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dh. 26 / 07 / 1976

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Message  Sandrine Mar 28 Juil 2009 - 17:58

Après la suspense « a divinis » de Mgr Lefebvre



Le 22 juillet, Mgr Marcel Lefebvre a reçu communication officielle de la suspense a divinis qui le frappe, sanction qui lui interdit d'exercer désormais les fonctions découlant des ordres sacrés: célébration de la messe, administration des sacrements et prédication.


Une douloureuse décision


Sous ce titre, l'Osservatore Romano a annoncé et commenté en ces termes la sanction prise contre Mgr Lefebvre (*).

Le 1er juillet un communiqué concernant Mgr Marcel Lefebvre, ancien archevêque-évêque de Tulle, précisait que, indépendamment de la peine qu'il avait déjà encourue, en vertu du Droit canon, pour avoir conféré de manière illégitime les ordres sacrés, était examiné par le Saint-Siège l'aspect particulier et plus grave de sa désobéissance envers le Saint-Père lui interdisant de procéder à des ordinations sacrées (1).
Nous sommes actuellement autorisés à rendre publique la suite de cette douloureuse affaire.
La sacrée Congrégation pour les évêques a adressé au prélat, au nom du Saint-Père, une invitation au repentir, en lui laissant un délai de dix jours pour donner une preuve de résipiscence.
Mgr Lefebvre, pendant cette période, a fait parvenir au Saint-Père une seule lettre (2) qui, loin de donner un signe ou, du moins, un espoir quelconque de résipiscence a été un motif d'une nouvelle amertume pour Sa Sainteté, en raison de la persistante attitude de défi de Mgr Lefebvre.
Une fois le délai expiré, en effet, il ne restait plus qu'à infliger au prélat la peine que le Souverain Pontife a jugée appropriée dans un tel cas, à savoir la suspense « a divinis » prévue par le can. 2279, § 2, 2°. Cette peine lui a été communiquée par la sacrée Congrégation pour les évêques à la date du 22 juillet.
En conséquence, est interdit à Mgr Lefebvre l'exercice de tout pouvoir découlant des ordres sacrés (épiscopat, presbytérat et diaconat). Il ne peut donc ni célébrer la sainte messe, ni administrer les sacrements, ni prêcher.
Si l'autorité suprême s'est décidée, non sans douleur, à prendre cette mesure disciplinaire, c'est en raison du scandale causé parmi les fidèles par l'obstination d'un évêque à refuser le Concile oecuménique Vatican II et les réformes qui s'y rattachent, sous prétexte de s'ériger en juge suprême de la tradition, et aussi en raison de la semence de discorde que, en dépit d'avertissements fraternels répétés, il a persisté à répandre dans les diocèses de différents pays.
Aucune fonction ne peut être exercée dans l'Eglise sans un lien interne avec le successeur de Pierre et avec les pasteurs qui sont en communion avec lui. Une telle affirmation vaut également pour d'autres abus que l'on peut constater çà et là et auxquels les responsables du Magistère authentique ont le devoir de veiller. Mais le cas présent revêt une particulière gravité du fait qu'il s'agit d'un évêque.
C'est par son attitude consciemment voulue d'opposition au Pape et à l'Eglise que Mgr Lefebvre s'est mis dans une situation telle que le Saint-Siège a été contraint, en raison de son devoir envers la communauté tout entière, d'apporter cette clarification.
Il est certes profondément regrettable qu'il ait été nécessaire d'en arriver à cette douloureuse mesure, mais on espère vivement que son aspect pastoral ne sera pas négligé, et qu'un prompt repentir permettra de tourner au plus vite la page sur une attristante affaire qui cause un tel tort à l'Eglise.


(*) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 26-27 juillet 1976. Traduction et notes de la DC.
Sur le « Dossier Lefebvre », cf. DC 1975, n° 1679, p. 611 et s.; 1975, n° 1681, p. 739 et s.; 1976, n° 1689, p. 32 et s.; 1976 n° 1703, p. 712 et s.
Le présent dossier s'arrête à la date du 27 août.

(1) DC 1976, n° 1793, p. 715.

(2) Ibid., p. 717.
Sandrine
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Message  Sandrine Mar 28 Juil 2009 - 18:02

L'enjeu d'Ecône



Sous ce titre a paru, dans la Liberté de Fribourg (26 juillet), un article du P. Georges COTTIER, O.P. (directeur de la revue Nova et Vetera, fondée par le cardinal Journet), intégralement reproduit en italien en première page de l'Osservatore Romano du 31 juillet (*).

Comme toute crise, ce qu'on a appelé « le drame d'Ecône » a jeté la confusion en bien des esprits, alors que la hauteur de vue et la pondération, conditions d'un sûr discernement, seraient plus nécessaires que jamais. Aussi ce qui est avant tout requis des chrétiens, c'est qu'ils abordent idées et événements avec le pur regard de la foi et ne perdent jamais de vue que l'Eglise elle-même, saisie dans sa vie et dans les décisions de son Magistère, est un mystère de foi. Faute de ce regard de foi, on s'interdit de comprendre les raisons des sanctions qui ont frappé Mgr Lefebvre, dont la sévérité a surpris.
D'aucunes reprochent aux autorités diocésaines ou romaines, d'être demeurées sans réagir devant de graves abus mettant en péril la foi, dans la catéchèse et surtout dans des innovations incongrues, alors que ces mêmes autorités n'ont pas lésiné quand il s'est agi d'intervenir dans le cas précité. Il y aurait donc deux poids et deux mesures.
La cause serait aggravé par le fait que l'autorité sait très bien que « conservateurs » et « traditionalistes » représentent aujourd'hui dans l'Eglise une minorité souffrant d'un sentiment d'exil, tandis que le courant majoritaire opposé et qui réussit à imposer sa loi un peu partout serait l'objet de la plus grande indulgence. Il y aurait donc en plus, de la part des responsables, lâcheté et démagogie. Voilà ce qui se pense et se dit dans des cercles plus étendus qu'on ne croirait à première vue. L'accusation est grave.
On doit répondre d'abord qu'il y a injustice à généraliser, comme on le fait trop souvent, à partir de cas particuliers. En ce qui concerne le Souverain Pontife, qui multiplie inlassablement, avec une totale liberté d'esprit, mais aussi avec la patience de la charité, les avertissements dans toutes les directions, l'accusation est une calomnie.
On dira ensuite qu'un abus peut fournir un prétexte à un excès dans le sens opposé et expliquer psychologiquement le raidissement dans la réaction: il ne peut aucunement justifier cet excès en lui-même. Et il convient de ne pas assimiler les unes aux autres des situations diverses, mais au contraire d'examiner chaque cas pour lui-même. Qu'en est-il donc de la position de Mgr Lefebvre?


La position de Mgr Lefebvre


Mgr Lefebvre est un évêque de l'Eglise catholique qui ne reconnaît pas l'autorité du second Concile du Vatican ni l'autorité du Pape Paul VI quand il applique les décisions et directives de ce Concile. Au nom d'une « tradition » dont il s'est arrogé la prérogative d'être — et lui seul contre tous dans l'épiscopat — l'interprète authentique, il prétend former de futurs prêtres dans le rejet de ce Concile. De plus, et selon un crescendo impressionnant, il lance contre ce Concile des accusations, à la fois massives et vagues, nullement étayées par des arguments, laissant entendre que le Magistère de l'Eglise aurait proposé des doctrines et des directives pastorales contraires à la foi. Notons que la critique du supérieur d'Ecône n'est pas indemne d'éléments étrangers à ce qu'est supposé être le dépôt de la foi. Elle puise son inspiration (et sans doute sa ténacité passionnelle) dans une idéologie politique traditionaliste qui, méconnaissant la transcendance de l'Eglise du Christ, en lie le sort à une certaine image de « chrétienté » et voit dans la devise de la Révolution française de 1789 « Liberté, égalité, fraternité », le condensé de tous les maux du monde moderne et l'expression de son apostasie. Cette devise (et nous entrons ici dans la théologie-fiction) aurait fourni l'axe de la pensée du dernier Concile. La « Déclaration sur la liberté religieuse » contiendrait le venin de la liberté, tandis que celui de la fraternité se retrouverait dans le « Décret sur l'oecuménisme » et celui de l'égalité aurait trouvé son expression dans la collégialité épiscopale, formulée dans la « Constitution dogmatique sur l'Eglise ». De telles thèses sont proprement délirantes. La lecture honnête des textes incriminés en est la réfutation la meilleure.


Le Magistère de l'Eglise et son autorité


Si les arguments de Mgr Lefebvre sont d'une navrante désinvolture, son refus d'obéissance et de docilité est chose grave. Un bref rappel de ce qu'est le ministère de l'autorité dans l'Eglise nous aidera à le comprendre. Selon la foi catholique, le Christ a confié le soin de son Eglise au Collège des apôtres réuni autour de Pierre. Le Collège épiscopal, « uni à son chef le Pontife romain et jamais sans ce chef », est le successeur du Collège des apôtres dans le Magistère et le gouvernement pastoral. Pour ce qui est des évêques, leur mission revêt un double aspect. Ils sont, comme « vicaires et légats du Christ », préposés chacun à une Eglise particulière, qu'ils doivent enseigner, sanctifier et gouverner. Ainsi à chacun est confiée une portion du Peuple de Dieu. Ce service est fondé sur une mission universelle, car « en tant que membres du Collège épiscopal et successeurs légitimes des apôtres », ils sont tenus d'avoir la sollicitude de toute l'Eglise. A ce titre, ils peuvent être appelés à participer à l'exercice du pouvoir plénier, lequel réside dans le Souverain Pontife à qui revient la charge du troupeau tout entier. Etre associé, comme membres du corps épiscopal, au service exercé par Pierre, telle est la signification fondamentale de la collégialité.
L'exercice de cette collégialité peut revêtir de multiples formes. Contentons-nous de quelques précisions. Le Pape peut donc exercer le Magistère sur l'Eglise universelle seul ou en s'unissant le corps épiscopal, la communion hiérarchique avec le Souverain Pontife demeurant un élément constitutif du Collège lui-même. Cette mission collégiale, les évêques, unis au Pape, l'exercent soit dispersés dans le monde (on parle alors du Magistère ordinaire), soit réunis en Concile (On a alors la forme extraordinaire ou solennelle).
Quand le Souverain Pontife, en tant que Docteur suprême de l'Eglise universelle, définit une doctrine concernant la foi et les moeurs, il est soutenu par le charisme de l'assistance infaillible de l'Esprit-Saint. Ce charisme d'infaillibilité qui « s'étend aussi loin que le contenu de la divine Révélation », « se trouve également dans le corps des évêques quand il exerce le Magistère suprême avec le successeur de Pierre ».
Nous dirons donc que l'objet de la foi est proposé, soit par « voie ordinaire »: c'est le cas quand le Pape expose et défend la doctrine de la foi, ou quand, en communion avec lui, l'épiscopat dispersé dans le monde entier enseigne habituellement cette doctrine; soit par voie extraordinaire ou solennelle: c'est le cas quand le Pape définit solennellement un dogme ou quand le Collège épiscopal, en communion avec le successeur de Pierre et avec son indispensable approbation, réuni en Concile, définit des vérités de foi.
Ajoutons que les formes, ordinaire ou solennelle, d'exercice du Magistère, ne modifient pas la nature de l'adhésion requise des fidèles à ce qui, ici et là, est présenté comme se rapportant au contenu de la Révélation divine. C'est en effet à la Révélation divine, proposée par le Magistère divinement assisté, que doit aller « l'adhésion de foi ».
Ce qui précède concerne l'exercice du pouvoir magistériel de l'Eglise qui est un service éminent de la vérité, sous sa forme la plus essentielle et la plus haute. La mission de l'Eglise est ici de transmettre inaltérée la parole de Dieu elle-même. Mais sa mission ne s'arrête pas là. Elle a encore la charge de tout faire pour que cette parole de Dieu, qui est parole de vie, soit accueillie par le Peuple de Dieu, qu'elle y fructifie et qu'elle soit annoncée au monde qui est appelé à s'ouvrir à l'Evangile. Tel est l'aspect pastoral de la mission du Magistère, qui doit multiplier les initiatives pour que le message intangible qui lui est confié atteigne efficacement, selon les conditions changeantes des diverses périodes historiques, tous les hommes en attente du salut.
Or, dans cette tâche difficile, le Magistère est encore assisté de l'Esprit-Saint, de sorte que l'on est sûr que, notamment dans ses décisions majeures, l'Eglise agit avec une vraie prudence surnaturelle et qu'en lui obéissant on se confie à une manifestation certaine de la Providence de Dieu.
Certes, dans le domaine pratique, l'autorité du Magistère s'engage, et par là engage, à des degrés divers. Il convient ainsi de distinguer des interventions et des décisions qui visent à l'intérêt général du Peuple de Dieu dans sa vie proprement religieuse et des dispositions plus contingentes et plus particulières. L'impératif d'obéissance est proportionné aux divers cas, comme d'ailleurs varie le degré d'assistance sur lequel peut s'appuyer l'autorité.
Il est certain que quand des directives émanent d'un Concile oecuménique, forme solennelle de la collégialité (card. Journet), l'autorité de l'Eglise, qui ne va pas sans les lumières de l'Esprit-Saint, est pleinement engagée et requiert de notre part obéissance et docilité.
C'est en effet une erreur que de vouloir restreindre l'assistance de l'Esprit-Saint au seul cas où le Magistère définit infailliblement un point de doctrine.
Si le Magistère infaillible et le Magistère prudentiel du Pape et du Collège épiscopal sont distincts, il y a cependant entre l'un et l'autre un lien vital et ils s'appellent l'un et l'autre. Le cardinal Journet a pu écrire à ce propos: « L'homme qui accepte pleinement l'ordre ecclésial divin trouvera dans son coeur les sentiments qui lui feront accepter les dispositions de l'ordre ecclésial canonique, et l'homme qui s'insurge sciemment et gravement contre les dispositions de l'ordre ecclésial canonique pourra être entraîné presque fatalement à s'insurger un jour contre l'ordre ecclésial divin. Il y a une manière de se heurter au secondaire qui voile tout ce qui est premier; il y a une manière d'aller d'emblée à ce qui est premier qui éclaire tout le secondaire. »
Il convenait de rappeler d'une manière succincte ces divers points. Le second Concile du Vatican n'a fait ici qu'énoncer, à propos de l'épiscopat et en parfaite homogénéité avec le premier Concile du Vatican (cf. Lumen gentium, Ill), la doctrine traditionnelle de l'Eglise sur le sujet.

A suivre ...
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Message  Sandrine Mar 28 Juil 2009 - 18:02

SUITE


Vatican II: un Concile « pastoral »


Quel jugement porter sur le dernier Concile? Certains, et tout particulièrement parmi ceux qui éprouvent de la sympathie pour les positions de Mgr Lefebvre, voudraient se soustraire à l'autorité de Vatican II en arguant de son caractère « pastoral » et non doctrinal. L'argument est trompeur. Jean XXIII, dans le discours d'ouverture, le 11 octobre 1962, a indiqué où devait porter l'effort principal du Concile, effort que nous pouvons qualifier de missionnaire: faire parvenir à l'ensemble des hommes le message chrétien, considéré dans sa plénitude et son intégrité. A ce propos, il a souligné le « caractère surtout pastoral » de l'enseignement du Magistère. Il n'entendait nullement par là opposer « doctrinal » à « pastoral », mais marquer que la doctrine chrétienne est doctrine de salut et de vie, et que la mission du Concile était de tout faire pour qu'elle atteigne les hommes de notre génération. D'ailleurs, ce Concile pastoral a promulgué deux constitutions dogmatiques (sur l'Eglise et sur la Révélation). Il n'a pas procédé, il est vrai, à des définitions solennelles. Mais ce qu'il a fait, c'est rappeler solennellement la doctrine du Magistère ordinaire qui est, pour les catholiques, objet de foi. Quant aux directives liturgiques et pastorales, prises en vue de l'approfondissement de la vie chrétienne et de la diffusion du message du salut, dans la mesure même où elles émanent d'un Concile oecuménique, elles ont la garantie d'une assistance majeure de l'Esprit-Saint et, à ce titre, elles obligent gravement la conscience des catholiques. Ceux-ci peuvent être certains, parce que précisément il s'agit d'un Concile oecuménique, que toutes ces décisions sont conformes à la foi. Ils doivent donc les accueillir, selon la formule de Franzelin, avec une « infaillible sécurité ». Personne, en effet, dans l'Eglise ne peut raisonnablement douter du caractère oecuménique, c'est-à-dire universel, du second Concile du Vatican, car est oecuménique tout Concile qui représente authentiquement l'Eglise enseignante universelle et qui (c'est là le critère décisif) est comme tel approuvé et confirmé par le Pape.
On sait que Mgr Lefebvre s'en prend spécialement à la réforme liturgique. Il l'a fait encore le 29 juin 1976 dans l'homélie qu'il a prononcée au cours de la cérémonie des ordinations à Ecône. Disons d'abord que, par leur nature, les dispositions liturgiques sont réformables par l'autorité suprême de l'Eglise. Un Pape peut ici modifier ce qu'un autre Pape a institué. Pie V, à la suite du Concile de Trente et conformément aux exigences pastorales qu'il lui revenait de peser, a introduit une réforme liturgique. Paul VI, à la suite du dernier Concile, n'a fait que suivre l'exemple de son Prédécesseur. Redisons-le: l'autorité même du Concile qui a pris les décisions est par elle-même garantie de leur conformité à la foi.
L'adage « lex orandi, lex credendi » (la règle de la prière liturgique est règle de la foi) ne signifie pas que la prière liturgique soit en tant que telle et par elle-même source et garante d'orthodoxie. Elle signifie que le même Magistère, infailliblement assisté en matière de foi, est encore assisté de l'Esprit-Saint quand il règle la prière de l'Eglise. L'Esprit, en effet, ne permet pas que l'Eglise erre dans ce qui fait le coeur de sa vie. Car ce n'est pas à tel ou tel élément périphérique de la réforme liturgique que s'en prend Mgr Lefebvre, mais à la messe elle-même célébrée selon le nouveau rite. En contesterait-il jusqu'à la validité comme il conteste la validité d'autres sacrements conférés selon le nouveau rite? S'est-il avisé que celui-ci ne fait que reprendre une tradition plus ancienne? Mais si l'Eglise de Jésus-Christ, en communion avec le successeur de Pierre, n'avait plus l'Eucharistie, elle aurait cessé d'exister et, contrairement à la promesse du Seigneur, les portes de l'enfer auraient prévalu contre elle: c'est jusque-là que la logique de son attitude devrait conduire Mgr Lefebvre, s'il venait à persister dans son égarement. Or, qu'on lise les documents du Concile: on sera frappé du nombre de fois où la doctrine de l'Eglise, définie à Trente, sur la valeur sacrificielle de la messe et sur le mystère de la présence réelle, est réaffirmée sans ambages. Ceci est également vrai des actes et discours de Paul VI, à commencer par la splendide encyclique Mysterium fidei. En vertu de quel aveuglement Mgr Lefebvre méconnaît-il de si clairs témoignages? (Il est vrai qu'il n'y a pas qu'à Ecône qu'on les ignore systématiquement.)
Car tel est le drame. Brisant la communion avec le Collège de ses frères dans l'épiscopat et avec son Chef, un évêque, de sa propre autorité, conteste l'autorité d'un Concile oecuménique. Il rompt ainsi avec la régie d'orthodoxie la plus haute et la plus immédiatement saisissable, celle de la communion avec Pierre. Par là, il s'est engagé sur le chemin glissant qui conduit au schisme et, peut-être, à l'hérésie.
Ce n'est pas un hasard si Paul VI a choisi le cadre du Consistoire, qui le 24 mai a vu la création de vingt et un cardinaux, pour adresser à Mgr Lefebvre et à ses collaborateurs un nouvel avertissement. L'attitude du fondateur d'Ecône « s'érige en juge de cette volonté divine qui a fait de Pierre et de ses successeurs légitimes le Chef de l'Eglise pour confirmer ses frères dans la foi et paître le troupeau universel (cf. Lc 22, 32; Jn 21, 15 s.), et qui l'a établi garant et gardien du dépôt de la foi » (1). Les termes de la (**) du discours consacrée à ce douloureux sujet sont soigneusement pesés et mesurés. Qu'on ne dise pas que les choses ne sont pas claires, ce sont des positions qu'il a prises publiquement qui sont reprochées comme gravement répréhensibles à Mgr Lefebvre.


La raison des sanctions


Ce qui précède permet de saisir la raison des sanctions encourues par le supérieur d'Ecône. Ces sanctions ont été précédées d'une suite d'exhortations et de mises en garde, et on ne peut ici accuser Rome d'avoir agi avec précipitation et sans la patience de la charité. Actuellement, Mgr Lefebvre n'est ni un évêque ayant charge d'un diocèse, ni un supérieur d'ordre religieux. Depuis que l'acte d'érection canonique de la « Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X » a été retiré le 6 mai 1975, Ecône n'existe plus comme séminaire de l'Eglise catholique. Or les prêtres, collaborateurs de l'épiscopat, « forment avec leur évêque un unique corps sacerdotal (presbyterium) ». C'est pourquoi il revient à l'évêque du diocèse de conférer le sacrement de l'ordre et quand, pour une raison fondée, il ne peut le faire directement et confie cette tache à un frère dans l'épiscopat, il est nécessaire que ce mandat soit notifié par des « lettres dimissoires ». Le cas est analogue pour les religieux qui doivent être dûment mandatés par leur supérieur majeur. Dans le droit de l'Eglise, le canon 2373, qui est d'origine ancienne, frappe de suspense d'un an dans l'administration des ordres l'évêque qui aurait procédé à des ordinations de candidats aux ordres non munis des documents requis. La suspense intervient d'office même si l'évêque en question a été surpris dans sa bonne foi (supposons, par exemple, qu'il agisse par oubli). Cette suspense a valeur pour un an, ce qui indique la volonté du législateur de donner au coupable l'occasion de se ressaisir et de regretter son acte. C'est donc ipso facto que Mgr Lefebvre a encouru, pour avoir procédé aux ordinations du 29 juin 1976, la suspense prévue par le canon 2373. Le cas est aggravé du fait qu'il avait reçu une interdiction expresse et dûment notifiée de procéder à ces ordinations. Il a là enfreint une double défense.
Quant aux prêtres ordonnés par le supérieur d'Ecône, ils sont, en vertu du canon 2374, suspendus ipso facto de l'exercice de leur sacerdoce (messe, sacrements, prédication), tant qu'ils n'auront pas régularisé leur situation dans l'Eglise avec le Saint-Siège et un évêque ou un supérieur dont ils doivent normalement dépendre. C'est que le ministère ne s'exerce que dans la communion ecclésiale.
L'absence de cette communion, ou du moins une offense délibérée à son égard, explique que les ordinations du 29 juin soient illicites. Elles sont cependant valides, car tout évêque, en vertu de la plénitude du sacrement de l'ordre et pour autant qu'il a l'intention de conférer le sacrement, a le pouvoir d'ordonner. Mais la transmission du sacrement a été faite au mépris de la communion hiérarchique et du lien essentiel qui relie le prêtre à son évêque, éléments indispensables à la vie et à l'ordonnance du Corps mystique. C'est ce profond désordre qui accompagne la collation valide du sacrement, qui rend l'acte illicite et qui déclenche les suspenses encourues.


Les motifs d'une séduction


Si je ne me trompe, on peut dessiner une double ligne d'attirance vers Ecône. Il y a d'abord des chrétiens « traditionalistes » au sens politique du terme, entendons les nostalgiques de l'ancien régime et de l'Action française, auxquels les condamnations de Pie Xl — qu'ils n'ont pas acceptées — n'ont rien appris. Ce sont eux qui, il y a une quinzaine d'années, constituaient les adeptes de « la Cité catholique ». Il y a ensuite ceux qui croient trouver à Ecône un refuge contre des désordres (dans l'enseignement de la doctrine ou de la catéchèse, dans la pastorale oecuménique ou dans la liturgie) qui les blessent depuis longtemps. Plus qu'attirés par Ecône, ils sont repoussés par des pratiques et des propos qui, non sans raison valable souvent, les choquent. A-t-on été, au nom de la charité fraternelle, loi première de cette « communion » qu'est l'Eglise, assez attentifs à leur souffrance? L'explosion soudaine d'une colère et d'une amertume depuis longtemps accumulées nous oblige à poser la question. Quant à ces frères eux-mêmes, profondément meurtris, c'est pour eux l'heure de la prière et de la grandeur d'âme, seules capables de vaincre la tentation qui les guette: celle de la dureté de coeur, du sectarisme, des étroitesses et de la division. Puissent-ils en leur âme et conscience de fils de l'Eglise entendre l'appel du sacrifice et de l'obéissance, qui seront bénis de Dieu! Et qu'ils comprennent que leur ralliement à Mgr Lefebvre repose sur un malentendu, pour autant qu'ils ne se situent pas au même plan que lui: autre chose, en effet, sont leurs griefs, autre chose l'attitude d'un évêque qui, quelles que soient ses intentions, équivaut au « fait de se placer hors de l'obéissance au successeur de Pierre et de la communion avec lui, et donc hors de l'Eglise ». Et comment ne pas voir que lorsqu'on introduit la division justement là où « l'amour du Christ nous a rassemblés en un seul corps » [...], c'est-à-dire dans la liturgie et le sacrifice eucharistique (cf. Paul VI, Discours du 24 mai), on adopte une position radicalement fausse?
Ce drame, car c'en est un, douloureux et profond — et puisse-t-il ne pas se terminer dans les impasses d'une tragédie spirituelle! — nous invite tous à une grave réflexion. Dans l'avertissement solennel du 24 mai, Paul VI a affirmé « avec la même fermeté » qu'il n'admettait pas un certain nombre d'attitudes qu'il a pris soin de préciser et qui reviennent à une attitude fondamentale « de critique a priori et parfois irréductible envers l'Eglise et ses institutions »; elle est le fait de ceux qui croient « faussement continuer dans la ligne du Concile ». Ce n'est sans doute pas la première fois dans la vie de l'Eglise que le trouble et la confusion marquent les temps d'un Concile oecuménique. En réalité, ces lendemains immédiats sont ceux où l'influence du Concile ne se fait pas encore pleinement sentir. Car nul doute que Vatican Il contienne une grande lumière, promesse pour l'Eglise de la floraison d'un nouveau printemps. Pour ce qui est de l'immédiat, il y a donc ceux qui, avec Mgr Lefebvre, rejettent le Concile. Mais il y a aussi tous ceux qui se réclament abusivement de son « esprit », en trahissent les intentions et les orientations. Aussi bien Paul VI terminait-il par ces paroles qu'il convient de méditer: « Les chrétiens sont appelés à être eux-mêmes; ils le seront dans la mesure où ils seront fidèles à l'Eglise et au Concile. »
Sur le chemin de cette fidélité, s'il y a une vérité qu'il convient de ne pas perdre de vue, c'est bien celle-ci:
« Il est [...] évident que la Tradition sacrée, la Sainte Ecriture et le Magistère de l'Eglise sont entre eux, selon le très sage dessein de Dieu, tellement liés et associés, qu'aucun d'eux n'a de consistance sans les autres, et que tous contribuent en même temps de façon efficace au salut des âmes, chacun à sa manière, sous l'action du seul Saint-Esprit. » (Const. dogm. Dei Verbum, n. 2.) Le Magistère de l'Eglise, c'est-à-dire celui du Concile, et le Magistère vivant confiés à l'actuel successeur de Pierre et à l'épiscopat en communion hiérarchique avec lui.

Georges COTTlER, O.P.


(*) Texte français dans la Liberté de Fribourg du 26 juillet.

(1) DC 1976, n° 1700, p. 358 (NDLR).

(**) Coquille dans l'article.
Sandrine
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