orgie, nous avions adossé au mur de la prison un tronc d'arbre fort long, à l'aide duquel nous atteignîmes le haut de la muraille. Je montai la première : arrivée au sommet, qui correspondait au troisième étage, je contemplai un instant la distance effrayante qui me séparait du sol ; je demandai encore une fois à Dieu si c'était Sa volonté, et après avoir invoqué la très-sainte Trinité en faisant le signe de la croix, je me précipitai au nom et à la garde de Dieu... Le Seigneur avait donné Sa bénédiction et je tombai sur la neige sans me faire aucun mal.

La Sœur Eusébie Wawrzecka me suivit de la même manière. Vint ensuite la Sœur Clotilde Konarska, qui avait eu un œil arraché à Polock ; la quatrième, Irène Pomarnacka se fit attendre longtemps. L'inquiétude commençait à nous saisir ; mais enfin nous l'entendîmes en l'air prononcer ces paroles : "Loué soit le Seigneur !" et elle tomba comme nous sur la neige. Elle se leva lestement et nous salua, vêtue d'un manteau qu'elle avait pris à un gardien russe ivre mort, pendant que nous l'attendions effrayées de son retard.

Tout cela arriva vers minuit du 31 mars au 1er avril de l'année courante 1845.

Dieu l'a voulu ainsi.

Il prendra donc soin de nos pauvres Sœurs aveugles et infirmes que nous avons abandonnées sans les prévenir; car si elles nous avaient demandé de rester avec elles, nous n'aurions pas eu le courage de les quitter , et cependant il a fallu fuir, Dieu l'a voulu.

Il m'a été dit que deux de nos Sœurs infirmes moururent peu de jours après, et que toutes les autres furent placées dans un hôpital, après une longue résistance de la part de Siesmaszko, qui ne voulait le permettre que si elles consentaient à communier une fois au moins de la main d'un pope schismatique. Ne pouvant pas l'obtenir de nos Soeurs, il exigea des gardiens de l'hôpital la promesse que jamais un prêtre catholique ne leur serait amené.

Après avoir secoué la neige qui nous couvrait, nous allâmes sur les ruines d'une chapelle voisine réciter en commun les prières de la nuit ; nous invoquâmes le secours de la très-sainte Trinité et la protection de la sainte Vierge ; nous nous recommandâmes à nos anges gardiens et à nos saints patrons ; nous nous embrassâmes en pleurant et nous nous séparâmes afin d'échapper plus facilement aux poursuites de la police, et pour que l'une d'entre nous au moins pût avoir le bonheur de parvenir jusqu'aux pieds du Vicaire de Jésus-Christ, et d'y déposer les gémissements d'un peuple martyrisé pour la foi, d'un peuple qui demande à grands cris le retour de ses prêtres, mourant dans les prisons, gelant dans les glaces de la Sibérie, et persécutés en haine de la Sainte Eglise Romaine ; d'un peuple demandant à grands cris le rétablissement de ses sanctuaires détruits, ou, ce qui est plus triste encore, profanés par le schisme.

Après avoir erré pendant trois mois environ dans les forêts de la Lituanie, souffrant du froid, de la faim et de la soif, espionnée, poursuivie, et toujours préservée de tous ces dangers par la divine Providence, j'ai traversé la Prusse, la France, et je suis heureusement arrivée à Rome, où, par ordre exprès du Saint-Père, je viens de faire le récit de tout ce que j'ai pu me rappeler des événements qui se sont passés pendant les sept années où nous avons en le bonheur de souffrir pour la foi.

Je demande en grâce qu'on ne donne point de publicité à rien de ce qui pourrait attirer de nouvelles persécutions sur les âmes charitables qui, de temps à autre, nous portèrent des secours. Que Dieu les bénisse, qu'Il les récompense, non seulement du bien qu'elles nous ont fait (malgré les dangers auxquels elles s'exposaient), mais encore de celui qu'elles avaient le désir de nous faire pour l'amour de Dieu.

Enfin qu'en tout, partout et pour tout, le nom de la tres-sainte et tres-auguste trinite soit loué et glorifié dans tous les siècles des siècles. amen.

Je dois ajouter un mot sur notre respectable et chère Mère générale la princesse Euphrosine Giedymin, descendante des grands-ducs de Lituanie. Sa piété, son esprit de pénitence et sa charité étaient exemplaires. Outre les grandes richesses qu'elle avait apportées à l'ordre de Saint-Basile, elle nourrissait tous les jours quarante pauvres à sa table. L'esprit de Dieu, dont elle était remplie, se manifestait dans toute sa conduite, et elle le communiquait à l'ordre entier confié à ses soins.

Lors de mon entrée en religion, il y a trente-huit ans, elle était déjà abbesse générale et habitait Orsza, résidence ordinaire des supérieures générales

Âgée de plus de quatre-vingts ans lorsque la persécution commença à sévir, elle soutint et anima ses Sœurs par son exemple. Les tourments qu'on leur fit souffrir diminuèrent bientôt le nombre de ses filles. Envoyée en Sibérie avec celles que la mort avait épargnées, elle succomba pendant la route, qu'elles faisaient à pied et enchaînées. C'est elle sans doute qui, du Ciel, a obtenu par ses prières la grâce de la persévérance au corps entier de l'ordre des Basiliennes, persécuté sous le sceptre de l'empereur Nicolas. Les deux cent quarante-cinq religieuses qui composaient cet ordre ont toutes, sans en excepter une seule, scellé de leur sang leur attachement inviolable à la foi et à l'Eglise, et leur fidélité à Jésus-Christ et à Son Vicaire.



DIEU SEUL EN SOIT LOUÉ !
Makrena MIECZYSLAWSKA.






Nous soussignés déclarons avoir lu la présente déposition de la Mère Macrine, écrite en sa présence, et nous certifions quelle est entièrement, et dans tous ses détails, conforme à ce que nous avons entendu de sa bouche.

S. Maximilien RYLLO, Recteur de la Propagande.
L'abbé Alexandre JELOWICKI, Recteur de Saint-Claude.
L'abbé Aloys LEITNER, Théologien de la Propagande.


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Message  Diane Mar 5 Mai 2009 - 17:03

Merci, infiniment chère Philothée, Wink pour ce récit captivant, il est vraiment d'actualité!

Dommage qu'il soit déjà fini!

Tirons maintenant les leçons nécessaires pour nous même!

Si jamais nous étions persécutés pour notre foi, on sait comment il faut se comporter!

Connaissez-vous d'autres histoires semblables qui pourraient nous aider Question
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Message  Louis Jeu 7 Mai 2009 - 3:34

Merci à Philothée .
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Message  Invité Sam 9 Mai 2009 - 0:15

Je n’ose pas commenter ce martyr des religieuses basiliennes car il parle suffisamment par lui-même. Et comme il parle en acte, comment se permettre d’y rapporter mes petits commentaires, moi qui n'ait jamais souffert l’ombre de ces tourments et qui m'enfonce dans ma sensualité !

Cependant, il me semble que cette histoire a, ou doit absolument avoir, une incidence sur notre CONDUITE !

Beaucoup ne manqueront pas d’être CHOQUES de voir comme nous traitons « Marcel » dans ce forum !

Or, ces religieuse, si saintes, si humbles, si scrupuleuses regardez comment elles traitent leur ancien évêque :



« A ces mots toutes mes Sœurs poussèrent un cri d'indignation, et moi, me tournant vers Siemaszko, je lui dis :

"Apostat ! tu veux nous surprendre pharisaïquement ; mais tu n'y réussiras pas, car nous sommes, et, Dieu aidant, nous serons toujours prêtes à mourir pour la foi comme sont mortes nos Sœurs.

- Tu oses me parler encore de la sorte ! Ne sais-tu donc pas à qui tu parles ?

- Oui, je le sais : à un apostat, à un traître à l'Église et à Jésus-Christ".

Siemaszko me frappa sur la joue.

"Notre-Seigneur, lui dis-je, nous ordonne de présenter l'autre joue lorsqu'on nous a frappé sur la première ; la voilà, frappe si tu oses... "

Il osa... C'est en me souffletant de la sorte, presqu'à chacune de ses visites, qu'il me cassa neuf dents.

"Je te ferai voir qui je suis, me dit-il d'un ton menaçant ; je te ferai voir que l'empereur et moi c'est la même chose"
.



Siemaszko Lefèbvre a signé TOUTES les hérésies du Concile. Il a TOUJOURS chanté son union « una cum » avec cette église de Lucifer.

Et s’il n’a pas dit comme Siemaszko :
"Je te ferai voir qui je suis, me dit-il d'un ton menaçant ; je te ferai voir que l'empereur et moi c'est la même chose".

N’a-t-il pas dit quelque chose qui a bien le même sens :

"Je te ferai voir qui je suis, un évêque de l’église luciférienne que j’ai fondée par mes hérésies. L’église de Vatican II et moi, c’est la même chose « UNA CUM » TOUJOURS !»


Alors OU et QUAND Marcel a-t-il DÉVIÉ après le Concile ?

Je vais vous donner un exemple concret de trois de ses célèbres « DÉVIATIONS»


Le très Catholique, Son Éminence, Monseigneur Lefèbvre dit dans le N° 51 de Fideliter :


« Nous voyons Jean-Paul II approuver des hérésies comme celles, par exemple, selon laquelle musulmans et catholiques adorent le même Dieu. » (Fideliter N°51)


Seulement, la fripouille de Marcel qui « veut nous surprendre pharisaïquement » a signé au Concile dans Lumen Gentium qu’il adorait avec les musulmans « Le Dieu unique, miséricordieux, futur Juge des hommes au dernier jour »



Le très Catholique Son Éminence, Monseigneur Lefèbvre, évêque émérite dit :

« On n’a jamais vu que l’Église se soit unie aux protestants pour faire une liturgie catholico-protestante. »
(Fideliter N°97)

Mais, Marcel, la canaille apostate se garde bien de dire que LUI-MÊME, sans aucun repentir, a signé, au concile que SON église « se sait unie » aux hérétiques et aux schismatique…qu’ils « tiennent en honneur la Sainte Écriture comme leur règle de foi et de vie »et qu’ « Ils ont avec l’Église la communion dans la prière et bien mieux, une véritable union avec l’Esprit Saint. »
( Lumen Gentium 15)






Le très Catholique Son Éminence, Monseigneur Lefèbvre, évêque émérite, Sauveur de la messe de Saint Pie V, du Sacerdoce de Melchisédech et de toute la Tradition a dit En 1976 dans Fideliter N°11:

« L’Église conciliaire n’est donc pas catholique. Dans la mesure où le pape, les évêques, les prêtres et les fidèles adhèrent à cette nouvelle Église, ils se séparent de l’Église catholique »

Mais ce faussaire, ce menteur, ce malaxeur de cultes entre deux chaises, ce Prestidigitateur d'églises, ce diseur de bonnes religions… ! Dites nous ce qu’il a fait sinon d’
« adhérer à cette nouvelle Église et de se séparer de l’Église catholique. »

ADHÉRER ! C'est peu dire ! Il a fait adhérer tous ses fidèles à sa fausse église mais lui n'avait nul besoin d'y adhérer. C'est lui-même qui a produit cette église par ses hérésies conciliaires et jamais il n'en a sorti le bout de son nez !

Ce n'est que poussé par l'exemple d'indignation des sœurs martyrs que je crié mon indignation contre l'Apostat et dites moi comment je pourrais ici ne pas marcher dans leur foi et dans leur inspiration ? C'est à coup de fouet que Notre Seigneur a chassé ceux qui vendaient leurs volailles dans la synagogue et vous voudriez qu'on laisse un évêque apostat vendre tranquillement la Tradition de l'Église catholique dans l'église de Lucifer !
JAMAIS !

Ce post n’est en rien pour « convertir » ce forum qui a, dès le départ, annoncé la couleur SANS AMBIGUÏTÉ.
Dieu soit loué pour sa Miséricorde !

Il s’agit d’ un message charitable (le plus DISCRET possible par rapport à mes capacités) aux forums amis qui veulent être catholiques.

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